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Chacun a vocation a être un maillon de la chaîne

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Avocate au barreau de Paris, ancien ministre et membre honoraire du Conseil Constitutionnel, Monique Pelletier est présidente du Conseil National Handicap, association d’intérêt général créée en 2003, à l’initiative de Jacques Chirac, afin de changer le regard et le comportement de chacun vis-à-vis des personnes en situation de handicap et de faciliter leur accès à la vie scolaire, sociale et professionnelle afin que soient mieux respectés leurs droits et leur dignité. En répondant à nos questions, elle porte un regard nuancé sur l’application de la Loi de 2005 en matière d’accessibilité du cadre bâti.

 

Que pouvez-vous nous dire sur l’état d’avancement de la mise en accessibilité des ERP imposé par la loi ?

M.P.: On ne peut nier qu’il y ait un certain retard dans les prises de décision, quoique à présent en terme d’accessibilité, les prises de conscience commencent à produire des effets… le mouvement semble en marche

 

La Loi est-elle selon vous juste ou trop ambitieuse ? Juste, et nécessaire.

Elle était attendue, la France était et reste encore en retard. Mais on peut se poser des questions en revanche sur les arrêtés qui ont suivi ; certains ont probablement besoin d’être revus d’un point de vue technique…cela requiert de la concertation entre les acteurs concernés…

 

Comment voyez-vous la situation en 2015 ?

La situation en 2015 : je la vois meilleure qu’aujourd’hui ; mais il ne faut pas baisser les bras, c’est le moment d’une mobilisation générale. J’appelle les pouvoirs publics et tous les professionnels à faire écho, avec les associations à toutes les bonnes pratiques… il y en a qui sont méconnues…elles ne sont pas toutes forcément coûteuses, elles doivent répondre à l’objectif de la loi : éviter toute discrimination des personnes handicapées liée à leur handicap . Et je rappelle que la loi comporte pour cela deux volets : accessibilité et compensation.

 

Les professionnels du bâtiment sont-ils suffisamment informés (promoteur, architectes, notaires…) et engagés dans cette démarche ?

Non , mais ils le sont sans doute plus que d’autres qui auraient tout autant lieu de l’être…Les associations en particulier demandent à être mieux formées sur ce sujet afin d’être des interlocuteurs responsables et elles ont raison ; C’est en effet une modification générale des comportements de la société qui est à accomplir, et pas du pointillisme…

 

La loi va générer des incompatibilités économiques, architecturales, urbaines et donc humaines dans des domaines aussi différents que la culture, l’enseignement, le commerce de proximité, l’habitat…Va t’on de fait vers une série de dérogations ?

Il y a des demandes de dérogations qui sont liées à des raisons techniques et pas seulement économiques…il y en a d’autres qui relèvent de résistances, de stéréotypes, d’incompréhension, ce sont celles contre lesquelles nous nous battons Et menons des actions en terme de pédagogie.

 

Certains professionnels n’auront-ils pas raison de jouer la montre pour obtenir des dérogations ?

Vous savez comme moi que les pénalités qui peuvent leur être appliquées le moment venu sont lourdes ; il serait par conséquent d’une imprévoyance grave de ne pas le prendre en compte dès à présent, il n’est que temps…cependant il faut aussi tenir compte globalement et dans une approche d’intérêt général des situations d’incompatibilités, aux effets plus préjudiciables que bénéfiques…

 

Des dérogations sont sans doute nécessaires qu’en pensez-vous ?

Vous diziez que la loi va générer des incompatibilités… si c’est le cas, et on constate sur le terrain que c’est le cas parfois, inspirons nous de nos voisins : les Belges, les Espagnols, et bien d’autres, sont infiniment plus pragmatiques pour résoudre les difficultés qu’ils rencontrent, et ils en rencontrent comme nous, même s’ils ont pris de l’avance… la vraie question n’est pas l’actuelle focalisation sur des dérogations dont pour certaines, dès lors qu’il y a des discussions techniques sérieuses, l’accord peut exister et se trouve. La vraie question est ce que chacun de nous veut bien faire pour aller de l’avant…L’Etat ne peut tout faire.

 

Les bâtiments de France sont une fois de plus intouchables, cela signifie t-li que les personnes à mobilité réduite sont à jamais exclues d’une très grande partie du patrimoine historique français ?

Les bâtiments de France ne sont pas intouchables… certains ne peuvent tout simplement pas techniquement être mis aux normes …. pour d’autres, les coûts engendrés seraient disproportionnés compte tenu de différentes données : autres besoins prioritaires, d’une crèche, d’un établissement sanitaire, ou pour personnes âgées ?… il ne faut pas se situer dans un discours jusqu’ « au boutiste », mais rechercher les meilleures solutions et les compensations qui répondent le mieux… tout le monde ne peut atteindre la salle des merveilles du Mont Saint Michel…tout le monde peut aujourd’hui en faire une visite…

 

Le gouvernement pourra t-il résoudre l’équation des dérogations pour les professionnels et des frustrations de associations qui attendent beaucoup de cette loi ?

Gouverner c’est prendre en compte des intérêts contradictoires…pour notre part , aux cotés des associations et des professionnels avec lesquels nous travaillons, dans la plus grande indépendance, nous serons vigilants…

 

Doit-on miser sur une révision à la baisse des ambitions de la loi pour que celle-ci s’applique ?

Les ambitions de la loi, encore une fois étaient tout à fait légitimes… ce à quoi il faut veiller c’est au calendrier, et avancer…

 

Une société Française véritablement accessible à tous est-ce un rêve pieux ?

Non je ne pense pas. Regardez ces 20 dernières années, des progrès indéniables ont été accomplis… mais communiquons plus sur ce qui se fait de bien, sérieusement, avec de vrais objectifs de progrès, vous les médias avez ici une mission essentielle … regardez les CIDJ par exemple, pour informer les jeunes en recherche d’emploi, ils font des choses formidables … le CNHandicap dans cet esprit remettra avec plusieurs partenaires, le 1er décembre prochain à la Cité de l’architecture et du Patrimoine les 1ers trophées de ‘la chaîne des compétences de l’ accessibilité » ; chacun a vocation à être un maillon et à concourir… vous aussi et je vous y invite

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