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« Je suis autiste et ça ne se voit pas » : Témoignage

Autisme : Comment éviter que l'intérêt spécifique de mon enfant ne devienne envahissant ?
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Découvrez le témoignage de Lise Witzmann qui évoque le regard porté sur l’autisme à travers son essai « Je suis autiste et ça ne se voit pas ».

Voici la tête d’une autiste diagnostiquée : si vous en croisez dans la rue, ça peut ressembler à ça. Voyez-vous quelque chose de spécial ?
Parce que ce qu’on entend le plus, c’est : « T’as pas l’air autiste toi, tu parles normalement et tu regardes dans les yeux, tu ris, tu es à l’aise avec des gens ! »
En plus rendez-vous compte, je suis mère de famille, et mariée, je travaille et en plus je fais de l’humour. Impossible pour un autiste (certains médecins qui ne se sont pas mis à jour depuis leur formation le disent encore).

Donc je n’entre pas dans les cases traditionnelles de ce que la pensée commune imagine de l’autisme.
Sachez que ce que vous imaginez, autiste non verbal qui ne peut vivre seul et se tape la tête contre les murs en tournant en rond, ou encore autiste génie qui sait vous dire le nombre d’étoiles visibles dans le ciel sans les compter, ceux-là sont très loin d’être majoritaires !
La plupart des autres vivent sans montrer leurs difficultés, car elles sont internes, intérieures, douloureuses, ils pensent que tout le monde vit ça, car depuis petits on leur a dit « oh ça va, arrête de faire ta chochotte ! », là où ils vivaient de réelles difficultés.
Alors ils font semblant, et essaient de toutes leurs forces d’agir et réagir comme les personnes neurotypiques, et ils y laissent toute leur énergie, et font des burn-out, se détruisent par divers comportements dangereux ou nocifs, se jugent énormément comme étant incapables et parfois vont même jusqu’au suicide.
Combien d’entre vous ou votre entourage pourraient être autistes sans le savoir ?
J’ai mis 45 ans à le découvrir, et m’a vie en a été transformée : je me suis mise à me respecter et à enfin être moi-même pour apporter au monde mes particularités uniques, et mieux appréhender mes particularités difficiles.

L’autisme n’est pas sur un curseur, à déplacer de « l’autiste profond » à « l’autiste léger », non. Car ce que vous voyez comme léger peut être vécu par l’intéressé comme une réelle souffrance et vice versa. La souffrance est personnelle, subjective et nul ne peut la juger de l’extérieur.
Le spectre de l’autisme est plutôt selon moi comme la carte d’une ville, avec des rues qui partent dans tous les sens, des jardins par ici, des dépotoirs par-là, des bâtiments récents bien aménagés et d’autres délabrés qui menacent de s’écrouler, des ruelles et des autoroutes. Et chaque autiste, dans cette ville, a ses habitudes dans tel ou tel quartier, telle ou telle maison, tel ou tel parc. Certains sont plus à l’aise que d’autres à tel endroit, tous les habitants de cette ville la voient et la fréquentent différemment.
Je veux dire par là que chaque autiste a des difficultés sur quelque chose de particulier, à une intensité particulière, qui seront différentes de son voisin autiste. Des points sont communs, ce qui permet le diagnostic, mais le reste est un dédale totalement personnel et unique.
Apprenez donc à rencontrer, découvrir, votre ami/soeur/conjoint/voisine/professeur/collègue/passant autiste, sans le juger d’un « toi t’es pas autiste, je sais ce que c’est les autistes, j’en connais un ». C’est comme si vous disiez « toi t’es pas une femme, j’en connais une, tu n’es pas comme elle ». Vous sentez mieux le ridicule de la situation ?

Et parce qu’être autiste c’est tout simplement être humain, nous pouvons aussi vivre une vie heureuse, en adaptant notre environnement, nos interactions, nos fréquentations, et en faisant preuve d’une grande indulgence vis-à-vis de nous-mêmes, d’accueil de qui nous sommes, dans son entièreté, malgré ce handicap caché qui resurgit sans crier gare perpétuellement et que nous ne pouvons pas supprimer.
Vivre avec, dans l’amour de soi, en étant entourés des gens qui ne cherchent pas à nous changer ni minimiser nos difficultés, mais qui nous soutiennent et font preuve de compréhension et d’empathie. Je dis parfois à l’entourage : « pensez-moi comme si j’avais un handicap physique, exigeriez-vous ci ou ça de moi ? »
Je vous souhaite à tous d’agir pour vous créer cet environnement.

Lise Witzmann

À lire aussi :

Livre sur l’autisme : Thibaud Moulas écrit L’autisme expliqué par un autiste

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En photo : Lise Witzmann.

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