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APF France Handicap comment elle répond à la crise du covid-19

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La crise sanitaire a pris de court toute la société et de nombreuses organisations sanitaires et sociales ont dû faire face dans l’urgence aux mesures de confinement et de distanciation sociale. A partir de quand et comment une grande association telle que APF France Handicap a-t-elle géré les premiers signes d’alerte et les mesures de confinement dans ses établissements et ses services d’aide et de soin à domicile. C’est ce que nous explique Prosper Teboul le directeur général de APF France Handicap qui a répondu à nos questions

Petit rappel des chiffres concernant APF France Handicap pour bien mesurer l’ampleur des mesures qui ont dû être mises en œuvre au début de cette crise.

  • 30000 personnes accompagnées
  • 15 000 salariés
  • 516 structures dont 420 ESMS, 96 délégations départementales et 25 entreprises adaptées.

A partir de quand APF France handicap a-t-elle pris les premières mesure face au Covid ?
Nous avons commencé à surveiller la situation fin janvier et avons déclenché notre première cellule de crise dans la deuxième quinzaine de février avec l’envoi à l’ensemble de notre réseau d’une première procédure interne le 26 février qui énonçait toute une série de mesures à prendre sans délai pour anticiper les passages en stade 2 et 3 (on était encore en stade 1 à cette date)

Quelles étaient-elles ?
Nous avons attiré l’attention des directeurs sur la nécessité d’anticiper une éventuelle accélération du dispositif d’alerte, par exemple en termes d’achat de matériels de protection (masques FFP2 et lunettes de protection, gel hydro alcoolique) pour permettre aux équipes de faire face au moins aux premiers cas.

Au-delà, il était demandé à nos directions régionales de structurer la chaîne de transmission sur la survenue d’éventuels « cas possibles/confirmés » au sein des structures, que ce soit en direction des autorités sanitaires ou vers le siège.

Une cellule de crise a été mise en place au siège afin de centraliser les diverses informations tant en interne (en provenance des directions régionales) qu’en externe (en provenance du ministère et des autres acteurs nationaux), d’apporter le soutien  nécessaire et de prendre les arbitrages requis pour face aux diverses situations qui pourraient survenir. De plus nous avons maintenu nos liens réguliers notamment avec le secrétariat d’Etat aux personnes handicapées, la CNSA, le Collectif handicaps…..

Aujourd’hui, cette cellule de crise continue de se réunir (virtuellement !)  chaque jour, week-ends compris. Elle réunit plusieurs experts dans différents domaines (soins, RH, SI, communication, offre de services) et bien sûr le directeur général et le directeur général adjoint. Trois fois par semaine, une réunion nationale permet de faire le point avec l’ensemble des directeurs régionaux. Les réunions du Comité de direction générale sont devenues quotidiennes et les instances de gouvernance, Bureau et CA, ont également été réactivées en mode audio ou visio conférence.  Résultat : en dépit de la situation, de la diversité de nos champs d’action et du nombre de nos établissements, notre organisation s’est montrée agile. Et la communication entre nos structures a été autant ascendante que descendante.

S’adressaient-elles à toutes les entités et à tout le personnel de l’association ?
Bien entendu ! Toutes les composantes de l’association ont été intégrées à ce dispositif : offre de service, délégations et secteur des entreprises adaptées.

Quelle a été la place des délégations pour agir dans cette crise ?
Le mouvement associatif et les délégations, comme l’offre de service, font partie des acteurs que la direction générale doit mobiliser pour continuer d’accompagner les personnes dans cette période. Les délégations ont ainsi un rôle incontournable en termes de maintien du lien social, de réponses de proximité à rechercher (aide à domicile, courses, droits, …) pour les personnes dans un contexte où toute la stratégie du gouvernement repose sur le fait de confiner la population à son domicile.

Les salariés ont continué de travailler pour maintenir le lien avec les adhérents, et bâtir une solidarité de proximité, via des permanences téléphoniques notamment. Les adhérents ont tous été appelés, au moins une fois par semaine, davantage si une fragilité était repérée. Un système d’aide aux courses a été mis en place. Des soutiens psychologiques ont aussi été proposés.

Quelles sont les initiatives les plus remarquables ?
Il y aurait trop à dire ! La gestion de la crise se caractérise par la mise en place spontanée d’une remarquable chaîne de solidarité et d’initiatives. Certaines délégations ont bâti des communautés numériques, pour que des personnes en situation de handicap expertes puissent aider au maintien du lien social, lutter contre l’isolement ou faciliter les relations avec les administrations.

Au niveau des ESMS, se mettent également en place des initiatives remarquables, que ce soit pour accompagner à domicile des personnes qui y sont retournées pour le confinement (que ce soit en termes de prestations de soins ou de soutien psychologique) ou bien que ce soit, au contraire, pour continuer à accueillir les personnes dont l’établissement est le domicile. La pénurie de matériel adapté en général, et de masques en particulier, est un défi permanent pour les équipes qui démarchent qui les écoles, qui les municipalités, qui les entreprises.

Quelles sont plus précisément les mesures prises pour les « établissements ou foyer de vie ?
D’abord, il faut rappeler le contexte : depuis le début du confinement, les consignes du gouvernement ont été de favoriser la distanciation sociale et la limitation des déplacements. Dès lors, les structures d’hébergement doivent continuer à fonctionner et il importe de garantir la sécurité de cet accueil même dans un contexte de crise. Les écueils sont nombreux : pénurie matérielle, effectifs parfois très réduits par les arrêts maladie et les mises à l’isolement, etc.

