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Mise en accessibilité : Le groupe Okeenea répond à nos questions

Okeenea, la mise en accessibilité pour raison d’être
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Okeenea, la mise en accessibilité pour raison d’être

Anciennement EO-Guidage qui a évolué durant 26 ans avec la mise œuvre de feux sonores, Okeenea est aujourd’hui un groupe qui propose des solutions globales de mise en accessibilité des projets. Okeenea est depuis peu divisée en quatre entités représentant chacune l’un des métiers du groupe : Bâtiment (aménagement ERP), Produits (plateforme de vente en ligne pour les professionnels), Tech (signalétique sonore extérieures et intérieures) et Digital (technologie digitale pour l’accessibilité, GPS intérieur). C’est Sylvain Denoncin, associé du Groupe, qui répond à nos questions.

Quel est votre regard sur l’accessibilité depuis la mise en œuvre des Ad’Ap ?
Je dirais que de 2015 à 2017 la plupart des maîtres d’ouvrages publics ou privés ont mis une sorte de coup d’arrêt au déploiement de leur travaux de mise en accessibilité. Leur attention, leur énergie et leur budget ont été réorientés vers les Ad’Ap. Ce sont les bureaux de contrôle et les bureaux d’étude qui ont alors connu un énorme pic d’activité, avec d’une part l’état des lieux et d’autre par le dépôt des Ad’Ap patrimoniaux qui sont les plus importants. Le tout en définissant un budget annuel pour assurer la mise en conformité selon 3, 6 ou 9 ans en fonction de la nature du patrimoine. Même si les travaux engagés ont continué leur déroulement, peu de nouveaux projets ont vu le jour..

Les Ad’Ap présentés comme une seconde chance ont-ils fait l’unanimité ?
Les Ad’Ap ont été perçus comme l’opportunité de régler l’injonction paradoxale qui imposait la vision d’une accessibilité totale en 2015 alors que les maîtres d’ouvrages savaient bien que ce n’était pas possible, ne serait-ce que pour des raisons budgétaire. Les Ad’Ap ont au moins permis de clarifier ce point. Pour les maîtres d’ouvrage qui étaient en cours de déploiement, cela leur donné de la visibilité quant à d’éventuelles attaques judiciaires sur la mise en conformité de leurs travaux.

Est-ce que la grande majorité des ERP privés et publics ont déposé un Ad’Ap ?
Oui bien sûr, la Délégation Ministérielle à l’Accessibilité  donne des chiffres qui montrent qu’aujourd’hui 690 000 Ad’Ap sont en cours de déploiement pour une mise en accessibilité. Cela prouve que la très grande majorité des gestionnaires de patrimoine public ou privé se sont engagés dans la démarche. Mais aussi que la DMA a joué le jeu du retard pour donner du leste et continuer à motiver ces gestionnaires à déposer leur Ad’Ap.  Le message était : «Même si vous êtes en retard ; déposez quoi qu’il arrive votre Ad’Ap, c’est toujours mieux que de ne pas le faire ». Au sein de l’AFPAPH (Association Française Des Professionnels pour L’accessibilité Aux Personnes Handicapées) que je préside, nous faisions passer le même message. 

Quels ont été les principaux domaines sur lesquels l’accessibilité a été déployée ?
L’intérêt des Ad’Ap, c’est que les travaux sont lissés, c’est donc plutôt un mouvement de fond. Il y a en fait des stratégies très différentes en fonction des acteurs. Certains privilégient les travaux d’équipements – qui permettent de remplir vite certains objectifs avec des budgets raisonnables – et programment les travaux plus lourds dans un deuxième temps. Le but étant d’augmenter vite son niveau d’accessibilité. Les AD’AP ont en parallèle reposé la question des stratégies patrimoniales, et certains secteurs, notamment le commerce de détail et le bancaire, ont abordé le sujet d’une autre manière, se disant :  « À moyen terme, si l’on ne garde pas tout le réseau, il faut prioriser ». Pour certains magasins dont l’offre se digitalise, le choix a été de faire les travaux sur les magasins qui seront conservés et pas de travaux pour les autres. C’est une manière de reporter le maximum de moyens sur les emplacements clés. Certaines villes ont préféré homogénéiser l’accès aux services, autrement dit, de faire en sorte que dans chaque quartier de la ville soient rendus accessibles une crèche, une école… Soit une densification progressive de la mise en accessibilité dans toute la ville.  

Entre 2015 et aujourd’hui, quel constat faites-vous ?
La vague des travaux de mise en accessibilité est lancée mais ce n’est pas un tsunami, c’est une vague de fond constante, réfléchie, qui va demander entre 5 et 6 ans avant qu’un taux important et homogène de sites sur le territoire soient accessibles. Le bémol que j’apporterais concerne les petits commerces indépendants classés en ERP de 5e catégorie. Au lancement et en cours d’Ad’Ap ils étaient tous perdus. Il y a eu aussi énormément de démarches malhonnêtes dans leur direction, qui ont créé de la confusion chez ces personnes et du coup de l’attentisme de leur part. Ils attendent de voir dans quelles mesures c’est important ou non de faire ça car ils ne craignent pas trop les contrôles du fait de leur faible activité.

