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Sclérose latérale amyotrophique : la SLA ou maladie de Charcot

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), plus connue sous le nom de maladie de Charcot, est aujourd’hui la plus fréquente des maladies rares en France. Éclairage avec Luc Dupuis, directeur de recherche à l’INSERM.

Sclérose latérale amyotrophique : la SLA ou maladie de Charcot © Jean Picon
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Qu’est-ce que la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ? Quels sont ses symptômes ? Qu’est-ce qui la provoque ? Peut-on en guérir ? Voici quelques-unes des questions que nous avons posées à Luc Dupuis, chercheur spécialiste de la SLA ou maladie de Charcot. Il a récemment été lauréat 2019 du Prix Bettencourt « Coups d’élan » pour la recherche française de la Fondation Bettencourt Schueller. Une distinction qui récompense ses travaux scientifiques destinés à améliorer la compréhension et le traitement de la SLA.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis directeur de recherche à l’INSERM. Je dirige un laboratoire INSERM situé à Strasbourg. Celui-ci compte une trentaine de personnes qui travaillent exclusivement sur la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot et la démence fronto-temporale (DFT) – la 1e cause de démence avant 60 ans et 2e cause de démence en France après Alzheimer. Deux maladies avec des symptômes différents mais des mécanismes communs.

La sclérose latérale amyotrophique, qu’est-ce que c’est ?

Tout est dans le nom de la maladie. Sclérose latérale d’un côté. Amyotrophie de l’autre.

Amyotrophique : cela signifie que l’on perd du muscle. C’est dû au fait que les neurones qui contrôlent les muscles – les motoneurones – dégénèrent. Ces motoneurones sont situés dans la moelle épinière et nous permettent de contrôler nos muscles, grâce à notre cerveau.
Donc ces neurones dégénèrent et les muscles sont à l’arrêt, de fait ils s’atrophient. D’où l’amyotrophie.

Sclérose latérale : C’est l’autre type de neurones qui est particulièrement impliqué. On parle de sclérose latérale des cordons latéraux de la moelle épinière. C’est là que passent les neurones qui viennent du cortex moteur, région du cerveau qui contrôle le mouvement. Deux neurones dégénèrent : le neurone cortical et le neurone spinal.

La résultante, c’est que le patient, progressivement, perd ses fonctions motrices. La plupart du temps, les fonctions intellectuelles sont préservées, ce qui rend la maladie assez terrible, quand la personne voit décliner toutes ses fonctions motrices. Généralement, le décès de ces patients arrive deux à cinq ans après le début des symptômes, la plupart du temps quand les muscles respiratoires sont affectés.

À quel âge se déclare cette maladie et quelle est sa fréquence ?

C’est une maladie qui est rare, mais pas tant que cela, car c’est la plus fréquente des maladies rares. Pour les patients qui ont une SLA, cela commence souvent vers 55-60 ans, parfois un peu avant – entre 20 et 25 ans, voire moins pour certaines formes juvéniles, mais c’est très rare.

On estime qu’il y a à peu près 6000 à 8000 patients en France à un instant T. Mais ces chiffres sont aussi à mettre en rapport avec le fait que ces patients décèdent très rapidement et qu’il y a environ 3000 nouveaux cas de SLA tous les ans. Cela signifie qu’il y a environ 3000 décès de patients SLA tous les ans, soit autant de personnes qui meurent de SLA que de personnes qui meurent d’accidents de la route.

À titre de comparaison, il y a chaque année le même nombre de nouveaux cas de SLA que de sclérose en plaques en France. Mais comme la progression de cette dernière est beaucoup plus lente, il y a, à un instant donné, beaucoup moins de patients atteints de SLA, puisqu’ils perdent la vie dans les 2 à 5 ans suivant leur diagnostic.

Qu’en est-il des symptômes de la SLA ?

Cela dépend des motoneurones qui sont atteints en premier. Ce ne sont pas toujours les mêmes. Certains patients vont ressentir les premiers symptômes au niveau des jambes, avec, souvent, des chutes dans les escaliers, une faiblesse. D’autres seront atteints au niveau des mains, avec des faiblesses et difficultés dans la prise et l’écriture. Ces deux situations, ou débuts spinaux, se présentent dans environ 80 % des cas.

