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Jeux vidéo et handicap : 400 millions de joueurs dans le monde

Les concepteurs n'y pensent pas toujours... pourtant il y a de nombreux fans de jeux vidéo en situation de handicap aux quatre coins du monde. Certains ont trouvé des solutions pour pouvoir profiter de leur passion, mais d'autres butent encore sur le manque d'accessibilité de nombreux jeux et accessoires. C'est la raison d'être de la société Be Player One !

Jeux vidéo et handicap : 400 millions de joueurs dans le monde
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Rencontre avec Maxime Viry, président cofondateur de la société Be Player One, qui œuvre pour l’inclusion numérique et l’accès aux jeux vidéo des personnes en situation de handicap.

Quels sont les objectifs de Be Player One ?

En premier lieu, nous accompagnons les institutions publiques et les sociétés privées dans la mise en accessibilité de leurs sites web et applications mobiles au regard des standards français et européens. D’autre part, on travaille sur les jeux vidéo, avec à la fois la conception de solutions adaptées aux joueurs à besoins spécifiques, mais également le fait d’outiller et d’accompagner les professionnels du handicap et de l’industrie des jeux vidéo.

Que proposez-vous aux joueurs en situation de handicap qui ont besoin d’aide pour utiliser les jeux vidéo ?

Nous proposons des solutions pour les joueurs à mobilité très réduite et avec des forces très réduites, mais également pour les personnes qui ont des lésions médullaires, des paraplégies… et pour celles qui recherchent la possibilité de jouer avec seule main, sans les mains, avec les pieds, avec les muscles du visage, avec la voix…

On a plus de 300 références dans notre catalogue de produits. On est à la fois concepteurs de solutions innovantes et centralisateurs de l’offre mondiale utilisable pour le handigaming. Nos ergothérapeutes travaillent depuis deux ans à l’établissement de ce catalogue de produits, qui sont pour certains conçus spécifiquement pour les joueurs en situation de handicap, mais qui viennent aussi du grand public et peuvent être détournés pour un usage jeux vidéo et handigaming.

Vraiment, l’objectif, c’est qu’une fois qu’on a l’équipement dont on a besoin et qui correspond à nos capacités, on puisse jouer sur n’importe quelle console : pc, ordinateur portable, smartphone, Playstation, Xbox… et sur tous types de jeux.

Est-ce qu’il y a d’autres adaptations possibles en dehors des accessoires ?

Effectivement, parfois, le matériel adapté peut ne pas suffire. Il est parfois nécessaire d’intégrer dans le jeu vidéo des solutions d’accessibilité qui vont permettre de personnaliser l’expérience. Par exemple, pour une personne qui aurait des difficultés d’ordre visuel, on va travailler nous-mêmes avec le studio de création pour aider les concepteurs à intégrer des filtres colorimétriques ou des GPS entre autres.

Beaucoup de joueurs, du fait d’une paralysie ou d’une mobilité très réduite, ne peuvent utiliser que les muscles du visage. C’est pourquoi on a conçu un casque de jeu qui se porte sur la tête et sur lequel on peut brancher des fils. On positionne sur le casque des boutons et joysticks de toutes tailles et toutes sensibilités pour permettre à l’utilisateur de reproduire des mouvements réguliers et pouvoir jouer. Ça peut être les zygomatiques, la bouche, le menton, les lèvres, les sourcils…

Ces adaptations peuvent-elles permettre aux joueurs handi et valides de jouer ensemble ?

Tout à fait. On a beaucoup de joueurs qui, au-delà de l’envie de jouer ou rejouer, souhaitent également être en compétition, jouer avec des amis, voire faire du e-sport. Nous avons d’ailleurs aujourd’hui, en France, deux joueurs en situation de handicap qui sont extrêmement bien classés sur des jeux connus de course, combat, sport…

Pour moi, l’intérêt d’une communauté de joueurs, c’est la possibilité d’échanger, partager des trucs et astuces, des paramétrages de solutions adaptées… ce que beaucoup de personnes aiment faire. Cela nous permet aussi de donner plus de poids aux messages que nous faisons passer aux studios de création, qui voient que nous avons une communauté de joueurs francophones et internationale en situation de handicap. Ce qui vient compléter nos chiffres, à savoir que 91% de personnes en situation de handicap sont freinées ou bloquées dans leur accès aux jeux vidéo. Et près de 20% des personnes que nous avons interrogées ont arrêté d’acheter des jeux parc qu’ils n’étaient pas accessibles.

