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Amour et handicap : Dépasser les tabous avec le CERHES

Cerhes Amour et handicap
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Amour et handicap ne sont pas incompatibles, le Cerhes nous le prouve!


Rencontre avec François Crochon et Fabienne Combot Merley, membres du CeRHeS, Centre Ressources Handicaps et Sexualités, basé à Lyon. Ils se penchent sur le thème “Vie affective, amour et handicap”

Pouvez-vous vous présenter ?
François Crochon : Ma  formation initiale est psychomotricien. Je suis ensuite devenu sexologue clinicien, puis chef de mission au sein du CeRHeS. Mon rôle consiste à coordonner les actions du CeRHeS tout en accompagnant les formateurs, les professionnels, et toute personne qui fait appel au CERHES.

Fabienne Combot Merley : Je suis documentaliste au CeRHeS. J’ai suivi une formation en sciences humaines et politiques sociales, et j’ai une expérience professionnelle dans les champs du handicap, du domaine social et du milieu culturel, ce qui m’a amenée à devenir documentaliste au CeRHeS. Mon rôle est de mettre en place et de faire fonctionner ce premier Centre Ressources Documentaires sur les handicaps et la sexualité. Actuellement j’ai terminé le montage du dossier et je finalise la création du centre en continuant à rechercher des données, en créant un thésaurus, puis en faisant connaître ce Centre Ressources Documentaires et le rendant le plus accessible possible.

 

Vie affective, amour et handicap
Parmi les personnes que vous accompagnez, quelles sont les difficultés les plus fréquemment rencontrées ?

– Les personnes en difficulté qui font appel à nous ont souvent du mal à nommer les choses, notamment les parties du corps, à dépasser les tabous et à mettre les mots sur cette dimension du handicap et de la sexualité, et cela s’applique aussi bien aux personnes en situation de handicap qu’aux professionnels. La sexualité fait partie de la personne, et chaque personne, qu’elle soit handicapée ou non, est experte de sa propre vie dans tous les domaines. C’est elle qui doit décider de sa vie

– Les personnes en situation de handicap ont parfois des difficultés à accéder au libre-arbitre en matière de vie sexuelle du fait d’un manque de sensibilisation à cette thématique. Il faudrait pouvoir proposer une forme d’éducation à la sexualité aux ados et  jeunes adultes afin qu’ils bénéficient de tous les outils pour mener leur vie intime de manière autonome. Le premier organe sexuel est le cerveau, « libérer la parole, c’est libérer la pensée ».

– L’expression de la sexualité des personnes handicapées est toujours considérée comme à risque dans notre société. Nous souhaitons mettre en avant l’idée que le concept de santé sexuelle doit être rattaché avant tout à l’épanouissement, au bien-être et au plaisir. Ce qui passe par la sensibilisation, l’éducation et le développement du libre-arbitre de chacun, et par des espaces d’expression où les personnes ont la possibilité de parler de leurs choix avant d’agir. Nous devons faire en sorte que les personnes handicapées deviennent sujets de désir et non plus seulement objets de soins.

Quels conseils pourriez-vous donner à nos lecteurs qui rencontrent des difficultés dans leur vie affective ?
Aussi bien pour les personnes en situation de handicap que pour leurs proches, la meilleure chose à faire en cas de difficultés est d’aborder la question avec les personnes concernées et avec des spécialistes accessibles et formés (sexologues, psychologues professionnels de santé ou professionnels en établissements, s’ils sont ouverts à la question …) . La santé sexuelle est en lien direct avec la santé psychique et intellectuelle. C’est une possibilité d’épanouissement parmi d’autres, mais il est dommage de passer à côté. Aujourd’hui le droit universel de pouvoir accéder à la sexualité est entré dans les esprits. Les questions qui se posent le plus souvent à présent sont liées à l’orientation sexuelle ou à la parentalité.

Concernant les professionnels, je pense qu’il est essentiel qu’ils intègrent cette dimension dans leur réflexion et dans leur accompagnement. C’est important pour les respect des droits et libertés de chacun mais aussi sur le plan éthique : c’est une manière de contribuer au développement du libre-arbitre et de l’autonomie de chacun, pour qu’il puisse faire ses propres choix.

