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Mise en accessibilté obligatoire du bâti: une « loi réaliste » pour les professionnels du bâtiment

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Présente dans toutes les instances où les intérêts du secteur et des entreprises sont en jeu, la FFB assure la défense de la profession auprès de l’administration, des pouvoirs publics, des décideurs économiques et des acteurs de la construction. Elle intervient également à Bruxelles pour rappeler les droits des entreprises du Bâtiment dans les dossiers communautaires et y dispose d’une tribune permanente par le canal de la FIEC (Fédération de l’Industrie Européenne de la Construction). Force de proposition représentative de quelques 57 000 adhérents, dont 42 000 entreprises artisanales soit 2/3 des salariés et du chiffre d’affaires de la profession, la Fédération multiplie les démarches et les initiatives dynamiser la politique sociale et valoriser l’image de la profession et ne peut s’exonérer de l’approche du handicap. Nous avons rencontré de Didier Duchêne, délégué à l’accessibilité qui nous fait part de sa vision de l’application de la loi de 2005 en matière de mise en accessibilité des bâtiments.

 

Handirect : Comment la FFB a-t-elle accueillie l’obligation de mise en accessibilité des ERP issue de la loi de 2005 ?

Didier Duchêne : Plutôt positivement. L’enjeu sociétal est fort et l’attente si grande depuis la loi de 75. Des progrès avaient été accomplis depuis mais encore insuffisants, car ils ne concernaient, la plupart du temps, que les personnes handicapées moteurs. Notre fédération professionnelle, a d’ailleurs initié une vaste campagne de diagnostic accessibilité pour ses propres bâtiments, dans chaque département, lorsqu’ils étaient classés ERP, y compris d’ailleurs pour les établissements de 5e catégorie (les plus nombreux en fait) afin de programmer les améliorations à apporter dès que possible.

 

Avez-vous communiqué dessus auprès de vos adhérents ?

Oui, très fortement. Comme pour toute évolution réglementaire d’ailleurs. Les règles évoluant, il était nécessaire d’informer les entreprises adhérentes (plus de 57000 entreprises artisanales, pme et majors du bâtiment) des règles techniques nouvelles à prendre en compte ainsi que des modalités de contrôle qui pouvaient modifier parfois les relations avec le maître d’ouvrage, premier responsable de la mise en œuvre de cette réglementation. La FFB, avec l’aide de son Institut Technique, et au travers de la revue professionnelle Bâtimétiers a publié trois dossiers complets sur le sujet dès 2004 et produits de nombreuses fiches techniques et articles pour informer et sensibiliser les entrepreneurs et leurs salariés. Nos fédérations départementales et régionales ont d’ailleurs organisé de nombreuses réunions sur le sujet, avec les pouvoirs publics, les architectes, les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) et d’autres partenaires.

 

Quelles interrogations rencontrez-vous le plus de la part de vos adhérents ou du milieu du bâtiment en général ?

Leurs interrogations sont de deux ordres : Tout d’abord des questions d’ordre technique. Comment appliquer telle ou telle règle technique dans telle ou telle condition spécifique liée au chantier. Ou encore : où trouver des produits adaptés au handicap ? Les unions et syndicats de métiers de la FFB sont rodés pour répondre à ce type de questions. Ensuite, sur le plan juridique et de la responsabilité des entreprises : tel maître d’ouvrage ne souhaite pas faire comme indiqué dans la réglementation, or, étant sensibilisé, je me dois de lui rappeler ses obligations. S’il persiste, que dois-je faire : lui obéir ou résister avec le risque de perdre mon marché ? Ou encore : telle solution prescrite n’est pas conforme aux règles de l’art et risque de créer un sinistre à l’usage, et mon assureur me recommande la plus grande prudence. Que dois-je faire pour que mon client soit content tout en respectant les règles et en évitant un futur sinistre ? A titre d’exemple, c’était le cas avec l’accessibilité des balcons dont certains nous disaient maîtriser toute la conception. Or, quand il s’est agi de les réaliser de façon générique, sur des milliers de logements collectifs, les difficultés sont apparues. Par exemple, aucun fabricant ne garantissait l’étanchéité à la pénétration d’eau des seuils bas de portes-fenêtres, première des obligations du Code de la Construction. Nous ne pouvions donc laisser les entreprises risquer d’être mises en cause. Les professionnels à la FFB se sont donc mobilisés fortement, avec le CSTB et les bureaux de contrôles notamment, pour contribuer de façon décisive à trouver des solutions qui respectent les principes d’accessibilité, les règles de l’art, le code des assurances et ne soient pas trop compliquées à mettre en œuvre devant être praticables par toutes les entreprises. Le document doit sortir courant juin selon les informations du Ministère chargé du logement. Il est très attendu sur le terrain.