Est-ce que les gestionnaires d’ERP ont compris la nécessité de l’accessibilité, au-delà de la loi ?
L’impulsion de base est réglementaire et plutôt vécue comme une contrainte, et pour les gros gestionnaires de patrimoine il ne s’agit que d’intégrer une nouvelle réglementation et des normes comme il en tombe régulièrement sur l’énergie, la sécurité… et donc il n’y a pas de discussion mais pas d’implication non plus. Le 1er réflexe était de dire : « comment j’optimise cela dans une démarche patrimoniale et donc comment je fais en sorte que mes plans de travaux de rénovation intègrent cette nouvelle donnée ? ». Ensuite dans la mesure où ils s’intéressaient au sujet et travaillaient avec des sociétés spécialisées telles que la nôtre, ils comprenaient quand même globalement l’intérêt d’avoir une bonne signalétique pour tous, d’avoir une rampe qui servira à tout le monde et donc petit à petit ils perçoivent l’intérêt de l’investissement.

Est-ce que le handicap moteur a toujours dominé le débat ou les autres déficiences ont-elles aussi été prises en compte ?
Dans l’imaginaire collectif, les personnes qui se lancent dans cette démarche sont essentiellement concentrées sur des problématiques d’accessibilité physique telles que des rampes, des ascenseurs, mais les préconisations de la loi sont telles qu’ils doivent aussi s’intéresser à tous les types de handicap.

Le font-ils réellement ?
La partie handicap moteur est très compréhensible par des personnes qui gèrent des travaux car ce sont des sujets assez binaires, bien décrits dans la loi et dans les normes. Lorsque l’on arrive sur du handicap cognitif ou sensoriel, les solutions pour atteindre les objectifs de la loi sont plus larges. Dans ce domaine, tout dépendra de la manière dont ils sont accompagnés, et dans le handicap cognitif, à part de la signalétique et des pictogrammes, c’est un handicap qui n’est pas bien traité.

Y a-t-il une prise en compte du design ?
Sur cet aspect, il y a une vraie différence entre le public et le privé. Le public passe par des appels d’offre où le côté financier compte pour une bonne partie de la note finale. Autrement dit les produits qui vont passer sur les marchés publics sont plutôt bon marché, ce sont des produits standards sans recherche de design. Côté privé, il y un véritable souci de l’esthétisme et de l’intégration dans des concepts de magasins, d’hôtels, de musées, de banques… Il y aura donc plus de moyens et d’énergie dans la recherche de produits conformes aux attentes de design.

Les besoins fonctionnels de personnes en situation de handicap sont-ils pris en compte ?
De ma position, je vois deux approches. Aujourd’hui il y a un certain nombre de donneurs d’ordre et d’entreprises, en accompagnement de maitrise d’ouvrage ou d’architectes, qui vont suivre les clients dans leur mise en conformité. Derrière des entreprises générales qui bénéficient de ces marchés sur des appels d’offre pour des lots non dédiés, tels que sols souples, sols durs, menuiserie… souvent nous sommes face à des personnes non formées qui ne comprennent justement pas ces questions d’usage, de normes, et qui vont se contenter de cocher les cases des obligations légales. D’un autre côté, il y des entreprises plus spécialisées qui vont être plus sensibilisées et mieux formées, et dans ce cas ça se passe plutôt bien. Mais c’est actuellement la minorité des travaux. En bout de chaîne, quand le client se fait accompagner par un généraliste alors que lui-même n’est pas « sachant », ce qui l’intéresse, c’est que la commission d’accessibilité et de sécurité donne la conformité pour passer à autre chose. Le problème, c’est qu’il existe d’énormes disparités d’une commission d’accessibilité et de sécurité à une autre, et chaque département, pour des équipements équivalents, peut donner un avis différent. Cela s’explique par le fait que la loi et les normes ne définissent pas très bien les aménagements types à réaliser et que les intervenants ne sont pas toujours experts… et les bureaux de contrôles font parfois de l’abattage en ne se focalisant que sur les points basiques. Un autre point peut expliquer aussi les surprises que rencontrent les personnes en situation de handicap : c’est le concept d’effets équivalents introduit par la loi. Cela signifie qu’il y a des objectifs à atteindre mais que les moyens ne sont pas définis. Cette idée, qui à la base était plutôt positive et allait dans le sens de l’usage, a été détournée par les « non sachants » et les généralistes. Ce problème en appelle un autre, celui de la continuité de la chaîne de déplacement qui reste un vœu pieux la majorité du temps, et cela va durer encore quelques années.

Dans ce domaine, considérez-vous que la France soit dans la bonne moyenne au regard des pays dans lesquels vous intervenez ?
Nous sommes partis de loin et nous sommes en train de rattraper une partie de notre retard. L’une de nos spécificités, c’est que ce sont les contraintes et les risques juridiques qui ont permis de faire bouger les lignes. Dans beaucoup de pays il y autant de règlementation mais aucune sanction. De ce point de vue la loi française reste assez emblématique et forte. Culturellement, si certains pays n’ont pas ces sanctions ils ont une plus grande sensibilité et parfois avancent plus vite que nous.  

Plus d’infos sur : www.okeenea.com

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