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Incontinence et vie en société : Parlons pipi sans tabou

incontinence pipi sans tabou
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À l’occasion de la semaine mondiale de la continence, nous vous présentons l’association « Parlons pipi sans tabou ». Celle-ci a été fondée par Éric Françoise, un homme aussi atypique qu’attachant qui veut en finir avec les tabous sur les problèmes d’incontinence. Nous avons eu la chance de le rencontrer et il nous a parlé de lui, de sa difficile et longue expérience, mais surtout de la manière dont il est sorti de la désocialisation qu’engendre l’incontinence dans notre société! Aujourd’hui, il se considère comme un vétéran de l’incontinence urinaire.

Éric Françoise, lors de sa naissance au début des années 1960, est victime d’une malformation congénitale de type Spina-bifida. À cette époque, pas de solution pour un problème majeur qui n’était pas pris en considération par les laboratoires et par la médecine. «Si je puis m’exprimer ainsi, c’était démerde-toi et le ciel t’aidera». Il est alors multi-opéré mais rien ne fonctionne. Le problème est d’autant plus important que son incontinence est totale, les fuites urinaires sont continues, il n’existe à l’époque que les protections lavables. Autant dire que socialement c’était un chemin de croix.

Quelles sont les conséquences sociales de l’incontinence ?
Ce sont l’isolement, le mutisme et la honte. La majorité des personnes touchées n’en parlent pas à leurs proches, ni-même à leur médecin généraliste. Quand vous portez des couches ou des protections, vous ne pouvez pas en parler à qui que ce soit, c’est tellement dévalorisant. Toute la vie est impactée, et la vie amoureuse souvent compromise. Les besoins naturels n’ont plus rien de naturels lorsqu’on ne les maitrises plus, ils sont facteurs de discrimination.
Cela fait 62 ans que je vis ce handicap et j’en ai terriblement souffert jusqu’à l’âge de 34 ans. Je suis resté célibataire jusqu’à cet âge à cause de l’incontinence urinaire. Comment envisager d’avoir des relations sexuelles quand on a des fuites urinaires 24·heures sur 24?
Au cours de ma jeunesse, mes parents, bien que très attentionnés, étaient désemparés par cette situation et ne savaient pas quoi faire pour me venir en aide. Mes sept frères est sœurs me soutenaient et me protégeaient lorsque la situation tournait mal pour moi en public et je les en remercie encore. Mais lorsque je me retrouvais à l’hôpital pour les interventions, j’étais seul avec moi-même. Pour un tout jeune enfant c’était très dur. Ma scolarité s’est faite en dents de scie et avec souffrance. Au cours de l’année, certains élèves se plaisaient à m’humilier en public. Et les professeurs n’étaient pas en reste I Et dans ces hôpitaux, j’ai subi un certain nombre d’opérations sans la moindre empathie du personnel médical alors que je n’étais qu’un enfant. J’ai été le cobaye de la chirurgie en urologie durant de nombreuses années. Ma vie jusqu’à 34 ans fut un combat. Mon père même m’a jeté à la rue à cause de mon handicap. Mais je me suis toujours battu pour travailler, pour avoir un réseau d’amis, pour sortir et m’amuser encore plus que les autres.

Je vous dis tout cela pour que vos lecteurs se rendent compte de l’isolement social que l’incontinence a pu générer dans ma vie. Je parle en connaissance de cause. Si la société a un peu évolué, notamment grâce à la recherche et aux solutions des laboratoires tels que COLOPLAST, B-BRAUN MEDICAL, BOSTON SCIENTIFIC ect …. Nous sommes loin du compte et c’est pour cela que j’ai voulu créer cette association.

J’ai longtemps voulu éviter le sujet car je suis touché directement. C’est ma rencontre avec le professeur Emmanuel Chartier Kastler en 2008, chef du service Urologie de la Pitié Salpêtrière, qui a été le déclic. J’ai trouvé le nom grâce à un chirurgien qui était en vacance dans sa résidence secondaire ou mon épouse travailler. Mon histoire est devenue ma légitimité et ma force pour parler de ce problème de société et représenter toutes celles et ceux qui vivent dans la honte et l’isolement.

