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Préjudice d’agrément : Quand un accident oblige à arrêter le sport…

Le préjudice d'agrément expliqué par Handilex
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Condamné à l’ennui ? L’association d’avocats Handilex explique ce qu’est un préjudice d’agrément à travers le cas des personnes qui sont contraintes d’arrêter une activité en raison du handicap.

Le handicap condamne-t-il celles et ceux qui en souffrent à ne plus pouvoir pratiquer un sport ? Dans certains cas la loi nous dit que non. Le handicap n’a pas nécessairement à constituer une limite infranchissable aux activités de loisirs ou sportives d’une personne, ni physiquement, ni juridiquement. Une personne victime d’accident qui perd la possibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs peut faire valoir ce préjudice, dit préjudice d’agrément.

Il existe, bien sûr (et heureusement !), un certain nombre de structures créées pour permettre aux personnes en situation de handicap de continuer de mener une vie sociale, sportive et culturelle la plus épanouissante possible. Le plan personnalisé de compensation de handicap, à demander et mettre en œuvre avec la MDPH, prévoit, conformément à la loi du 11 février 2005, un droit à compensation de son handicap, y compris pour les activités sportives et de loisirs.

Le préjudice d’agrément !

Qu’en est-il lorsque le handicap ou ses conséquences viennent gêner, empêcher ou interdire la poursuite de telles activités déjà pratiquées par la personne ? Aux termes de la nomenclature *Dintilhac, l’impossibilité ou la simple limitation dans la pratique régulière d’une activité spécifique sportive ou de loisir constitue en soi un préjudice qualifié juridiquement de « préjudice d’agrément » et réparable.

Dans quelles conditions le préjudice d’agrément est-il réparable ?
En premier lieu, au titre du préjudice d’agrément, sont réparées les difficultés voire l’impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, précisément désignée et exercée préalablement par la personne avant que survienne son handicap ou que celui-ci ne s’aggrave : jouer au tennis, nager, bricoler, participer à un club de lecture… Ce type de préjudice ne couvre donc pas les difficultés générales à exercer dans l’absolu une quelconque activité sportive ou de loisir, difficulté qui elle pourra être prise en compte au titre d’un autre poste de préjudice (le déficit fonctionnel permanent : cf. Cass. civ. 1ère, 8 février 2017, n° 15-21.528). L’appréciation est réalisée, au cas par cas, selon les seules circonstances et éléments propres à chaque personne.

Comment faire valoir le préjudice ?
En conséquence, pour s’en prévaloir, il faut d’abord apporter la preuve de l’exercice d’une activité spécifique : carte de membre ou d’adhérent d’un club, attestations et témoignages d’autres membres, des amis, de la famille… Également, il faut pouvoir justifier des éléments montrant l’investissement et l’importance pour la personne des activités concernées : nombre d’heures par semaine consacrées aux différentes activités, niveau acquis, reconnaissance de ses pairs, classement, prix ou trophées éventuellement remportés…

En deuxième lieu, se pose ensuite la question de la possibilité ou non de poursuivre les activités concernées. En cas d’impossibilité totale, seule une réparation par équivalent (une somme d’argent) pourra être allouée à la victime. Sur ce point, l’impossibilité n’a pas à être seulement physique : l’état psychologique de la personne peut dans certaines hypothèses suffire à caractériser cette impossibilité (Cass. civ. 2ème, 5 juillet 2018, n° 16-21.776).

Étudier toutes les pistes de réparation
En cas de limitation ou d’impossibilité partielle, il ne faut pas hésiter à étudier tous les moyens matériels qui permettrait à la personne de poursuivre ses activités malgré son handicap : appareillage spécifique, solutions de mobilité, équipements sportifs adaptés, etc., et les inclure dans la demande d’indemnisation en les justifiant, le cas échéant, par des devis réalisés par les équipementiers ou professionnels concernés.

S’agissant enfin des moyens humains parfois nécessaires, il demeure sur ce point un certain flou dans la jurisprudence. Bien qu’elle a eu récemment la possibilité de statuer clairement sur la demande tendant à allouer une indemnité au titre de la tierce personne (apportant une aide à la victime pour accomplir certains gestes de la vie courante) pour « tous les actes et activités, y compris d’ordre social, de loisir ou d’agrément que requiert l’accomplissement d’une vie normale et l’épanouissement de l’être humain », la Cour de cassation a préféré y répondre par une formule évasive, de sorte que la question n’est, malheureusement, toujours pas  nettement jugée et demeure en suspens (civ. 2ème, 23 mai 2019, n°18-16.651). Son opportunité pourra donc faire l’objet d’un débat avec celui qui a la charge de réparer les préjudices.

Pour conclure, si le préjudice d’agrément est trop souvent considéré comme accessoire, celui-ci doit être réparé à sa juste mesure pour permettre, autant que possible, à la personne de reprendre le cours de ses activités ludiques, sportives ou de loisir et de renouer  avec le bien-être qu’elle en retire.

Jean-Armand Megglé

Fondateur d’HandiLex

* La nomenclature dite « Dintilhac » du nom du Président du groupe de travail (Jean-Pierre DINTILHAC, ancien Président de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation) qui l’a élaborée est un outil de référence en matière d’indemnisation des victimes de dommages corporels.

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