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Chiens guides d’aveugles : 50 ans et un livre pour le grand public

Alexandra Blanchin, directrice générale de la FFAC évoque avec nous la sortie du livre : « Le chien guide - La prunelle de mes yeux » et fait le point sur les différents combats menés pour les personnes déficientes visuelles.

Chiens guides d’aveugles : 50 ans et un livre grand public
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À l’occasion du cinquantième anniversaire de la Fédération Française des Associations de Chiens Guides d’Aveugles, ou FFAC, nous avons échangé avec Alexandra Blanchin, directrice générale de ce mouvement. À travers cette interview, elle évoque avec nous la sortie du livre : « Le chien guide – La prunelle de mes yeux » et fait le point sur les différents combats menés par la FFAC pour les personnes déficientes visuelles.

Découvrez l’interview d’Alexandra Blanchin en podcast.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis directrice générale de la Fédération Française des Associations de Chiens Guides d’Aveugles depuis septembre 2021.

Cela fait très longtemps que je suis dans le secteur associatif, depuis une vingtaine d’années. Je suis passée par de très grandes associations, comme la Croix Rouge, et de plus petites. Avant la FFAC, j’ai dirigé pendant 8 ans une fédération nationale avec un peu la même mission que celle que j’ai au sein de la FFAC, mais dans un secteur totalement différent : j’étais dans le domaine du soutien à la parentalité. Néanmoins, il y a quand même un lien, car entre éduquer des enfants et éduquer des chiens, il y a quelques similitudes.

Pouvez-vous nous présenter la FFAC ?

C’est une tête de réseau national qui regroupe un ensemble d’associations. Le noyau dur est constitué principalement d’écoles de chiens guides et des associations qui forment les chiens guides pour les remettre à des personnes aveugles ou malvoyantes. Nous avons 10 associations implantées sur tout le territoire. Chacune de ces associations dispose d’un ou plusieurs centres d’éducation de chiens guides d’aveugles. Au total, sur toute la France, nous avons 17 centres d’éducation.

En plus de ces associations régionales, nous avons une fondation : la Fondation Frédéric Gaillanne. Celle-ci rayonne sur le plan national, voire européen. Elle remet des chiens guides à des enfants, des mineurs de 12 à 18 ans.

Nous avons aussi des centres d’élevage. En fait, les chiens guides que nous remettons aux personnes aveugles et malvoyantes sont majoritairement issus de nos propres élevages, ce qui nous permet de les sélectionner, que ce soit au niveau de la génétique ou du comportement, pour faire en sorte qu’un maximum de ces chiens qui naissent puissent devenir chiens guides d’aveugles.

Par ailleurs, nous avons, au sein de notre mouvement, une association qui représente les maîtres de chiens guides et qui s’appelle : ANM’ Chiens guides.

La Fédération Française des Associations de Chiens Guides d’Aveugles fête ses 50 ans cette année. C’est donc une année un peu particulière, sachant que les premières associations de notre mouvement ont un peu plus de 70 ans et que les plus récentes ont été créées il y a une dizaine d’années. C’est pour marquer cet anniversaire que le livre « Le chien guide – La prunelle de mes yeux » a été conçu.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cet ouvrage ?

C’est un livre destiné au grand public. C’est la raison pour laquelle on s’est associés à un éditeur, afin de permettre que cet ouvrage soit présent dans les librairies et sur les principaux sites marchands en ligne. L’objectif étant qu’il soit accessible et puisse donner un maximum d’informations, pour vulgariser ce qu’est l’univers du chien guide auprès du grand public.

Il est composé de très belles photos, réalisées par des photographes professionnels, et d’iconographies – dessins pédagogiques – qui éclaircissent certains points. Par exemple, des schémas sont proposés pour expliquer comment se passe une demande de chien guide, quel est le parcours de ce chien de sa naissance à sa retraite… Un travail très important a été mené par toutes les équipes qui ont participé à la création de cet ouvrage. Toutes les photos et tous les témoignages présentés proviennent de personnes qui font partie de notre mouvement, c’est donc aussi une manière de les valoriser et montrer notre univers de manière concrète.

Que représente cet ouvrage pour vous et pour la FFAC ?

C’est un vecteur de communication vraiment très important. Cela nous permet d’expliquer au public ce qu’est la déficience visuelle et quels sont les apports d’un chien guide. Ce livre d’une centaine de pages aborde un ensemble de thèmes : Comment fait-on une demande pour obtenir un chien guide ? Comment sont formés les chiens guides ? Qui forme les chiens guides et comment ces formateurs sont-ils eux-mêmes formés ? Il évoque un autre élément essentiel : les familles d’accueil, avec un chapitre qui leur est consacré.

