Pour concilier au mieux retraite handicap et patrimoine, voici les conseils de Camille de Soras, membre d’ABC Vie – Jiminy Conseil, Cabinet de Conseil en Gestion de Patrimoine spécialisé dans le conseil auprès des personnes en situation de handicap et leur famille.
Les prestations et pensions de retraite dépendent-elles du patrimoine des personnes handicapées ?
Les pensions de retraite issues d’une carrière professionnelle ne dépendent pas du patrimoine ou des ressources de la personne en situation de handicap. En revanche, l’ASPA, qui assure un montant de retraite minimum à ceux qui ont de faibles revenus, est directement impactée par les ressources de la personne handicapée. Cette allocation n’est versée que si le total de l’allocation et des ressources de la personne et son conjoint (ou concubin, partenaire pacsé) n’excède pas des plafonds fixés par décret. Ces ressources comprennent les avantages vieillesse, les revenus professionnels mais aussi les revenus des biens mobiliers et immobiliers hors résidence principale. Ces actifs mobiliers et immobiliers sont réputés procurer un revenu évalué à 3 % de leur valeur. De plus, les revenus fictifs des biens dont la personne a fait donation au cours des dix années qui ont précédé la demande d’ASPA sont pris en compte pour le calcul de l’allocation. Le taux de ce revenu fictif dépend de la date de la donation et de la qualité du donataire.
Retraite handicap et patrimoine : La possibilité de conserver l’AAH, dans certaines conditions, depuis le 1er janvier 2017, est-elle un réel avantage ? Oui ! Les personnes qui touchaient avant l’âge de la retraite l’AAH, qui ont une invalidité supérieure à 80% et qui auraient dû prétendre à l’ASPA, peuvent aujourd’hui continuer à percevoir l’AAH. Cette allocation dépend elle aussi des revenus de la personne handicapée et de son conjoint, mais dans des conditions beaucoup plus avantageuses que l’ASPA. Les ressources prises en considération sont les revenus nets catégoriels, c’est-à-dire les revenus imposables. Les biens immobiliers non productifs de revenus et les donations antérieures ne sont pas prises en compte. De plus, l’AAH n’est pas récupérable au décès du bénéficiaire, contrairement à l’ASPA.
L’aide sociale pour l’hébergement des personnes handicapées âgées prend-elle en compte le patrimoine de la personne ?
Depuis la loi du 11 février 2005, les personnes handicapées qui restent hébergées en établissement pour personnes handicapées au moment de la retraite, mais aussi celles qui sont hébergées dans des structures pour personnes âgées alors qu’elles étaient auparavant en structures spécialisées, bénéficient du régime d’aide sociale en faveur des personnes handicapées. L’aide sociale pour l’hébergement des personnes handicapées est beaucoup plus favorable que celle des personnes âgées. Par exemple, l’obligation alimentaire ne s’applique pas pour la participation aux frais d’entretien et d’hébergement des personnes handicapées, contrairement à celle pour les personnes âgées.
L’aide sociale pour l’hébergement et d’entretien des personnes handicapées n’est aujourd’hui récupérable, qu’en cas de décès, sur l’actif net successoral et lorsque les héritiers ne sont pas le conjoint, les enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée. A l’inverse, plusieurs cas de récupération concernent l’aide sociale pour les personnes âgées : le recours en récupération peut se faire en cas de retour à meilleur fortune, de donation / leg, et sur la succession sans condition.
Les conditions de ressources pour le calcul de la participation aux frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées sont un peu plus favorables. L’épargne capitalisée sur un contrat épargne handicap, et la rente survie, ne sont pas pris en compte pour le calcul de la participation aux frais d’hébergement et d’entretien de la personne handicapée ; le minimum de ressources laissé à la disposition de la personne hébergée est supérieur.
Est-il opportun de prévoir des ressources complémentaires en matière de retraite handicap et patrimoine ?