Dans ce cadre, nous apportons une attention toute particulière à pouvoir redéployer nos équipes vers les structures les plus fragilisées.
A ce stade, nous parvenons à réguler les situations et il faut souligner l’engagement exceptionnel de nos équipes pour se porter volontaires lorsque des points de tensions sont identifiés. Même d’anciens salariés partis en retraite prennent parfois contact pour proposer leurs services !
Mais aujourd’hui la préoccupation à laquelle nous sommes confrontés réside dans le durcissement des mesures décidées par les pouvoirs publics s’agissant des modalités de confinement au sein des structures. La consigne de limiter les déplacements également au sein des structures est une mesure très lourde pour les personnes accueillies. Nous sommes très attentifs à ne pas confondre confinement et isolement.

Qu’elles sont les mesures prises pour les entreprises adaptées et leur niveau d’activité actuel ?
Nous avons recentré l’activité de nos entreprises adaptées sur les seules activités essentielles en lien avec l’épidémie COVID 19 ou les secteurs stratégiques pour l’économie nationale. Nous avons ainsi maintenu l’activité des secteurs de sous-traitance et de prestations sensibles et essentielles, en lien et soutien direct de nos partenaires et clients.
Bien entendu, tous les lieux ouverts au public (restauration collective…) ont été fermés.

Je voudrais également m’arrêter sur un chantier particulièrement symbolique : nous nous sommes lancés dans la fabrication de 150 000 masques chirurgicaux homologués par semaine. Huit de nos entreprises adaptées se sont mobilisées pour apporter leur contribution à l’effort collectif de production de masque.

Comment les services d’aide et de soin à domicile fonctionnent ‘ils aujourd’hui ? 
Je ne vous le cacherai pas : l’aide à domicile est un point de préoccupation majeur. Les personnels sont très exposés par des actes d’aide humaine qui les mettent en étroite proximité avec les personnes accompagnés. Or, ces professionnels – qui ne sont pas à proprement parler des personnels de soins – ont été longtemps vus comme non prioritaires en termes de distribution de masque. De très nombreuses pharmacies ont ainsi refusé de délivrer des masques en contradiction avec les consignes de la CNAMTS.

De ce fait, les personnes accompagnées comme les professionnels étaient fortement exposés : plusieurs usagers de SAAD ont ainsi pu renoncer à des prestations, préférant annuler des passages plutôt que de courir un risque.

Les choses changent mais doucement : les SAAD relèvent désormais du même circuit de distribution que les autres ESMS. Mais la situation reste critique pour les particuliers employeurs concernant l’accès aux masques de leurs salariés.

Etes-vous aussi en pénurie de masques et de gants pour les aidants ? 
Nous sommes en pénurie de masques, de gants, de matériels requis pour la mise en œuvre des protocoles d’isolement (charlotte, blouse, lunettes, etc.) et ce pour tout le monde : les personnes elles-mêmes, leurs aidants et nos salariés.

L’accès à ces matériels est notre combat quotidien durant cette crise. Quand on peut en trouver, c’est systématiquement à des prix disproportionnés par rapport aux standards habituels.

Bien sûr, on pourrait envisager des options « dégradées », mais à quel prix ? La sécurité de ceux que nous accueillons, de ceux que nous employons ? Nous n’avons pas voulu faire ce choix.

APF France handicap participe-t-elle à des actions nationales de solidarité autour du Coronavirus ?
Oui, nous travaillons à un partenariat spécifique avec la Croix rouge via le dispositif « Croix rouge chez vous ». Il s’agit pour APF France handicap et la Croix-Rouge française de mutualiser nos savoirs faire pour répondre de manière optimale aux besoins des personnes…

  • Pour APF France handicap, c’est la possibilité d’orienter les personnes vers « Croix-Rouge chez vous », là où l’association n’est pas présente, pour bénéficier de livraisons solidaires.
  • Pour la Croix-Rouge française, c’est la possibilité de bénéficier de l’expertise APF France handicap pour répondre à des demandes spécifiques de personnes en situation de handicap (droit des personnes, demandes particulières, ….).

Avez-vous des chiffres sur la contamination dans le secteur du handicap que l’on annonçait comme une population à risque ?
Annoncer des chiffres est extrêmement difficile, notamment en raison du caractère désormais très restreint des tests de dépistage : depuis peu, les tests ne sont plus pratiqués qu’à partir de 3 situations symptomatiques constatées dans une même structure (et si ces tests sont positifs, toutes les situations symptomatiques constatées dans ladite structure seront réputées être COVID 19).
A ce stade, nous déplorons 5 décès et plusieurs situations d’hospitalisation, que ce soit au sein des personnes accueillies ou de nos professionnels. Le nombre de cas « symptomatiques » s’élève à ce jour à près de 300.

Cette crise sanitaire va-t-elle entraîner de nouveaux modes d’organisations au sein d’APF France handicap ?
Le modèle standard d’organisation a dû s’adapter à un contexte nouveau. Les professionnels ont fait un formidable travail pour maintenir les accompagnements essentiels malgré, parfois (voir souvent), un manque de personnel. Ils ont tout fait pour que confinement ne rime pas avec isolement. Cette crise a fait tomber des barrières, permis des coopérations internes. Il faudra capitaliser et retenir les bonnes pratiques qui auront émergées. Nous garderons la fluidité et la souplesse qui viennent d’apparaître dans notre mode de fonctionnement.

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