Cet ouvrage permet vraiment de retracer le parcours de ces chiens d’exception et de mettre en lumière, à travers des témoignages et des photos de qualité, tous les maillons de cette chaîne de solidarité, et les personnes, qui, par leur engagement, marquent le parcours du chien guide.

Quelles sont vos attentes par rapport à cet ouvrage ?

Plus cet ouvrage sera diffusé et vendu, meilleure la connaissance sera autour de la déficience visuelle. C’est vrai que, souvent, dans l’univers du handicap, la déficience visuelle n’est pas forcément le handicap que le grand public connaît le mieux. Par exemple, il y a souvent des personnes déficientes visuelles qui pourraient bénéficier d’un chien guide et ne savent pas qu’elles y auraient droit. Car les chiens guides sont là pour les personnes aveugles mais aussi pour les personnes malvoyantes.

Donc si ce livre peut permettre d’aider des personnes qui ne savent pas comment faire une demande ou si elles sont en droit de faire une demande, ce serait une bonne chose. Que ce soit la personne elle-même directement, son entourage ou quelqu’un de son milieu professionnel.

Comment peut-on se le procurer ?

Le livre est disponible en librairie. Si votre libraire ne l’a pas, il suffit de le commander. C’est l’avantage de s’être associés à un éditeur connu, avec une diffusion assez large. L’ouvrage est également disponible sur les principaux sites marchands en ligne.

Nous avons également élaboré une version audio et une version PDF accessible pour les personnes déficientes visuelles et les autres handicaps.

D’autre part, dans cet ouvrage, on fait part des combats que la fédération et ses associations mènent autour des questions de libre accès. Les chiens guides sont aujourd’hui autorisés dans tous les lieux ouverts au public, c’est-à-dire les supermarchés, les taxis, les trains, les avions. Il y a encore quelques refus d’accès… même si nul n’est censé ignorer la loi.

Parlons plus précisément du chien guide. Pouvez-vous nous rappeler le rôle du chien guide et nous citer quelques avantages qu’il apporte à son maître ?

Le chien guide est un formidable outil d’autonomie et de mobilité. Avec une canne blanche, vous pouvez vous déplacer dans un certain nombre d’endroits. Mais le chien guide, en fait, va également sécuriser vos déplacements. Il va vous permettre d’éviter des obstacles, de vous déplacer de façon plus fluide… Nous recevons très souvent des témoignages de personnes qui se déplaçaient avant avec une canne, et qui se déplacent désormais avec un chien guide, et elles nous disent qu’il n’y a pas photo entre les deux. Il y a beaucoup de personnes qui ne voulaient plus sortir du fait qu’elles perdaient la vue progressivement, qui restaient enfermées chez elles de peur de se faire renverser, de tomber… À présent, le chien guide les rassure énormément à ce niveau-là, puisqu’il devient les yeux de la personne déficiente visuelle.

En dehors de cet aspect de mobilité et d’autonomie retrouvée, le chien guide est un formidable vecteur d’inclusion sociale. Quand vous vous baladez avec un chien guide, les gens s’arrêtent, parlent et posent des questions. Alors que malheureusement, sans cela, le handicap peut faire peur, mettre mal à l’aise, et faire que des personnes en situation de handicap se retrouvent isolées.

Je peux d’autant plus vous l’assurer que je suis moi-même famille d’accueil. J’ai avec moi, en permanence, un chien que j’ai eu à la sortie de la maternité et qui entrera à l’école dans un an. Dès que je le sors, notamment quand je prends le métro, il ne se passe pas deux stations sans que quelqu’un me pose des questions sur lui. Les gens sont très curieux. Et c’est vrai que ces chiens, des labradors, des goldens… sont aimés du grand public.

Du coup, cela vous permet aussi de faire de la sensibilisation…

Tout à fait ! Je suis ambassadrice tous les jours de la cause des chiens guides et des maîtres de chiens guides, et je prends plaisir à expliquer ce que fait Shapy, le chien que j’ai avec moi en ce moment.

