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Le carnet de voyage pour voyager avec un handicap cognitif ou mental !

Carnet de voyage région AURA couv
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Le carnet de voyage, ou comment accroitre son autonomie pour voyager avec un handicap cognitif, psychique ou mental !

La Région Auvergne-Rhône-Alpes facilite l’accessibilité des transports régionaux pour tous, c’est une réalité. Mais bien au-delà des travaux d’aménagement des gares, elle propose aujourd’hui un support unique et innovant à destination des voyageurs porteurs d’un handicap cognitif, psychique ou mental. Cet outil original va faciliter et augmenter de manière ludique et très efficace l’autonomie de ces personnes. Une fois de plus, la Région se distingue pour son engagement envers les personnes en situation de handicap.

C’est Madame Sandrine Durand, cheffe de projet mobilité durable à la Direction des Mobilités, pilote de ce projet, qui nous raconte cette belle aventure, accompagnée par Madame Anne Perriaux, prestataire pour la Région sur le projet et directrice de la société 630 Degrés EST.
Une interview passionnante.

D’où vient cette volonté de rendre les transports plus accessibles aux handicaps sensoriel et cognitif ?
L’accessibilité des transports aux personnes en situation de handicap s’inscrit dans un cadre législatif et réglementaire, celui des schémas directeurs d’accessibilité et agendas d’accessibilité programmée (dites SDA-AD’AP). Ces derniers ont permis d’avancer dans la mise en accessibilité des transports, mais pas d’atteindre les objectifs fixés, c’est-à-dire des réseaux de transports réguliers publics totalement accessibles.
C’est une démarche partenariale, co-signée par l’autorité organisatrice des transports qu’est la Région, quand ce sont des transports régionaux, par exemple, SNCF/TER pour les trains régionaux, et les autocaristes pour les cars régionaux. Dans ce cadre, la concertation avec les associations d’usagers et de personnes en situation de handicap est obligatoire. Tous les 3 ans, nous élaborons un bilan d’avancement et réunissons les associations pour leur présenter cet état des lieux et l’actualisation de la démarche.
Nous avons choisi, à la Région Auvergne Rhône-Alpes, de réunir, une fois par an, les associations pour travailler sur l’aspect « fonctionnalités et usages » en respectant les normes réglementaires. Lors de l’une de ces réunions, une représentante d’association sur le handicap cognitif nous a demandé si on pouvait davantage travailler sur ce handicap, nous expliquant que dans les aménagements classiques, il n’y a pas d’aménagements directement fléchés pour améliorer l’accessibilité des personnes avec un handicap cognitif, psychique ou mental.

C’est à partir de là que vous avez créé un groupe de travail…
Tout à fait. La principale spécification donnée par la loi, c’est de rendre l’information accessible, lisible et compréhensible mais avec peu de spécifications. J’ai donc monté un groupe de travail avec les associations concernées par le handicap cognitif, psychique et mental référentes dans le suivi du dispositif SDA-Ad’AP et volontaires pour participer. Nous sommes partis d’une feuille blanche, en se demandant quelles sont les difficultés que rencontrent des personnes avec ce type de handicap lorsqu’elles souhaitent utiliser un car ou un train régional.
Dès la première réunion, le besoin d’aller faire des diagnostics sur le terrain avec des personnes en situation de handicap est ressorti. Pour véritablement se rendre compte des difficultés et même des obstacles qui leur interdisent d’utiliser les transports régionaux par train ou par autocar. C’est ce que nous avons fait en gare ferroviaire, en gare routière et aussi à des points d’arrêt d’autocar isolés, un peu en pleine campagne. Nous avons fait cela dans l’Ain, dans le Puy-de-Dôme, dans la Loire et dans le Rhône, en association avec les transporteurs et les gestionnaires d’infrastructures.