 

Pensez-vous que cette loi soit réaliste ?

La loi est réaliste. Il est cependant dommage d’avoir attendu 30 ans pour que l’on commence à voir de réels effets. En revanche, on peut discuter du très grand détail de la réglementation technique qui provoque de multiples questions d’interprétation. C’est un peu un mal français : soit on écrit peu et on dit que l’on ne sait pas faire ou que l’on n’a pas assez de précisions pour appliquer les textes, soit l’on écrit trop et l’on dit que l’on a pas assez de liberté ! Dans d’autres pays, la réglementation est moins pléthorique et l’accessibilité est pourtant mise en œuvre.

 

Le délai de 10ans vous semble t-il suffisant ?

C’est un délai de principe, dans lequel il convient de faire le maximum d’avancées dans tous les champs d’action. Lorsque l’on écoute les collectivités territoriales par exemple, et uniquement pour prendre l’exemple du cadre bâti, on sent bien qu’en 2015 tout ne sera pas réalisé. Il faut se rendre compte que nous ne sommes pas dans la meilleure période du siècle pour un tel effort : la crise économique est passée par là et de nombreuses réformes sont en cours dans tous les domaines. Ce sont des freins involontaires mais bien réels. Mais, à la FFB, nous sommes convaincus qu’il n’y aura pas de retour. L’accessibilité est bien en œuvre comme jamais elle ne l’a été auparavant. Pour notre secteur, c’est un supplément d’activité non négligeable et l’enjeu sociétal a bien pénétré notre population.

 

Que penser du fait qu’une majorité des intéressés n’aient encore pas pris d’initiatives pour répondre à la loi alors que 5 années sont déjà passées ?

Je ne pense pas que ce soit si vrai. Certains sont allés peut-être moins vite que d’autres. Tous n’ont pas les mêmes possibilités, les mêmes outils ou les mêmes moyens pour agir. C’est le cas de copropriétés par exemple qui doivent, en cas de travaux, appliquer les règles d’accessibilité. Mais avec quels moyens ? Je vous le répète, nous, sur le terrain nous savons que cela bouge. Mais c’est vrai que les personnes handicapées ne voient pas encore les résultats concrets partout. Prenons l’exemple de la construction immobilière : il faut parfois plus de 18 mois pour que des projets commencent à sortir de terre, après épuisement des procédures liées aux autorisations de construire. Des solutions sont en train de se mettre en place, des réflexions sont en cours pour que l’accessibilité puisse bénéficier de l’élan donné par le Grenelle de l’environnement dans le domaine de la rénovation thermique. Cela touche tous les types de construction. Il faut avancer rapidement sur ces sujets. La FFB a fait des propositions en ce sens dans le cadre notamment du rapport Boulmier.

 

Etes-vous favorable à la mise en place de dérogations ?

La question ne se pose pas en ces termes, favorable ou défavorable. De plus votre question concerne la construction neuve pour l’essentiel. Avant que le Conseil d’Etat ne casse le décret qui autorisait certaines demandes de dérogations, un schéma simple existait. Le maître d’ouvrage, constructeur, étudiait son projet et considérait que pour certains points spécifiques – au vu des études fournies, de l’environnement lié au site, de la topographie – il ne pouvait appliquer telle ou telles obligations techniques. Dès lors, il devait constituer un dossier technique, argumenté, et le fournir au moment du dépôt du permis de construire sous la forme d’une demande de dérogation. Ensuite, son dossier était dûment examiné par la commission d’accessibilité. Il y avait, le cas échéant, négociation, la commission essayant de pousser le maitre d’ouvrage à trouver des solutions. N’était-ce pas une bonne pratique ?