Nous sommes à peu près 600 familles d’accueil en France avec des chiens en devenir. Ces familles d’accueil, on leur en demande beaucoup, et justement nous avons tenu à les mettre en valeur dans le livre pour les remercier de leur engagement. Ce sont des personnes qui font cela bénévolement. Cela prend beaucoup de temps quand vous avez un jeune chiot à la maison : il faut gérer la propreté, le faire sortir plusieurs par jour, lui apprendre les bonnes manières, à bien se tenir en laisse, il a besoin d’attention… Tout cela permet que les chiens, quand ils entrent en centre d’éducation, aient déjà des bases.

Quand ils entrent à l’école, ils sont pris en main par des moniteurs éducateurs. Les moniteurs sont des professionnels qui forment les chiens guides pendant environ 8 à 10 mois. Les éducateurs sont les personnes qui sont formées pour remettre les chiens guides à des personnes déficientes visuelles.

Pouvez-vous nous raconter comment se déroule le processus de formation et d’attribution d’un chien guide ? 

D’abord, ils naissent dans notre centre d’élevage. À trois mois, les jeunes chiens quittent leur maman et rejoignent les centres d’éducation. Là, ils sont remis à une famille d’accueil. Ensuite, entre les trois mois et les un an du jeune chien, les familles d’accueil sont suivies et doivent régulièrement venir à l’école pour être accompagnées dans l’éducation.

À un an, ils entrent à l’école. Puis, généralement, entre 18 mois et 24 mois, ils sont remis à une personne déficiente visuelle. Pendant 8 à 10 ans, le chien va être aux côtés de la personne déficiente visuelle. À partir de 8 ans, il suit des examens de santé tous les ans pour vérifier qu’il peut toujours faire son travail. Si le chien est en très bonne santé, il poursuit son métier de chien guide. S’il est fatigué, dans ce cas, soit la personne aveugle peut le garder et faire une nouvelle demande – mais ce n’est pas forcément évident d’avoir plusieurs chiens, notamment pour les personnes qui habitent en agglomération. Parfois elles demandent à leur entourage. Et si le chien ne peut pas rester proche de la personne déficiente visuelle, l’école le propose à la famille d’accueil qui s’en est occupé, ou le met à l’adoption pour qu’il trouve une famille de retraite, où il sera chouchouté.

Y a-t-il un écart important, aujourd’hui, entre les demandes de chiens guides et les « offres » disponibles ?

C’est assez hétérogène. Dans les grandes agglomérations, comme la région parisienne, forcément il y a beaucoup de monde et donc beaucoup de personnes déficientes visuelles et de demandes. Dans ce cas, il faut compter un à deux ans pour avoir un chien guide.

Dans d’autres régions, il n’y a pas, ou presque pas, de délai d’attente. Du coup, on met en œuvre des mutualisations. Le chien a un caractère, une façon de se déplacer, un mode de vie, tout comme la personne déficiente visuelle. En ce sens, on fait en sorte d’associer des profils qui vont fonctionner.
Lorsqu’on a un chien qui arrive au terme de sa formation et que l’école en question n’a pas un dossier qui correspond bien au profil du chien, elle peut proposer le chien à une autre école, pour permettre que les demandes en attente soient servies rapidement.

À l’échelle de notre mouvement, on remet environ 220 chiens par an, ce qui est déjà conséquent, surtout quand on fait 8 à 10 mois d’éducation, qui s’ajoutent à la pré-éducation en famille d’accueil.
Il y a aussi le fait aussi que l’on travaille avec des chiens et qu’on a des exigences qualitatives étant donné que l’animal va assurer la sécurité des personnes déficientes visuelles. Donc un éducateur n’éduque pas 50 chiens en même temps. Il éduque deux, trois ou quatre chiens au maximum. Tout cela fait qu’on est un peu limités aujourd’hui dans notre développement. Nos effectifs ne sont pas extensibles et c’est la raison pour laquelle nous faisons des appels aux dons régulièrement. Nos associations et la fédération sont financées très majoritairement par la générosité du public. Sans ces financements, nous ne pourrions pas remettre de chiens guides, même si ce n’est pas le seul levier.

On a coutume de dire qu’il faut à peu près 25 000 euros pour éduquer un chien guide. Par ailleurs, en cette année anniversaire, nous avons également passé le cap des 6000 chiens remis depuis la création de notre mouvement.


La sortie de votre ouvrage sur le chien guide a également pour but de sensibiliser à la déficience visuelle et aux combats menés par les personnes touchées par ce handicap… En tant que directrice de la FFAC, quel état des lieux faîtes-vous de la situation des personnes aveugles et malvoyantes aujourd’hui ?