Plus globalement, quel est votre point de vue sur la vie affective des personnes en situation de handicap en France ?
La réflexion avance mais cela reste compliqué dans les réponses apportées, en particulier sur la façon d’accompagner concrètement les personnes directement concernées. Il y a de belles choses qui se font mais cela reste complexe et confidentiel. D’où l’importance de mettre en place un centre de recherche et de valoriser toutes les bonnes initiatives.

En matière d’amour et handicap, qu’en est-il plus particulièrement de :

– L’assistance sexuelle ?
Le CeRHeS ne fait pas de prosélytisme et ne s’inscrit pas dans une démarche politique ou un plaidoyer sur cette question. Nous l’évoquons mais de la manière la plus neutre possible, en accompagnant les gens dans leur propre choix de vie.

– La vie intime des personnes handicapées en établissement ?
La base de tout, c’est le respect de la vie privée. Aucune intimité n’est possible sans le respect d’un minimum de règles et les professionnels doivent y être sensibilisés dans leur ensemble.

– L’homosexualité des personnes handicapées ?
L’orientation sexuelle des personnes en situation de handicap est une thématique nouvelle qui émerge depuis quelques années. De notre côté, il est difficile de savoir dans quelle mesure les gens osent en parler ou non, et c’est peut-être plus complexe pour des personnes en situation de handicap que pour des personnes valides : c’est un double tabou.

Comment pourrait-on remédier aux difficultés actuelles en matière d’ amour et handicap ?
Tout le monde peut éprouver  de la frustration dans le registre de la sexualité, mais avec un handicap, c’est bien souvent la souffrance liée à la privation et non seulement la frustration  qui prédomine. Les difficultés ne sont pas les mêmes pour les personnes handicapées et valides, d’où l’intérêt de réfléchir avec et pour les personnes concernées à des réponses et un accompagnement spécifiques adaptées à leurs besoins spécifiques.

L’assistance sexuelle pourrait apparaître comme UNE réponse, et peut-être se placer dans le champ plus large de la compensation du handicap, au même titre que des aides humaines ou techniques, plutôt que dans le champ de la prostitution.

Mais cela ne doit en aucun cas occulter la diversité et de la singularité  des réponses possibles en terme d’éducation,  d’accompagnement et de soin,  dans le respect des choix de vie des personnes en situation de handicap : c’est la personne qui vit une situation de handicap qui est experte de sa propre vie.

La sexualité est un vecteur incontournable de la santé et les personnes en situation de handicap revendiquent légitimement le droit de jouir… de leurs droits sexuels au même titre que de l’ensemble de leurs libertés fondamentales. Amour et handicap doivent pouvoir se conjuguer.

Photo : François Crochon et Fabienne Combot Merley.

Amour et handicap – Témoignage
Willy Rougier, membre du CeRHeS, de l’APF et de l’association CH(S)OSE.

Le gouvernement évoque en ce moment l’idée de pénaliser les personnes qui ont recours à la prostitution et/ ou rémunèrent une personne pour des prestations d’ordre sexuel. Cela a beaucoup effrayé les familles de personnes en situation de handicap qui font appel à des assistant-e-s sexuel-le-s, et des amalgames ont été faits : « Dès qu’on donne de l’argent cela devient de la prostitution ».  Les assistants sexuels ont  choisi de pratiquer cet accompagnement auprès de personnes handicapées, et ont suivi une formation pour cela… c’est normal qu’ils soient rémunérés, et c’est donc tout aussi normal pour une personne qui bénéficie d’un service d’accompagnement sexuel de mettre de l’argent de côté pour payer ce service. Cela peut aussi être un moyen d’éviter un attachement trop important, en mettant de la distance.

