Claire Supiot : 33 ans après les Jeux Olympiques de Séoul, direction Tokyo pour les Jeux Paralympiques
Claire Supiot est une femme, une mère mais aussi une athlète de haut niveau. Après 9 titres de championne de France et une première participation aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988, en natation valide, Claire Supiot est de retour dans les bassins pour affronter les Jeux Paralympiques de Tokyo. Portrait.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis nageuse en para-natation et je vais disputer les Jeux Paralympiques de Tokyo 2020-2021, en étant la première athlète française à avoir déjà fait les Jeux en natation en 1988 lorsque j’étais valide.
Quand avez-vous commencé le sport et pourquoi ?
J’ai commencé très tôt. Je voulais suivre mon grand frère, Marc Supiot, qui a commencé à nager suite à une catastrophe que nous avions eue dans notre commune. Je voyais mon grand-frère nager et je ne comprenais pas forcément la nécessité de savoir nager. Mais ce que j’ai très vite compris, c’est que c’était un élément qui m’attirait et je pense qu’il m’a choisi quand j’étais toute petite.
Racontez-nous votre parcours sportif ? La compétition a-t-elle toujours été une évidence pour vous ?
Déjà toute petite, je faisais partie des plus jeunes athlètes du club. J’avais 7 ans, je faisais mes premières compétitions… Un jour, quand les récompenses du club ont été décernées, lors de l’assemblée générale, c’est une des entraîneuses, Catherine Charles – un grand nom dans le monde de la natation – qui m’a offert ma première médaille. Juste comme ça, parce que je nageais bien, parce que je m’entraînais… Donc j’ai été encouragée déjà toute petite.
Ensuite, ce sont des records régionaux qui se sont enchaînés, avec le plaisir de faire de la compétition aux côtés de Jacques Meslier à 13 ans et demi. Puis des titres de championne de France en 100 et 200 mètres papillon et au 100 mètres nage libre.
Ainsi, à 16 ans, je rentre en équipe de France. Je fais les championnats d’Europe, les Jeux méditerranéens et les Jeux Olympiques en 1988. Je suis recordwoman de France du 200 mètres papillon à l’époque.
Voilà, une première carrière qui se déroule ma foi fort bien. Puis j’arrête pour faire un peu de triathlon, mais je vois que je peine quand même à courir et à faire du vélo. Je me marie, j’ai trois beaux enfants, et la vie fait que je divorce de leur papa. Je reviens sur Angers, je deviens maître-nageur, j’élève toujours mes enfants, puis j’ai un accident sur le bord du bassin et après tout s’enchaîne. Un diagnostic et on voit que je suis atteinte de Charcot Marie Tooth en 2008. C’est une pathologie qui atteint les muscles distaux et c’est génétique.
Claire Supiot : « C’est l’eau qui m’a choisie »
Cela a dû être un tournant dans votre vie…
Oui… Après cela, la vie s’est déroulée. Au départ, en continuant à élever bien sûr mes trois enfants… à être un peu dans le déni dans un premier temps. À penser que c’est simple parce que mon entourage, mon père et mon oncle en sont atteints. Donc je me dis que c’est facile, que le handicap je connais. Mais en fait, je réalise que non, je ne connais pas parce que je ne connais pas encore le mien. Ensuite tout se met en place au niveau des adaptations. Mes enfants sont élevés, puisqu’ils sont ma priorité au niveau de l’éducation. Puis je recommence à nager. Mon grand-frère a trouvé les ficelles pour m’aider, puis m’amuser surtout, vu que j’avais déjà fait une première carrière. Il a trouvé les points faibles de sa sœur, à savoir le plaisir de nager, et la compétition avec l’esprit d’équipe pour faire des interclubs après en valide. Ensuite, chemin faisant, avec un chéri qui m’accompagne, des enfants qui sont toujours ma force, je me remets à nager vraiment avec cet objectif de participer aux Jeux Paralympiques !
La transition entre la pratique en valide et le handisport n’a-t-elle pas été trop difficile ?
J’ai donc arrêté la natation en valide pendant 23 ans. Même si je faisais des compétitions de temps en temps, on ne peut pas vraiment appeler ça s’entraîner. Vraiment s’entraîner, c’est faire preuve d’assiduité, tout mettre en place pour accomplir des performances.
Là, c’est ce dans quoi je suis retournée avec cet objectif d’être une athlète de haut niveau. Autant vous dire qu’après 23 ans d’arrêt, ça pique un petit peu !
Pour anecdote, à l’entraînement, j’ai toujours l’impression d’être à la bourre dans le groupe, de l’échauffement jusqu’à la fin de la séance. Mais au fur et à mesure, rien que dans les moments d’entraînement où je parviens à faire des variations d’allures, cela fait que le plaisir de s’entraîner arrive.
La natation est-elle votre activité principale ?
Je suis salariée du conseil départemental de Maine-et-Loire, où je suis référente handicap.
J’ai donc déjà un métier et là, avec la Fédération, la région, l’Agence Nationale du Sport (ANS), ça me permet d’avoir plus de temps libre pour pouvoir m’entraîner cette année. Enfin, depuis un an et demi maintenant, puisque les Jeux ont été reportés.