Régulièrement, nous avons des retours de maîtres de chiens guides qui font face à des refus d’accès dans un magasin ou quand elles veulent prendre un taxi. Parfois, c’est juste par ignorance, sans mauvaise intention, simplement que les gens ne savent pas qu’un chien peut entrer dans un magasin. Ils peuvent avoir peur qu’il salisse leur taxi… mais c’est aussi le cas quand il pleut et qu’un client arrive avec des chaussures toutes mouillées. Il faut donc faire de la pédagogie à ce sujet et pour moi c’est vraiment un élément clé. Plus on communiquera, plus on rassurera et plus on progressera.

Mais au-delà de cet aspect des chiens guides d’aveugles, il y a encore, effectivement, beaucoup de combats à mener et ce livre est un moyen d’ouvrir les perspectives futures. On a beaucoup travaillé sur le fait de permettre l’accès des personnes déficientes visuelles accompagnées d’un chien guide dans un certain nombre d’endroits – des théâtres, des cinémas, lieux de loisirs – mais il reste des problématiques autres, comme l’accessibilité des sites internet, pour permettre de réserver à l’avance sa place pour aller au théâtre ou au cinéma. C’est bien d’avoir un chien guide, mais cela ne résout pas ce problème ! De même pour les choix et réservations de vacances… Donc en dehors de la sortie de ce livre, cette année des 50 ans représente l’occasion de faire le point sur tous ces combats menés et qui restent à mener.

Les questions qui touchent à l’emploi font justement partie de ces combats. Une personne déficiente visuelle sur deux en âge de travailler n’a pas d’emploi. C’est le taux le plus élevé qu’on ait au niveau du handicap. Alors qu’avec un chien guide, les déplacements sont facilités et l’autonomie améliorée.

Le dernier point, c’est la question des transports. Aujourd’hui, notre pays, malheureusement, n’a pas encore vocalisé l’ensemble de son réseau de transports. Du coup, pour une personne déficiente visuelle, c’est très compliqué de se déplacer s’il n’y a pas d’annonces sonores à l’arrivée du bus, du train, du métro…

Le livre est donc aussi une manière de communiquer sur ces sujets…

En effet. En tant que fédération nationale, on mène un certain nombre de missions. Évidemment, notre rôle principal c’est d’accompagner et soutenir les associations de notre mouvement, mais nous avons aussi des plaidoyers très importants.

Il y a un nouveau gouvernement et nous aimerions rencontrer la ministre déléguée chargée du handicap car on voudrait aussi contribuer à l’évolution des politiques publiques.

Au niveau du regard des autres, on y travaille tout le temps. Toutes les communications menées vis-à-vis du grand public ont ce but-là. Dans le cadre de nos 50 ans, nous avons activé un ensemble de leviers. Le livre en est un. Nous avons également réalisé un manifeste pour informer sur la déficience visuelle et demander aux gens de s’investir et s’engager à travers leur signature.

Sur un ton humoristique, nous avons aussi organisé une caméra cachée dans un magasin où nous avons mis des personnes voyantes dans une situation de déficience visuelle, pour qu’elles rendent compte à quel point il est difficile de s’orienter dans un supermarché. On leur a donné pour mission de trouver un paquet de café avec un bandeau sur les yeux et guidé par une autre personne… sans savoir que cette dernière était déficiente visuelle, ce qui a créé des situations cocasses. La vidéo a reçu énormément de vues, ce qui prouve que ce type de média permet de sensibiliser des personnes qui jusqu’à présent n’étaient pas touchées par nos communications. Vous pouvez retrouver la caméra cachée sur notre chaîne YouTube et sur le site internet de la FFAC.

Nous avons aussi réalisé une consultation importante auprès de nos maîtres de chiens guides d’aveugles sur différentes thématiques, notamment sur les départs en vacances et l’emploi, pour faire le point sur ce qui a évolué ces dernières années et ce qu’il reste à améliorer. Ce qui aboutit à des campagnes de communication à destination du grand public.

Nous essayons donc de développer l’inclusion et le vivre ensemble. Il y a plein de belles paroles et de belles ambitions mais nous devons faire en sorte que ces paroles deviennent des actes.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Oui. Je rappelle que pour chaque livre « Le chien guide – La prunelle de mes yeux » vendu, un euro est reversé à la Française des Associations de Chiens Guides d’Aveugles.

Pour en savoir plus sur la Fédération Française des Associations de Chiens Guides d’Aveugles : https://www.chiensguides.fr/

En photo : Alexandra Blanchin et Shapy, le chien dont elle est famille d’accueil.

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