Nous avons relevé les principales difficultés, les principaux obstacles, en faisant faire des simulations aux personnes en situation de handicap. Nous leur proposions une sorte de jeu de piste, avec de petites missions à réaliser. Cette phase de diagnostic s’est déroulée sur 6 mois. Cela a abouti à une synthèse, un bilan, et nous avons mis en évidence deux solutions à travailler prioritairement.
La première solution, c’est un carnet de voyage adapté pour les personnes qui ont ces types de handicap, et c’est ce que ce que l’on a développé.
La deuxième solution consistait à travailler sur la signalétique des lignes régulières d’autocars, particulièrement les supports que l’on trouve sur le terrain c’est-à-dire dans les gares routières ou aux points d’arrêts routiers, mais aussi sur les supports d’information à distance (fiches horaires, sites Internet, cartes de réseau, …). Nous avons mené ces deux projets de front. Pour la signalétique du transport ferroviaire, les échanges se font déjà entre Région et SNCF dans le cadre de nos instances de suivi du dispositif SDA-Ad’AP et seront peut-être plus développés ultérieurement.
Nous avons veillé à produire des documents très compréhensibles et avons choisi de recourir à la méthode du « Facile à Lire et à Comprendre (FALC) ». Ainsi, le carnet prérempli et le carnet personnalisable avec la version vierge du livret et les catalogues de photos ont été audités par un ESAT certifié FALC, avec un atelier de formation et d’audit FALC. Nous avons intégré toutes leurs demandes et obtenu la certification FALC avec un taux de 98% de respect des normes du FALC.

Le carnet se présente au format papier… Est-ce qu’il revient à chacun de télécharger et d’imprimer le carnet ou est-ce qu’il existe d’autres options ?
Sur les sites internet dédiés (indiqués en fin d’article), il y a 3 liens de téléchargement.
– Celui d’un carnet pré-rempli à imprimer, un lien vers PDF à télécharger. Le carnet de voyage pré-rempli s’adresse aux personnes qui n’ont pas d’aidant, c’est un modèle plus générique pour les aider.
– Un autre lien, en format zip dans lequel il y a 3 fichiers, permet d’accéder au carnet personnalisable vierge à remplir, et aux catalogues photos pour voyager en train ou voyager en autocar.
– Le lien vers le carnet version numérique qui reprend le carnet prérempli auquel sont ajoutées des vidéos tutos pour certaines actions.

Lors du lancement, nous avons invité associations, établissements spécialisés et transporteurs à participer à la démarche pour co-concevoir, co-construire et expérimenter. Tous sont maintenant destinataires d’exemplaires papier des carnets et des enseignements sur la signalétique. De plus, la Région édite et imprime un grand nombre d’exemplaires de carnets personnalisés et pré-remplis qui seront envoyés aux établissements spécialisés sur le handicap cognitif d’Auvergne-Rhône-Alpes, cela pourrait représenter autour de 3 000 exemplaires papier.

Comment s’organise le trajet et comment se prépare-t-il ? Cela demande sûrement un certain degré d’autonomie…
C’est un point très important, car nous avons en effet considéré la production d’un carnet généraliste qui traite de toutes les étapes, de la première à la dernière. La première étape commence lorsqu’on est chez soi et que l’on prépare son voyage, et la dernière correspond au moment où on arrive sur son lieu de rendez-vous, à l’arrivée.
Les premières étapes sont complexes parce qu’elles impliquent de préparer le voyage et pas seulement de se préparer soi. Nous avons posé le postulat, en accord avec nos partenaires et les éducateurs et éducatrices, que dans cette phase préparatoire les personnes étaient accompagnées. Alors que sur les phases de déplacement dans le train ou dans le car, les personnes doivent être complètement autonomes. Ceci est possible grâce à l’abondance d’images et d’outillages de situations. Ce peut être aussi un outil d’apprentissage à utiliser, notamment pour les éducateurs, pour mieux communiquer avec les personnes qu’ils accompagnent.

Les professionnels de transport régionaux concernés sont-ils eux aussi sensibilisés à cet outil ?
Oui, tout à fait. Ils ont été associés à la démarche. Dès la phase de diagnostic, en 2018, la SNCF a été associée au marché de production et de conception de ce carnet de voyage, tout comme une vingtaine de transporteurs qui se sont impliqués dès le début de la démarche. Nous souhaitions connaître les difficultés et les sujets que pouvaient rencontrer les conducteurs de cars ou les agents en gare face à des usagers avec une spécificité cognitive, psychique ou mentale. Puis nous avons réalisé des expérimentations sur le terrain avec des conducteurs de cars et des représentants de SNCF. Ils se sont montrés vraiment très intéressés car, dans les formations de sensibilisation au handicap, les handicaps cognitifs, psychiques et mentaux sont sous-représentés et les agents se sentaient relativement démunis en termes de savoir-faire.

Les conseils que nous donnons aux usagers pour être autonomes sont par exemple de poser des questions quand ils ne savent pas, de bien lever la main pour faire signe au conducteur quand ils souhaitent monter dans le car, d’indiquer l’arrêt d’arrivée au conducteur pour vérifier qu’ils sont bien dans le bon car. Les conducteurs, les transporteurs et les agents SNCF sont destinataires de ces documents de sensibilisation.

