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Handiprint : Le Covid a fait ressortir les capacités d’innovations des EA

Handiprint : Le Covid a fait ressortir les capacités d'innovations des EA
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Handiprint : « Les entreprises adaptées sont capables d’innover pour créer et proposer des prestations »

Rencontre avec Vincent Levieux, dirigeant de l’entreprise adaptée Handiprint.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous raconter l’histoire d’Handiprint ?

Je suis dirigeant d’une entreprise classique – une imprimerie – depuis plus de 20 ans. C’est à partir de là que nous avons créé l’entreprise adaptée Handiprint il y a maintenant 12 ans, avec six personnes. Notre entreprise classique sous-traitait à l’époque dans une entreprise adaptée voisine (alors atelier protégé), dont le directeur Yves Le Rossignol est devenu un ami au fil de nos relations commerciales. Et nous avons eu l’idée, tous les deux, avec un client qui était Areva à l’époque – aujourd’hui devenu Orano – d’aller plus loin, pour permettre aux personnes en situation de handicap de s’intégrer plus facilement dans le milieu professionnel.
C’est ainsi que nous avons créé un GME – Groupement Momentané d’Entreprises – qui n’a duré que quelques mois car la DIRECCTE a trouvé notre partenariat séduisant. Elle nous a demandé de créer une entreprise adaptée avec l’apport de la compétence de l’entreprise classique, pour apprendre ses métiers aux personnes en situation de handicap. C’est comme cela qu’est née Handiprint. Nous avons commencé avec 6 personnes et aujourd’hui il y a 120 personnes en situation de handicap dans la structure. Nous essayons de continuer à grandir et nous avons des projets avec d’autres entreprises adaptées, notamment pour développer de nouvelles activités dans l’Ariège.

En quoi consistent les activités d’Handiprint ?

L’entreprise adaptée Handiprint repose sur différents métiers. Bien sûr, cela a commencé par tout ce qui tourne autour du papier. Mais ce qui est passionnant avec Handiprint, c’est que l’on a créé autour de l’imprimerie de nombreux métiers voisins. On a investi en ce sens. Concrètement, nous avons fait venir des professionnels pour qu’ils nous présentent leurs spécialités et nous avons accueilli simultanément des personnes en situation de handicap qui venaient découvrir les métiers en même temps que nous. Cela a été très intéressant car on partait sur un même point d’égalité. En fin de compte, cela nous a permis de créer, à chaque fois, un métier avec ces personnes réunies autour d’une table, tout en réfléchissant à la manière de d’adapter les missions et de mieux travailler avec des personnes handicapées.
Ainsi, nous avons créé des métiers dans la signalétique, le routage, l’impression numérique, et une plateforme de e-commerce pour travailler avec de grands groupes. Après nous sommes partis sur d’autres activités. Nous avons commencé à travailler sur des services dans les sites industriels, dont la gestion de parc de leurs services d’imprimerie, leurs services courrier, les retranscriptions de Comité Social et économique (CSE). Nous faisons aussi la numérisation et l’archivage de documents sensibles pour certaines sociétés.
Nous avons également lancé il y a quelques années, avec les groupes Cordon et Free, le reconditionnement de câbles pour les box et la réparation de télécommandes pour Bouygues Télécom.

Vous vous basez donc sur les besoins identifiés sur le marché…

Tout à fait. Ce qui est passionnant lorsque l’on crée une entreprise adaptée, c’est que comme nous avons l’obligation de toute façon de rechercher les compétences de chaque personne, nous pouvons créer des métiers en fonction, précisément, de ces compétences et des besoins identifiés auprès des entreprises. Nous demandons directement aux responsables d’entreprises, aux clients, de quelle manière telle ou telle compétence présente chez nos travailleurs, pourrait leur être utile et correspondre à une prestation. Nous créons alors un métier en fonction de qui en ressort. Dans les entreprises classiques, une fois qu’une personne est entrée dans une case, elle y reste souvent. Là nous pouvons créer en permanence et être souples. La grande diversité de compétences dont on dispose à travers nos salariés nous a en fait appris à innover et à mieux travailler.

Par ailleurs, dans cette période de crise sanitaire et économique, je pense que les dirigeants de grandes entreprises vont se sentir plus proches de la diversité et des préoccupations sociales. En ce sens, on sent qu’aujourd’hui il y a des entreprises à notre écoute.

À ce sujet-là, nous travaillons actuellement sur la création d’un groupement d’entreprises adaptées qui regroupera trois à quatre structures, Handijob – entreprise adaptée de Caen, et Scop Nea à Chambéry. Nous faisons actuellement la sélection des entreprises adaptées. Le but sera de répondre à des marchés nationaux, de donner une plus grande crédibilité à ces structures, et de montrer qu’elles sont capables de répondre à une demande au même titre que des entreprises classiques. L’idée est aussi de couvrir différentes zones géographiques, car si on est placés au sud, au centre, et à l’ouest, cela permettra de mieux développer notre offre auprès des grands donneurs d’ordre. Ce groupe devrait être créé dans les semaines qui viennent.

Comment vous vous êtes adapté à la crise sanitaire ?

La crise a été extrêmement agressive et elle l’est toujours car aujourd’hui on sent bien, avec les variants, que ce n’est pas encore terminé. Le plus difficile a été de devoir se mettre totalement à l’arrêt lors du premier confinement, en mars 2020. Au sein d’Handiprint, nous avons arrêté quelques jours, avec certaines activités, comme tout ce qui touche à la communication et à l’événementiel – notamment la signalétique – que nous avons dû stopper net. Heureusement, comme nous avons beaucoup de métiers différents, nous avons pu faire passer les personnes concernées sur d’autres secteurs d’activités. C’est la chance d’une entreprise adaptée et c’est ce qui nous sauve aujourd’hui. Notre diversité d’activités fait que si un secteur est en panne on peut basculer sur d’autres et rebondir.

