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Accès à l'emploi public, fonctionnement du FIPHFP : des choix discutables selon l'UNAPEDA

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Des représentants associatifs et syndicaux siégeant au Comité Local du FIPHFP Bretagne demandent la mise en oeuvre d’une politique plus incitative en matière de recrutement externe de travailleurs handicapés dans les fonctions publiques. Ils s’interrogent sur le choix des dépenses, le manque de transparence et de cohérence dans l’utilisation des fonds. Pour l’UNAPEDA, une réflexion plus approfondie sur le fonctionnement du FIPHFP s’impose: « Le taux d’emploi des travailleurs handicapés dans les trois fonctions publiques est en augmentation : il passe de 3,7 % en 2005 à 4,4 % en 2008 ; on sait que les statistiques sont parfois à prendre avec circonspection ; il apparaît cependant acquis que le nombre de travailleurs handicapés a progressé de 30 000 en 3 ans. »

« Bien sûr, on se félicite, au FIPHFP, de cette évolution. On veut y voir un effet du travail accompli : le conventionnement entre le Fonds et une centaine d’employeurs publics (ministères, villes, conseils généraux, hôpitaux, etc.) concerne désormais plus de la moitié des effectifs employés. On veut y voir également une confirmation que les fonds engagés ne sont pas pour rien dans cette évolution. Le montant de ces aides est en effet important ; de l’ordre de 180 Millions € en 2009, il peut encore progresser puisque le montant des contributions n’a pas encore atteint le plafond prévu par la réglementation.

Si on regarde de plus près l’utilisation de ces fonds, on constate que, comme le reconnaît le directeur du FIPHFP, « pour l’essentiel, les aides vont au maintien dans l’emploi ». C’est sûrement une bonne chose pour les personnes concernées, même si la progression dans l’emploi reste très aléatoire.

Le maintien dans l’emploi est effectivement un objectif prioritaire. Mais il ne doit pas être le seul : il est nécessaire que, parallèlement, le FIPHFP finance des actions incitant au recrutement de travailleurs handicapés, en fasse clairement une deuxième priorité, ce qui n’est pas le cas actuellement. On ne peut pas oublier en effet que la situation de l’emploi est catastrophique pour les travailleurs handicapés et les questions qui se posent ne manquent pas, ainsi :

Il existe une enveloppe financière pour aider les candidats à préparer les concours ; mais elle n’est pas sollicitée par les employeurs.
Très peu d’employeurs publics recourent à l’adaptation des concours à la situation de handicap des candidats ; pour beaucoup de ceux-ci, cela signifie donc que cette voie d’insertion est barrée.
La voie de l’apprentissage, n’est que très faiblement utilisée. Les employeurs paraissent particulièrement frileux et hésitent à développer cette modalité de recrutement, pourtant fortement aidée par le fonds.

On ne voit se dessiner aucune politique clairement incitative en matière de recrutement au sein du FIPHFP et on peut craindre que le scénario observé dans le secteur privé après la loi de 1987 se reproduise dans le secteur public. « Juste après l’application de la loi, les embauches directes de travailleurs handicapés ont été timides », dit une étude de la DARES de juillet 2008, il a fallu attendre une quinzaine d’années pour que les embauches progressent et atteignent, en 2005, 7 % de l’ensemble des salariés handicapés employés dans l’année.

Les nombreux chômeurs handicapés risquent donc d’attendre longtemps avant d’accéder à l’emploi. Et la situation restera particulièrement critique pour les personnes les plus lourdement handicapées tant que des incitations financières spécifiques ne viendront pas compenser le manque de productivité généré par certaines formes de handicap. Sur cette question, la Fonction Publique devrait se monter exemplaire et contribuer, au moins partiellement, à apporter des solutions ; certes la part des marchés passés avec les établissements spécialisés (ESAT / EA) est en hausse mais ne saurait à elle seule permettre d’esquiver le débat sur l’insertion en milieu ordinaires des travailleurs en situation de handicap.

Par ailleurs, l’utilisation des fonds manque souvent de transparence et il y a même, semble-t-il, la tentation de contourner le contrôle exercé par le Comité Local où siègent représentants associatifs et syndicaux.

On prendra pour exemple l’initiative de plusieurs préfets de créer un « pacte pour l’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique », financé par le FIPHFP tout en en refusant l’accès aux représentants des associations et des syndicats.
On citera également la particularité de certaines conventions signées qui prévoient un financement en fonction du plan proposé par l’employeur mais lui reconnaissent en même temps le droit de continuer à solliciter des aides directes sur la plate-forme Internet du FIPHFP sans contrôle du Comité Local.

De plus, les conventions proposées sont toujours examinées au cas pas, sans aucun cadre de référence ; si on rapporte le montant accordé par le FIPHFP à la taille de la structure (mesuré par le nombre total de salariés), le rapport varie considérablement (de 1 à 4) ; un tel écart est-il justifié ? Pour le moment, la question n’est pas traitée.

En outre, chaque Comité Local agit dans son coin sans pouvoir obtenir d’information sur ce qui se passe dans les autres Comités Locaux. Quel moyen avons-nous de savoir si les pratiques sont homogènes d’une région à l’autre ? Ne faudrait-il pas s’assurer que des dossiers comparables reçoivent un traitement comparable sur l’ensemble du territoire ? Les informations concernant le Comité National font défaut également. Le rapport annuel du Fonds n’est pas diffusé aux membres des Comités Locaux.

La direction du FIPHFP a donc un effort particulier d’information et de mise en cohérence du réseau à accomplir ; il ne s’agit pas là d’une simple question « technique » relevant de la seule responsabilité des délégués interrégionaux du FIPHFP.

Attention au volet insertion, souci de transparence, mise en cohérence du réseau : ce ne sont pas là les préoccupations majeures des responsables du FIPHFP.

Certes le FIPHFP a de l’argent ; mais cela ne saurait constituer une raison suffisante pour faire l’économie d’une réflexion sur le fonctionnement du fonds et, en particulier, se demander si toutes les dépenses engagées sont réellement en lien direct avec son objet :

financer la mise en accessibilité d’un établissement recevant du public au prétexte qu’il emploie une personne en situation de handicap ne permet-il pas à cet employeur de satisfaire à bon compte ses obligations légales en matière d’accès du public au service ?
la sensibilisation au handicap des professionnels de santé en formation dans les écoles d’infirmiers, d’aide soignants ou de sages-femmes est du ressort de ces écoles ; pourtant les Comité Locaux acceptent d’accorder un financement pour ce type d’action. Bientôt, l’éducation nationale viendra demander au FIPHFP de financer la formation de ses enseignants recevant des élèves en situation de handicap ?

N’y a-t-il pas des façons plus pertinentes d’orienter les dépenses ? Les besoins sont immenses pour ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi, en matière de mobilisation et de formation et pour ceux qui sont en emploi, pour développer le recours aux aides humaines et techniques qui permettrait l’accès à la formation et à la participation à la vie au travail. »

 

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