Puis, dans 20 à 30 % des cas, ce sont les muscles de la face qui sont atteints, et la déglutition. Ces patients vont d’abord rencontrer des problèmes de parole et d’élocution, ce qu’on appelle les débuts bulbaires. En moyenne, ces patients sont un peu plus âgés et sont plutôt des femmes. Alors que les débuts spinaux concernent souvent des patients un peu plus jeunes et des hommes. Sachant qu’à la fin, tous les patients ressentiront l’ensemble des symptômes.

La sclérose latérale amyotrophique est-elle facilement diagnostiquée ?

L’errance diagnostique a été longtemps un problème pour la SLA ou maladie de Charcot. Elle l’est beaucoup moins aujourd’hui, notamment en France. Cela reste complexe, il faut un suivi par un neurologue notamment, mais le temps nécessaire s’est raccourci : un diagnostic prend entre 6 mois et un an.

Depuis 15 ans, nous avons une filière de soins spécifique pour les patients SLA. On compte actuellement une quinzaine de « centres de référence et de compétence SLA » répartis en France. Ceux-ci reçoivent des patients qui ont une suspicion de diagnostic SLA. C’est d’ailleurs extrêmement important que les patients SLA soient identifiés et suivis dans ces centres. Cela leur permet de bénéficier de soins spécifiquement adaptés à leur maladie, notamment en termes de rééducation physique – kiné – et de nutrition car, depuis une dizaine d’années, on sait que c’est un facteur très important pour améliorer le pronostic.

Il y a 25 ans, quand j’ai commencé à travailler sur la SLA, la survie moyenne était de 18 mois. Aujourd’hui, elle est plutôt de 3 à 4 ans, voire un peu plus. Des résultats obtenus simplement avec un meilleur suivi et surtout des soins spécialisés puisque la maladie est beaucoup mieux connue dans ces structures dédiées. Elles permettent aussi une harmonisation des pratiques au niveau des soins sur tout le territoire national.

Connaît-on les causes et éléments déclencheurs de cette maladie ?

Il y a une grosse composante génétique, c’est sûr, mais pas forcément familiale.

Il existe des formes familiales, entre 10 et 20% selon les études, quand la maladie se retrouve d’une génération à l’autre au sein d’une même famille. On connaît, à l’heure actuelle, une trentaine de gènes dont les mutations provoquent des SLA familiales.

En parallèle, on trouve une composante génétique non familiale, avec des facteurs de risque génétiques, qui, quand ils s’additionnent, contribuent à la sclérose latérale amyotrophique.

Il y a aussi toute une partie des causes qu’on ne connaît pas, avec des hypothèses nutritionnelles, toxiques, sur le rôle du sport et de l’activité physique. Il est très fréquent que les patients SLA aient un historique soit de sportif de très haut niveau, soit de carrière extrêmement physique. Mais ce lien n’est pas systématique et il est difficile à cerner. Soit les patients SLA sont génétiquement programmés pour pouvoir pratiquer une activité physique très forte pendant toute leur vie jusqu’à avoir une SLA, soit à l’inverse c’est cette activité physique forte qui favorise le développement de la maladie. La causalité reste à établir.

Attention : je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut pas faire de sport ! C’est une image miroir de la plupart des autres maladies, notamment Alzheimer et Parkinson. C’est-à-dire que dans ces deux cas c’est l’inverse : l’obésité et le diabète de type 2 sont des facteurs de risque mais ils protègent relativement de la SLA. À l’inverse, la plupart des patients atteints de SLA sont minces, sportifs, avec un cœur en très bonne santé.

Donc, pour résumer sur les causes : il y a des causes génétiques qui sont claires, des facteurs de risques, et probablement des facteurs environnementaux et comportementaux qui peuvent participer au déclenchement.

Où en est-on aujourd’hui en termes de traitement ?

Il faut distinguer deux situations : les SLA sporadiques, qui n’ont pas de gènes connus, et les SLA génétiques, pour lesquelles le gène est connu.