Je relève d’ailleurs, au vu du nombre de dérogations déposées pour des projets neufs signalé par les pouvoirs publics que les acteurs ont dans l’ensemble joué le jeu et n’ont pas cherché à déroger sur tout et à tout prix.

On pourrait considérer qu’il y a eu de la désinformation sur ce sujet. En lisant la presse, on pouvait croire que l’on pouvait déroger sur tout – c’est-à-dire sans rien changer, faire « comme avant la Loi ». C’est absolument faux. Une demande de dérogation, dans le neuf comme dans l’ancien ne peut être que sur une difficulté identifiée et ponctuelle ; elle doit être justifiée et vérifiable. On remarque d’ailleurs, et les collectivités territoriales sont les premières à en témoigner, que la plupart des demandes de dérogation concernent les difficultés liées au handicap moteur. C’est-à-dire des difficultés liées au traitement du cheminement en raison de la topographie des lieux par exemple. Les constructeurs immobiliers témoignent des mêmes difficultés sans compter les effets du au prix du foncier.

Les entreprises de bâtiment ont d’ailleurs été étonnées de ces débats. Elles arrivent, elles, au moment du chantier. Les permis ont été déposés depuis longtemps. L’ouvrage est à construire. Il n’y a plus de possibilité de déroger. C’est le temps de la réalisation. Nous avons entendu que les associations représentants les personnes handicapées souhaitaient une concertation sur ce sujet : nous en sommes d’accord et seront présents.

 

A quelle hauteur jugez-vous le niveau des investissements nécessaires au plan national pour répondre à cette loi ?

La FFB contribue activement aux études économiques sur différentes questions liées à la construction. Récemment, nous avons, avec l’APAJH et DEXIA fait part de l’étude menée par le cabinet Accèsmétrie sur les coûts de mise en conformité des ERP territoriaux et de l’Etat : 20 milliards d’euros TTC. Sur moins de 5 ans. Imaginez maintenant l’investissement nécessaire sur les autres postes non liés à la construction. Je ne suis pas sûr que l’on ait bien pris la dimension de l’investissement nécessaire. Je le disais. Il faut y réfléchir et trouver des solutions viables. Les entreprises sont prêtes à faire les travaux nécessaires. C’est aussi bon pour l’emploi.

 

Qu’est-ce que la FFB peut jouer comme rôle face à un chantier d’une telle ampleur ?

Les entreprises se forment et se qualifient. A titre d’exemple, nous avons travaillé avec l’organisme QUALIBAT, reconnu par l’Etat, pour mettre en place une qualification d’entreprises permettant de témoigner, au plan national, de la compétence des entreprises dans la mise en accessibilité de logements individuels et collectifs. Nous poussons les artisans et PME du bâtiment à valoriser leur savoir-faire dans ce domaine grâce à cette nouvelle Qualification ; de même les associations de personnes handicapées doivent connaître cette qualification qui leur permettra d’identifier les acteurs compétents. Elles ont pris conscience de la dimension du chantier à réaliser et de son urgence. La meilleure preuve est le succès du parcours accessibilité auprès des entrepreneurs et artisans et du grand public, monté en partenariat avec Jaccede.com et Handicaptitude dans le cadre du village des métiers CITE Bâtisseurs, organisé sous l’égide de la FFB, prochainement à LILLE (du 23 au 25 juin)..

Enfin, La FFB fait partie du Conseil National Handicap ainsi que de l’Observatoire National du Handicap et de la Conception Universelle. Nous faisons le nécessaire pour que l’accessibilité soit une réalité dès que possible et agissons systématiquement pour créer les conditions réalistes propices à sa faisabilité.

 

FFB : 33 avenue Kléber, 75784 Paris Cedex 16 Tél : 01 40 69 51 00 – Fax : 01 45 53 58 77

 

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