Il y a aujourd’hui une vraie prise de conscience que les retraites continueront de diminuer, du fait de la démographie, de la croissance molle et du chômage. Les réformes successives et la hausse des prélèvements sociaux tendent à baisser les revenus de retraite.
Les bénéficiaires de pensions de retraite classiques peuvent donc effectivement prévoir des compléments de ressources, par le biais de l’immobilier ainsi que de placements financiers : assurance vie, PEL, PEA… Les produits de retraite tels que le PERP ou le contrat de retraite Madelin, très intéressants en phase d’épargne notamment pour les foyers fortement imposés, ont l’avantage d’assurer une rente à vie à leurs bénéficiaires et éventuellement leur conjoint voire leurs enfants par les annuités garanties. Le PER en vigueur depuis 2019 apporte également des avantages fiscaux au moment du versement des primes et permet de percevoir des revenus sous forme de capital à la retraite, revenus qui seront imposables.
Les titulaires de l’AAH auront généralement intérêt à privilégier l’épargne peu ou pas fiscalisée, telle que le livret A, le LDD, le PEA, l’assurance vie Epargne Handicap de plus de 8 ans, le PERCO…
Une épargne constituée au plus tôt dans une optique de retraite permettra d’étaler les versements, de capitaliser sur une plus longue période, pour obtenir des ressources complémentaires suffisantes.
Vous expliquez que certains produits d’épargne retraite handicap et patrimoine sont intéressants. Est-ce que vous conseillez de les cumuler avec d’autres moyens d’épargne ou de « miser » dessus en priorité ?
Les anciens produits de retraite, comme les PERP ou contrats de retraite Madelin, bénéficient d’une incitation fiscale d’autant plus intéressante que le foyer est fortement imposé. Une personne non imposable n’a pas d’avantage fiscal lors des versements. Des versements peuvent toujours être effectués sur ces produits pour s’assurer une rente à vie versée par l’assureur, en veillant à ce que cela soit en complément d’une épargne disponible à tout moment pour pouvoir faire face à des besoins ponctuels.
Le produit de retraite individuel PER issus de la loi Pacte de 2019 bénéficie d’une plus grande souplesse, car il permet de récupérer le capital au moment de la retraite, sans obligation de mettre en place une rente. L’épargnant a le choix entre deux options au moment du versement des capitaux sur le contrat : il peut décider de bénéficier d’un avantage fiscal lors du versement des primes, mais le capital retiré au moment de la retraite sera alors imposable, ou décider de ne pas réduire son impôt lors du versement des primes, et par conséquent percevoir ses revenus complémentaires de retraite sans imposition du capital (mais les plus-values resteront imposables).
Le PER peut être envisagé dans certains cas, mais il n’apporte pas forcément d’intérêt par rapport à d’autre placements plus souples et adaptés.
Le plan d’épargne collectif (PERCO) dont peuvent bénéficier les salariés dans les entreprises qui l’ont mis en place permet de percevoir des revenus de retraite complémentaire dans de bonnes conditions, après avoir bénéficié d’avantages certains au moment de l’investissement (abondement, participation …).
Le fait d’être officiellement à la retraite peut-il ouvrir l’accès à des offres d’épargne spécifiques ? Et le fait d’atteindre un certain âge ?
L’âge de la retraite n’ouvre pas droit à des produits d’investissement particuliers. En revanche, il n’est plus possible, une fois à la retraite, de souscrire un contrat d’assurance vie Epargne Handicap. La souscription doit être faite lorsque la personne handicapée est en âge de travailler ; des versements complémentaires peuvent toutefois être faits lors de la retraite.
Par Camille de Soras
ABC Vie – Jiminy Conseil
Photo : Retraite handicap et patrimoine : « Une épargne constituée au plus tôt permettra d’étaler les versements et de capitaliser sur une plus longue période ».
Article mis à jour le 26 août 2022.