Le département de Maine-et-Loire a tout mis en place pour que je puisse vivre les entraînements de manière vraiment idéale, pour mener ce double projet, et cela même à 53 ans. D’avoir un emploi, de m’éclater dans mon métier et de continuer à m’entraîner.
Donc travailler en parallèle est un choix personnel, ce n’est pas lié au fait qu’il serait difficile de vivre en tant qu’athlète handisport ?
C’est dur de vivre en tant qu’athlète handisport, je ne pourrais pas faire ça c’est sûr. Mais disons que contrairement, peut-être, à de jeunes athlètes, j’ai déjà une carrière professionnelle. Je ne suis pas dans la recherche d’emploi, disons que j’ai déjà un emploi qui m’attend. Je suis agent territorial et je risque aussi d’être plus proche de la retraite que d’une carrière professionnelle.
Comment envisagez-vous les Jeux Paralympiques de Tokyo ? Qu’est-ce que vous en attendez ?
Les Jeux Paralympiques de Tokyo, j’en attends le maximum de ce que je pourrai donner cette année. C’est vrai qu’il y a trois mois, j’ai eu un changement de classification pour aller vers le haut. Donc ce n’était pas forcément ce qui était le plus prévu avec une pathologie dégénérative et évolutive. Mais c’est comme ça, c’est un fait, il fallait rebondir là-dessus, chose que j’ai réussi à faire. Donc maintenant je vais prendre plaisir avec mes nouvelles concurrentes à aller chercher. Je vais essayer d’être le plus proche possible des podiums. C’est ce qui m’a changée, de tout donner pour être le plus proche possible de rentrer en séries, de donner le meilleur, parce que tout est permis aux Jeux. On peut créer la surprise, on peut être surpris, c’est la magie des Jeux et c’est ça que j’attends. Qu’il y ait cette magie parce que je ne me suis pas entraînée pour rien et que même si j’ai changé de classification, une chose est sûre, je n’ai pas dit mon dernier mot et je verrais bien en arrivant.
La situation sanitaire a-t-elle beaucoup affecté votre préparation ?
Bien sûr, au départ cela nous a surtout enlevé la piscine. Mais encore une fois, juste à la fin de ce premier confinement, j’ai eu la chance que la ville d’Angers ait tout mis en place pour pouvoir me livrer du matériel de musculation à mon domicile. En particulier du matériel spécifique, comme des chariots, des barres de musculations… J’étais en lien avec mes entraîneurs Maxime et Marc, donc c’est vrai qu’on s’est entraînés différemment mais je me suis entraînée.
Puis après, quand les piscines ont rouvert, ça a été une priorité pour la ville d’Angers de pouvoir me laisser m’entraîner et notamment dans un bassin. On a la chance d’avoir de supers installations sur Angers, avec un bassin de 50 mètres nordique. Et le contexte sanitaire nous permettait de le faire, la ville d’Angers avait anticipé et m’a permis de m’entraîner. Ainsi, mon club, mes partenaires d’entraînements, mes entraîneurs, mes coachs… ont tous été de très bons soutiens pour pouvoir pallier à tout ça.
Avec une préparation mentale, un psychologue, un psychiatre comportementaliste et voilà j’ai vraiment une belle équipe autour de moi, qui, face à la situation sanitaire a fait en sorte de se resserrer autour de moi. Tout était bien orchestré avant et c’est là que j’ai pu voir la force de cette équipe qui m’accompagne pour m’encourager, jusqu’à la communication sur les réseaux sociaux, tout était bien calé. Au final, cette crise sanitaire a fait ressortir toutes les forces que je pouvais avoir autour de moi.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Dernièrement une chose énorme m’est arrivée !
Quand j’ai recommencé à nager, je voulais surtout être une mamie en forme et je me suis prise au jeu. Mais depuis peu, ça y est, je viens d’être mamie ! Donc je vais partir aux Jeux avec Helena dans ma tête. Ce petit éclat de soleil me donne plus de force et de puissance.
Le palmarès de Claire Supiot
Valide
- Championne de France de natation en bassin de 50 mètres sur 100 mètres papillon en hiver 1984 et sur 200 mètres papillon aux hivers 1984, 1985, 1987 et 1988 et aux étés 1984, 1986, 1987 et 1988.
- Éliminée en Séries aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988.
Handisport
- Médaille d’or sur 50 mètres nage libre ainsi que, médaille d’argent sur le 400 mètres nage libre, médaille de bronze sur le 100 mètres nage libre et médaille de bronze sur le 200 mètres 4 nages individuel aux Championnats d’Europe de natation handisport à Dublin en 2018.
- Médaille de bronze sur le 100 m nage libre ainsi que sur le 50 m nage libre aux Championnats du monde de natation handisport à Londres en 2019.
Propos recueillis par Angèle Duplouy
Pour en savoir plus sur Claire Supiot et sur les Jeux Paralympiques et suivre les athlètes français : https://france-paralympique.fr/
En photo : Claire Supiot : « Cette crise sanitaire a fait ressortir toutes les forces que je pouvais avoir autour de moi ».