Comment avez-vous imaginé la dimension visuelle du carnet de voyage ?
Ce travail s’est fait avec l’aide des éducateurs, des éducatrices, des personnes en situation de handicap et de leurs aidants. Ils nous apportaient les éléments à traiter, décrivaient les actions qu’ils ne comprennent pas et qui posent problème. Le but était de leur faire comprendre les bons comportements à adopter. Mais par quelle image, quel pictogramme, quel mot ? Et aussi comment construire l’outil ? Ce sont ces participants qui ont choisi le format A5 et la première page. Tout a été décidé et conçu en ateliers participatifs de co-conception. Les éducateurs, éducatrices, ergothérapeutes et psychologues ont été associés à ses ateliers pendant près d’un an. Nous avons commencé les ateliers en octobre 2020 et terminé en juillet 2021. Ces ateliers ont tous dû être faits en visio conférence à cause de la crise sanitaire. Nous nous sommes appuyés sur des outils participatifs en ligne

Comment êtes-vous intervenus sur la signalétique de terrain ?
Nous avions une organisation du travail particulière avec un projet sur la signalétique des lignes routières sur lequel la moitié des associations travaillait, et l’autre moitié travaillait sur le projet carnet. Tous les pictogrammes ont vraiment été étudiés dans le cadre du projet signalétique. Que ce soit pour la partie routière ou SNCF, les entreprises sont invités à utiliser ces pictogrammes. La Région Auvergne-Rhône-Alpes a d’ailleurs adapté sa charte graphique pour intégrer ces pictogrammes qui ont été validés par notre direction de la communication.

La signalétique adaptée a aussi été validée par la direction des Mobilités et les premiers supports ont été approuvés par l’exécutif et par le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Ce sont notamment les têtes des poteaux d’arrêt des cars. Tout cela est en cours de déploiement. Nous avons aussi travaillé sur une nouveauté : une fiche « action à faire », un document qui sera affiché sur le poteau d’arrêt des cars et est imagé et rédigé en FALC (photos et légendes issues du carnet de voyage). Il propose une sélection des 4 actions principales qu’il faut absolument faire et vérifier. Nous avons aussi fait des propositions sur un grand nombre de supports et notamment sur les fiches horaires en dépliant papier, comme sur les fiches horaires affichées à l’arrêt du car ou encore consultables et téléchargeables numériquement.

Aujourd’hui le carnet de voyage est-il utilisable ?
Oui, le carnet de voyage effectif et utilisable. Il est en cours d’envoi aux transporteurs des lignes régulières d’autocars régionales. Ces derniers travaillent sur l’information aux voyageurs et appliquent les recommandations graphiques. Les fiches « actions à faire » vont être déployées à partir de 2022, comme les nouvelles fiches horaires, qui seront mises aux poteaux d’arrêt et dans les gares routières.

Avez une volonté de standardisation, notamment des pictos, de manière à ce que chaque région adopte plus ou moins le même design, la même sérigraphie ?
J’anime un groupe de travail au sein de l’Association des Régions de France, qui rassemble toutes les Régions, et nous partageons nos travaux sur l’accessibilité. Dans ce groupe de travail sur l’accessibilité PMR, j’ai exposé tout ce que l’on a fait sur le carnet de voyage et sur la signalétique. Alors ce carnet de voyage, il n’attend que d’avoir des petits frères et des petites sœurs dans d’autres régions pour faciliter les inter-régionaux. Dans les réseaux urbains ou dans les réseaux locaux des communautés de communes, des communautés d’agglomération, nous allons communiquer pour expliquer comment nous avons procédé. En parallèle, d’autres autorités organisatrices de la mobilité peuvent s’emparer de ce type d’outils pour les développer sur leur réseau, c’est avec professionnalisme et plaisir que je leur donnerai des conseils.
Ce que l’on peut dire aussi, c’est que les associations partenaires siègent souvent aux commissions d’accessibilité des collectivités locales, comme dans leurs propres sièges nationaux, et pourront transmettre les informations et les bonnes idées qui sont ressorties de ces projets.

Télécharger le carnet de voyage sous ses différents formats :

Carnet de voyage au format numérique

Carnet de voyage de voyage pré-rempli 

Carnet de voyage encore vierge

Contacts réalisation des carnets :
Projet réalisé par Anne Perriaux Designer graphique de la Société 630 Degrés EST, et piloté par Sandrine DURAND, Région Auvergne-Rhône-Alpes

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