Je veux faire avancer les choses sur le terrain politique, et dans ce cadre je réfléchis actuellement à la création d’un groupe de parole à Lyon, destiné aux personnes en situation de handicap qui souhaitent discuter et échanger leurs points de vue sur ce sujet. Il existe déjà un groupe d’expression de ce type à Marseille. L’APPAS (association pour la promotion de l’accompagnement sexuel) a commencé ce combat il y a très longtemps, aux côtés de Marcel Nuss, mais je pense qu’il faut que les personnes en situation de handicap soient de plus en plus nombreuses à s’y engager.

Plus d’infos sur le thème amour et handicap, sur le droit à la sexualité et sur le Cerhes : www.cerhes.org

Le CeRHeS
Pouvez-vous nous présenter le CeRHeS ?
Le CeRHeS, Centre Ressources Handicaps et Sexualités, est la première structure de ce type en France.
C’est un groupement de coopération sociale ou médico-sociale (GCSMS) qui regroupe notamment l’APF, le GIHP et l’AFM Téléthon. Il compte deux salariés, bientôt trois, une équipe de bénévoles et un réseau d’intervenants dans toute la France. C’est un organisme à but non lucratif qui a pour objectif de promouvoir la prise en compte de l’épanouissement et du respect de la vie intime, affective et sexuelle de tous, quels que soient l’âge,  la nature et l’origine des situations de handicap, ou le choix de vie à domicile ou en établissement.

Quelle est la mission du CeRHeS?
Dans le cadre de la promotion de la santé sexuelle, les missions du CeRHeS s’articulent autour de quatre grands axes : 

– L’accompagnement, l’écoute et l’orientation des usagers et de leurs proches : Cela passe par des accompagnements et suivis individuels ou en couple, mais aussi par des groupes de soutien et d’échanges pour les proches, partenaires et parents (ateliers d’écriture, groupes d’expression, ateliers séduction, soirées débats…). Les personnes intéressées peuvent se renseigner sur notre site : www.cerhes.org ou demander un rendez-vous par mail : [email protected].

– Le centre ressources documentaires : Destiné aussi bien aux particuliers qu’aux chercheurs et professionnels du milieu médico-social, il regroupe déjà plus de 600 ouvrages et autres documents (dvd, études…), dont plus de 10% sont dédiés à la jeunesse et peuvent correspondre à des personnes en situation de handicap intellectuel. L’ouverture officielle du centre documentaire est prévue pour la fin de l’année 2015. Il disposera d’un fonds en ligne, permettant de connaître à distance via internet la liste des documents disponibles et éventuellement de les réserver. Le CeRHeS fait d’ores et déjà partie du Redoc 69h, réseau documentaire du Rhône sur le handicap.

– La recherche : avec des interventions lors de colloques, une diffusion de bonnes pratiques et une implication dans des groupes de travail thématiques, en partenariat avec la FIRAH (Fondation Internationale de la Recherche Appliquée au Handicap). Cet aspect « recherche » est très important car en France nous disposons de très peu d’éléments scientifiques sur la thématique de la sexualité et du handicap. Aussi nous recherchons des soutiens pour que les actions de recherche sur ce thème soient davantage reconnues au niveau national, nous souhaitons nous rapprocher des structures de promotion de santé sexuelle (planning familial, INPES…). Le CeRHeS va notamment participer aux côtés de l’Université Lyon 2 à un programme qui débutera bientôt : « Mes amours », dans le cadre duquel des personnes présentant une Trisomie 21 seront formées pour intervenir elles-mêmes auprès du public.  Valoriser l’apport des personnes en situation de handicap et leur ouvrir toutes nos formations – même pour celles qui ne travaillent pas – fait aussi partie des grandes valeurs défendues par le CeRHeS.

– La formation initiale et continue, pour optimiser les pratiques professionnelles. Nous assurons des formations pour les professionnels travaillant en établissement ou à domicile, avec des sexologues et intervenants connaissant le handicap et formés en santé sexuelle ; des formations à l’animation de groupes d’expression/éducation à la sexualité ; des sensibilisations du personnel; un soutien au développement de projets… Nous essayons de répondre aux demandes à la carte en lien avec la réalité du public. Pour moitié nous intervenons dans le cadre de la déficience mentale et psychique, c’est là qu’il y a le plus de demandes et où on trouve le moins facilement des acteurs compétents.

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