Il reste que le premier confinement a été un arrêt brutal. Il y a eu un effet de surprise mais aussi de la peur. Je suis resté dans l’entreprise avec une dizaine de personnes pour faire l’analyse de la situation, et mettre en place tous les outillages nécessaires pour accompagner les gestes barrières : l’installation de caméras thermiques aux entrées, l’achat de masques – ce qui a été rocambolesque, on s’est même fait voler des masques – l’approvisionnement en gel hydroalcoolique. Il a également fallu former l’ensemble du personnel, avec ou sans handicap, aux gestes barrières et aux nouvelles précautions : ne plus se faire la bise, ne pas se serrer la main, maintenir des distances entre chacun, désinfecter systématiquement son poste de travail quand on a terminé. Il s’agissait aussi de trouver des sociétés de nettoyage qui passent régulièrement pour désinfecter les endroits les plus fréquentés.

Une fois que tout cela avait été mis en place, nous avons fait revenir certaines personnes en avril. Mais il y avait aussi la problématique de certaines personnes ne pouvaient pas revenir : soit parce qu’elles avaient trop de craintes, soit parce que leur état de santé les rendait trop vulnérables face au Covid. Et parfois, ces personnes qui devaient rester chez elles perdaient pied. On s’est aperçus que c’était un véritable problème et que cela représentait un risque important.

Donc de manière générale, les salariés étaient plutôt pressés de revenir travailler ?

En effet, presque tout le monde voulait revenir. On voyait bien qu’il y avait un engagement fort à retrouver un pacte social de vie, de travail et de rencontres, malgré la distanciation. C’était pour eux une bouffée d’oxygène de retravailler. On sait aussi que les personnes que l’on accompagne ont souvent dû arrêter de travailler pendant de très longues périodes auparavant. Leur dire du jour au lendemain qu’elles doivent rentrer chez elles car il y a un risque d’épidémie et qu’elles ne doivent pas s’exposer… c’est pour elles une double peine. Sachant que nous avons aussi des salariés avec des pathologies qui justement peuvent être soulagées par le biais du travail, ne serait-ce que du fait de penser à autre chose. En se retrouvant seuls chez eux, certains sont perdus et complètement démoralisés, au point que cela puisse devenir inquiétant et dangereux, et nous devons faire très attention à cela dans notre suivi et notre accompagnement. Le téléphone ne fait pas tout, et sur plusieurs semaines cela n’est plus suffisant.
Pour beaucoup de personnes que nous accompagnons, le travail est une nécessité, une reconnaissance de l’autonomie, et de l’existence. Même si certaines ne peuvent travailler que deux heures par jour, c’est très important pour elles, elles exercent un métier et le font très bien pendant ces deux heures. Elles sont utiles à la société à travers leur contrat de travail chez nous. Ces personnes se battent pour pouvoir travailler et c’est une leçon de vie d’être à leur contact.

Le deuxième confinement a-t-il été vécu différemment du premier ?

Tout à fait et nous l’avons abordé de manière différente. Bien sûr, nous avons proposé du télétravail aux personnes fragiles qui devaient rester chez elles et dont l’activité était transposable au domicile. Ce qui malheureusement n’était pas toujours possible.
Mais la plupart des personnes qui le souhaitaient ont pu continuer à travailler sur place. Nous avons fait en sorte que les personnes en situation de handicap soient privilégiées pour le retour en présentiel, si elles en avaient envie bien sûr. Nous avons espacé les ateliers, poussé le respect des gestes barrières au maximum, modifié les aménagements, et élargi les horaires pour réduire le nombre de personnes présentes au même moment. Nous avons aussi beaucoup œuvré, surtout notre responsable sécurité, sur la pédagogie, l’éducation et la prévention, avec des consignes que nous avons rabâchées pour la bonne cause. Et cela a été très bien compris et accepté car les personnes ont vu que si elles faisaient attention cela leur permettait de continuer à travailler, ce qu’elles souhaitaient avant tout.

Comment envisagez-vous la suite pour Handiprint ?

À travers le groupement d’entreprises adaptées que l’on met en place avec Handijob et Scop Nea, nous souhaitons rebooster l’image des entreprises adaptées et montrer aux responsables d’entreprises que nous sommes capables d’apporter autre chose que les tâches qu’ils ne souhaitent pas faire eux-mêmes. Nous souhaitons crédibiliser les entreprises adaptées.

Aujourd’hui on sait bien que tous les secteurs économiques souffrent énormément, et pas seulement les entreprises adaptées. Il y a quelques secteurs qui s’en sortent bien mais pas tous. Donc on est là pour dire que nous aussi, entreprises adaptées, on entreprend, et qu’on est capable de participer à la construction des métiers de demain. Il s’agit aussi de montrer qu’une entreprise adaptée est crédible aussi bien financièrement que par ses compétences et sa capacité à innover pour créer et proposer des prestations utiles et de qualité.

En ce sens, je m’adresse aux grandes entreprises qui souhaitent s’enrichir moralement dans leur philosophie et leur stratégie avec la diversité : qu’elles n’hésitent pas à venir vers nous et on saura leur apporter de la performance et notre expérience.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Les personnes en situation de handicap n’ont pas forcément beaucoup de diplômes, mais elles ont des capacités, et il faut absolument que les grandes entreprises, si elles veulent faire de l’embauche directe, fassent confiance aux compétences et changent leurs algorithmes qui exigent que chacun puisse entrer dans les cases.

Pour plus d’informations, rendez-vous sur : https://www.handi-print.fr/

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