Justement, quels sont vos liens avec les professionnels du secteur ?

Il y a un travail à faire sur le matériel de jeu nécessaire à certains joueurs, mais aussi sur la mise en accessibilité des jeux en eux-mêmes, notamment pour les troubles visuels, auditifs et cognitifs.

Là où on intervient, c’est quand on vient former des concepteurs de jeux. Tous les studios avec lesquels on travaille font exactement les mêmes retours : ils se rendent compte qu’ils sont passés à côté de près d’un dixième de la population, ensuite ils voient qu’ils ont du mal à saisir les difficultés auxquelles sont confrontés les joueurs. Et c’est précisément les informations qu’on leur apporte.

Vous travaillez également avec les professionnels du handicap sur le thème des jeux vidéo

Oui. C’est propre à mon histoire. Quand ‘étais enfant, j’aimais les jeux vidéo, et, ma pathologie évoluant, à l’adolescence, je ne pouvais plus tenir une manette de jeu traditionnelle entre mes mains. S’en sont suivies plusieurs décennies de recherche de solutions, de résignation, et même d’abandon de l’idée de pouvoir un jour rejouer. Ce constat, jusqu’à ce que je parvienne à trouver mes propres solutions, est partagé par des milliers de personnes à travers le monde. Et aujourd’hui, si nous avons 400 millions de joueurs handicapés dans le monde, nous en avons plus d’un milliard qui n’imaginent même pas pouvoir jouer. Pour cela, il est nécessaire d’apporter auprès de ces personnes, ce déclic. Cela passe, entre autres, par l’accompagnement des professionnels du handicap : ergothérapeutes, kinés, médecins de rééducation, éducateurs spécialisés, auxiliaires de vie, orthophonistes, revendeurs de matériel médical… tous les cœurs de métiers et personnes qui sont en contact avec des joueurs potentiels à besoins spécifiques.

Nous les accompagnons à travers de la formation et des locations de valises de matériel, qu’ils peuvent tester, pour ensuite faire des préconisations à leurs patients ou leurs clients.

Qu’y a-t-il dans ces valises « Jeux vidéo et handicap » ?

Nous proposons une valise pour les jeux à une main, une autre pour jouer sans les mains, une dédiée aux troubles auditifs, une pour les troubles neuro-musculaires, les lésions médullaires… Nous avons également une offre pour la veille, avec un abonnement : tous les deux à trois mois, nous envoyons aux professionnels abonnés du nouveau matériel pour tester et faire tester à leurs patients. On leur fournit en parallèle tout une base de connaissances et de ressources pour la compréhension de l’ensemble du matériel, avec une partie technique et une partie pédagogique.

Est-ce que les jeux vidéo et le matériel adapté peuvent servir d’outils de rééducation ?

C’est un sujet très intéressant. Notre approche première, c’est de considérer les jeux vidéo comme des jeux en tant que tels. Nous avons interrogé des centaines de personnes et il en ressort que le besoin premier est le même pour tout le monde : se divertir, se challenger, construire, aller dans l’imaginaire, voire s’évader de ses difficultés pendant quelques instants.
Mais effectivement, il y a aussi un intérêt très fort pour le jeu vidéo en tant qu’outil de rééducation. D’ailleurs, nous avons un module de formation pour les ergothérapeutes, entièrement dédié à l’utilisation des jeux vidéo comme un moyen et un média de rééducation. Donc oui, jouer aux jeux vidéo, ça peut être l’occasion de travailler la mobilité, les réflexes, la concentration, la coordination… beaucoup de choses.

Cela dépend du type de professionnels qu’on accompagne. On a beaucoup de gens qui veulent vraiment intégrer des jeux vidéo comme une composante du projet de vie du patient. Et on a aussi des kinés et ergothérapeutes qui, parfois, ont envie de les utiliser comme un petit vecteur de rééducation, une motivation supplémentaire à faire des exercices sans toujours s’en rendre compte.

Comment les personnes intéressées – les joueurs potentiels – peuvent-ils vous contacter ?