Aujourd’hui, je peux en parler avec du recul et vulgariser le message. J’ai pu en 1994 grâce à une émission télévisé sur la santé animé par François Closets, ou j’étais alité seul chez moi avec poches à urine, découvrir à l’écran qu’il existait aux USA les Sphincters artificiels, je suis alors reparti au CHU de Caen ou à l’époque le Professeur Henri BENSADOUN et le Docteur Philippe BOTTET exerçait, ou j’ai eu un mal fou à les convaincre car ils n’avaient jamais pratiqué ce type d’intervention encore moins sur des patients une pathologie aussi lourde que la mienne. Ma ténacité et ma pugnacité ont eu raison de leurs réticences et ce fût une première pour le CHU de Caen. Cette solution m’a offert une nouvelle vie, sans limite de mouvement, la seule chose à faire était de faire des mixions toutes les 4 heures. Plus de poche, ni de fuite et pour la première foi de ma vie je mettais un slip, je sais que cela peut faire rire. Cerise sur le gâteau cela m’a aussi permis de rencontrer mon épouse en centre de rééducation fonctionnel.

Mais au bout de 14 ans, mon sphincter artificiel ne fonctionnait plus et je me suis retrouvé à nouveau incontinent. Le professeur Emmanuel Chartier Kastler chef de service Urologie à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris m’a alors proposé une entérocystoplastie mitrofanoff qui consiste à recréer une vessie en prélevant un morceau d’intestin grêle, et avec un morceau du petit intestin pour l’abouché au niveau du nombril afin de faire des auto-sondages. Cette solution fonctionne parfaitement bien, je n’ai plus aucune fuite et toujours un rythme de sondage toutes les 4 heures. C’est aussi quasi invisible, même lorsque je suis en maillot de bain. Le sondage est sans douleur, et d’ailleurs, beaucoup de paraplégiques le demandent aujourd’hui. Je vous le concède cela reste une grosse intervention chirurgical, et un séjour de 4 semaine en hospitalisation.

Que propose votre association ?
C’est tout d’abord un lieu pour que les personnes qui vivent avec l’incontinence puissent s’exprimer. L’association rassure de nombreuses personnes. Nous pouvons répondre à leurs questions et leurs angoisses, et moi je ne veux pas que d’autres souffrent comme ce fut trop longtemps mon cas. Nous écoutons les personnes en présentiel mais aussi par visioconférence.
Parallèlement, l’association multiplie les contacts avec un maximum d’urologues mais ne remplace en aucun cas les spécialistes. Le professeur Emmanuel Chartier Kastler étant d’ailleurs le parrain de l’association. Ce que l’on souhaite, c’est apporter des informations utiles au traitement de leur maladie mais aussi leur faire profiter de l’expérience de nombreuses autres personnes qui souffrent du même handicap. Nous leur facilitons les rendez-vous auprès de spécialistes d’hôpitaux parisiens. Le premier constat, c’est qu’il y a un cruel manque d’informations, et c’est encore pour beaucoup de personnes une honte de parler de cela.

Nous sommes aussi munis de beaucoup d’échantillons à montrer, d’explicatifs qui vulgarisent les différentes interventions chirurgicales et solutions techniques contre l’incontinence, quelle qu’en soit son origine.

Nous aidons financièrement, mais temporairement, un grand nombre de personnes à financer les protections urinaires non remboursées par la sécurité sociale. L’argent provient des aides que nous obtenons des laboratoires mais aussi et surtout de l’organisation d’événements de type« loto, fête de la coqu;l1e Saint-Jacques… ».

En pratique:
L’association accueille les personnes qui le désirent le premier et dernier lundi de chaque mois près de la mairie de Quettehou, dans le département de la Manche, et nous souhaitons trouver des ambassadeurs afin de créer des antennes dans chaque région.

Association « Parlons pipi sans tabou »
Mairie – 9, place de la mairie -50630 Quettehou
Téléphone : 06 83 40 47 08 –
Courriel : [email protected]
Page Facebook Association parlons pipi sans tabou.

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