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Prison et handicap : la double peine de certains prisonniers

Témoignage de Nadia qui évoque la situation de son fils en situation de handicap actuellement détenu en prison.

Prison et handicap : la double peine de certains prisonniers
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Mounir a un pontage artériel, 80% de son muscle jumeau a été retiré. Il a écopé de six mois de prison pour excès de vitesse et pour avoir été contrôlé par des policiers alors qu’il était sous stupéfiants. Il vit donc aujourd’hui en prison avec son handicap. Sa mère, Nadia dénonce les conditions dans lesquelles il est enfermé aujourd’hui et l’absence de solutions à sa disposition.

Quelles sont les difficultés que rencontre votre fils en situation de handicap en prison aujourd’hui ?

Vivre en prison avec un handicap c’est compliqué. Mon fils a des problèmes de santé importants à la jambe. Il rencontre des difficultés pour marcher. C’est un pontage. Il faut en prendre soin, il ne faut pas que ça se bouche et il faut une vraie bonne hygiène. Il a déjà eu une infection, et on l’a empêché, au départ, de se soigner avec certains produits nécessaires pour cela, comme de l’huile de nigelle. L’angiologue nous a fait un certificat, a expliqué qu’il fallait qu’il marche, qu’il fasse attention pour qu’il n’y ait pas de complications ou d’œdème.

Quels changements depuis ces conseils du médecin ?

Maintenant il a le droit de prendre les médicaments prescrits par le médecin de l’établissement. Mais ça n’a pas du tout tout réglé. C’est moi qui ai dû lui faire rentrer de l’huile de nigelle pour les soins. J’ai aussi apporté du miel mais ils ont refusé de le faire rentrer. Mon fils s’était soigné de nombreuses fois avec du miel, et c’est reconnu que c’est un bon alicament. On lui a aussi enlevé ses béquilles alors qu’il en a besoin pour marcher. Et là, ils veulent le mettre 14 jours au mitard, dans des conditions qui ne vont absolument pas être assez hygiéniques pour lui. La prison avec un handicap, vous savez, c’est déjà problématique. C’est un milieu insalubre, il y a des rats, des cafards… Mais alors le mitard c’est encore pire.

Vous venez de dire que votre fils allait être envoyé au mitard, pourquoi ?

Une fois, je lui ai rendu visite. Mais j’ai mis beaucoup de temps à rentrer, et pendant ce temps, lui il était dans un sas en attendant d’aller au parloir. Il y avait une caméra pointée sur lui, et il a changé l’angle de la caméra. La directrice l’a fait passer devant une commission disciplinaire pour cela, et c’est cette commission qui a pris cette décision.

À quels risques s’expose-t-il en allant au mitard ?

Il faut qu’il fasse très attention à sa jambe, vous comprenez. Il doit absolument pouvoir marcher. Être enfermé en prison, comme ça, avec un handicap et avec cette chaleur, alors qu’il a déjà eu une infection, c’est vraiment grave. On l’a soigné, on lui a donné des pommades antibiotiques et on lui a enlevé son pus, mais je veux dire ils l’ont fait tard, trop tard. Depuis le début, il a dit au médecin qu’il lui fallait des soins, et ils refusaient de l’écouter. Quand sa cheville a commencé à enfler, on lui disait toujours d’attendre le lendemain pour voir le médecin. Ils n’en tiennent pas compte, c’est grave ce qu’il se passe. On se croirait au Moyen-Âge !

Comment se passent ses relations avec les autres prisonniers ?

Il reste dans son coin, il ne veut parler à personne. Il préfère qu’on le laisse tranquille. Dans sa cellule, il est avec quelqu’un et ça se passe bien. Vous savez, il est assez réservé. Il n’y a pas vraiment un problème vis-à-vis de son handicap et les autres résidents de la prison.

Quels recours avez-vous ? Quels soutiens avez-vous pu recevoir ?

J’ai appelé le défenseur des droits qui a demandé que mon fils rappelle. La Ligue des droits de l’Homme aussi, l’observatoire des prisons. La Ligue des droits de l’Homme m’a dit de saisir le juge des référés en urgence et la direction interrégionale des services pénitentiaires. Encore faut-il que ça ait un impact. Mais sinon je ne connais pas. Je n’ai pas énormément de recours possibles.  J’ai essayé d’appeler la prison, pour expliquer qu’avec son handicap il fallait faire très attention. J’ai eu la greffière deux trois fois au téléphone. Et au bout d’un moment elle m’a dit : « Il faut arrêter d’appeler, parce que sinon votre fils on va le changer de prison, on va le mettre loin, vous allez voir ! ». Ça veut dire quoi ? Ça veut dire « fermez votre bouche », c’est complètement anormal.

Pourquoi dénoncer la situation du handicap en prison était important pour vous ?

Il faut alerter les gens sur la situation. En France, on est dans un pays où on doit encore beaucoup se développer, se poser des questions. Il faut réveiller les consciences, c’est reconnu que la France a plusieurs fois été épinglée pour sa gestion des prisonniers. Des choses comme ça, ce n’est pas possible.

À la suite de plusieurs appels et contacts avec la direction, Mounir a obtenu l’autorisation de marcher malgré sa présence au mitard.

                                                           Propos recueillis par Loris Castaing

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