Il y a deux moyens aujourd’hui de trouver des solutions en passant par nous.
Le premier, c’est d’aller sur notre site : accessible-gaming-first.com pour voir ce qui existe et de prendre contact avec nous – par écrit ou par téléphone au 09.72.62.70.42 – pour un accompagnement personnalisé. Souvent, ça se concrétise avec une visio conférence, qui nous permet de voir l’interlocuteur, d’évaluer ses capacités motrices et de lui préconiser la solution la plus adaptée à ses envies de jeux et à ses capacités.
Le second moyen, c’est de se rapprocher du référent médical le plus proche de la personne : centre de rééducation, ergothérapeute libéral, kiné, revendeur de matériel médical. Notre but essentiel est de rendre autonomes l’ensemble des professionnels du handicap, pour qu’ils puissent, au quotidien, être près de la personne pour lui faire tester des solutions.

Comment peut-on identifier ces référents ?

On travaille en ce moment à la création d’un annuaire public des professionnels que nous aurons formés. En attendant, l’opération inverse arrive très souvent : une personne en situation de handicap évoque le sujet avec son thérapeute, et celui-ci intègre un de nos cursus de nos formations pour être ensuite en capacité de répondre aux besoins de ses patients sur le thème des jeux vidéo. Il devient alors référent. Le but étant de rendre autonomes à la fois le professionnel et son patient.

On aura, d’ici quelques mois, un site web entièrement dédié avec un catalogue de produits en ligne, qui seront achetables directement, et qui seront accompagnés d’un outil d’aide à la recherche de solutions adaptées : un configurateur qui, au moyen d’un questionnaire poussé, permettra à l’utilisateur de trouver, en toute autonomie, la ou les solutions qui lui conviennent. Car beaucoup de personnes souhaitent trouver la solution par elles-mêmes.

L’accompagnement que vous proposez aux joueurs est-il payant ?

Non. Notre objectif, c’est vraiment de rendre les jeux vidéo accessibles à tout le monde, dans tous les sens du terme. C’est-à-dire pouvoir jouer mais aussi pouvoir acheter le matériel et les jeux sans se ruiner. Notre accompagnement est donc gratuit de façon systématique. En retour, on leur propose toujours d’intégrer gratuitement notre communauté de joueurs, ce qui nous permet de maintenir les échanges avec eux.

Et en termes de coût des accessoires ?

C’est très variable selon le type de matériel. Il y a, d’une part, les solutions très spécialisées et innovantes, comme celles que conçoit Be Player One. Sur ces produits, nous avons tiré les tarifs au maximum vers le bas pour qu’ils soient abordables financièrement. D’autre part, il y a plusieurs centaines de fabricants dont nous revendons les solutions : nous leur demandons systématiquement des réductions tarifaires pour avoir au pire le tarif grand public, et au mieux un prix inférieur. On essaye aussi d’amener ces fabricants à considérer le matériel adapté comme un segment à part entière du jeu vidéo, et donc à rendre les achats abordables.

Malgré tout, cela a un coût, et on invite très souvent les clients à faire des demandes de financement via les MDPH et la prestation de compensation du handicap (PCH). On a vu plusieurs dizaines de personnes obtenir des financements sous l’aspect « aide technique pour le projet de vie ». Le jeu vidéo, aujourd’hui, est considéré comme un loisir et un art. Et l’art fait partie des droits fondamentaux.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

On constate un engouement majeur, où qu’on aille, quels que soient nos interlocuteurs – joueurs, professionnels du handicap, concepteurs de jeux vidéo. C’est un sujet qui est en fait une évidence mais auquel on pense trop peu. Et systématiquement, on reçoit un accueil extrêmement favorable, avec une envie de jouer et une émotion parfois extraordinaire pour les personnes qui essayent un jeu vidéo pour la première fois, adultes et enfants. Je trouve ça génial car je crois que l’écosystème des joueurs à besoins spécifiques se réveille. Ces joueurs expriment leur frustration d’être discriminés face aux jeux vidéo. On voit également que des professionnels du handicap ont très envie de répondre aux besoins de leurs patients et sont conscients du rôle qu’ils jouent auprès d’eux pour déclencher cette envie. Quant aux studios de création, leur attente est simple : quand ils créent un jeu, c’est pour y faire jouer le plus de monde possible. Donc, se rendre compte qu’ils passent à côté de 20% de la population mondiale, c’est pour eux un déchirement. L’évidence c’est de continuer à œuvrer pour rendre les jeux vidéo et le numérique accessible.

Pour plus d’infos, rendez-vous sur : https://www.accessible-gaming-first.com/fr/accueil

En photo : Maxime Viry, président cofondateur de la société Be Player On

À lire aussi : Une manette de jeu adaptée au handicap pour la Playstation

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