Parlons d’abord des SLA sporadiques, c’est-à-dire celles dont on ne connaît pas la cause, et qui représentent la majorité des SLA. Il existe des traitements qui améliorent la survie de quelques mois, mais avec lesquels les patients sont rarement convaincus des effets, bien qu’ils soient cohérents. C’est le cas du Riluzole, qui est prescrit à tous les patients SLA en France. C’est vrai que, quel que soit l’essai clinique, ce médicament a amélioré la survie, d’environ 4 mois.
D’autres traitements sont en cours d’essai, notamment ceux essayés avec des populations très précoces et qui ont produit des effets, mais ils ne sont pas encore autorisés en Europe.

Pour les formes génétiques, très récemment, en juin 2022, les résultats d’un essai clinique génétique ont été annoncés lors d’un congrès en Écosse. Cet essai concerne une forme de SLA liée au gène SOD1 et ses résultats sont encourageants. Si bien que tout le congrès a bruissé plusieurs jours avant la communication, notamment avec des collègues cliniciens qui me disaient : « C’est la première fois que je vois des patients SLA qui améliorent leur force musculaire ».
Donc, effectivement, sur ces formes-là, ce gène-là, je pense qu’on tient quelque chose de très prometteur et qu’on va pouvoir trouver de vrais traitements qui ralentissent la maladie, voire qui la « réversent ».

Cependant, cela concerne vraiment une forme spécifique parce que c’est un traitement qui cible la protéine mutée. Cela représente environ 1% des cas de sclérose latérale amyotrophique.
Mais pour nous, en tant que chercheurs, c’est quand même très significatif car c’est un traitement basé sur des recherches faites avec les modèles animaux, et qui au départ, ne suivaient absolument pas la stratégie privilégiée par nos collègues cliniciens. Et là, la recherche a vraiment fait son travail, donc c’est tout de même une satisfaction, même si ça ne vient pas de chez nous.

Du coup, je pense que dans les 5 à 10 ans qui viennent, à peu près toutes les formes génétiques de SLA vont avoir droit à ce type de traitement, avec le gène SOD1 mais aussi d’autres gènes. C’est l’espoir qu’on peut avoir. Ce type de stratégie prend beaucoup d’ampleur et peut-être qu’il y aura aussi des changements dans les formes qui sont, pour l’instant, considérées comme non génétiques, mais à voir.

Existe-t-il des traitements non médicaux ?

En effet, il existe aussi des traitements non-médicamenteux. Notamment les traitements nutritionnels, un sujet sur lequel nous travaillons depuis une vingtaine d’années au sein de l’INSERM.
Nous avions montré que les modèles de souris vivaient plus longtemps quand on leur donnait un régime gras avec beaucoup de calories. L’année dernière, nous avons montré la même chose chez le patient. Cela ne marche pas sur tous les patients mais ça fonctionne sur les patients qui progressent rapidement. Nous sommes en train de refaire un essai clinique pour définir sur quelles populations de patients cela peut être le plus efficace. Mais ce qui est clair dans tous les cas, c’est qu’il faut faire attention à la perte de poids chez les patients, et la prévenir car elle précipite le décès.

Il y a donc des traitements médicamenteux, qui sont ce qu’ils sont, avec une efficacité relative. Il y a des traitements géniques qui commencent à être mis en route pour certaines formes. Et il y a tout l’accompagnement, qu’il touche la nutrition, la rééducation… avec des effets qui vont au-delà du traitement symptomatique, mais qui peuvent avoir pour effet une augmentation de la durée et de la qualité de vie des patients.

En quoi consistent les travaux que vous menez au sein de l’INSERM avec votre équipe ?

Nous travaillons sur la maladie dans tous ses aspects.

Dans un premier temps, on cherche à comprendre les causes de la sclérose latérale amyotrophique. C’est un travail continu et important car il y a probablement des dizaines et des dizaines de causes qui sont encore inconnues, et qu’il faut arriver à identifier pour pouvoir proposer une médecine personnalisée dans quelques années.

Dans un second temps, on se focalise sur la compréhension de certains mécanismes, dans des formes familiales et notamment les formes les plus sévères. Actuellement, on axe notre travail sur l’une des causes de SLA familiale, à savoir un gène qui s’appelle FUS. Nous l’avons choisi car il provoque des formes très sévères et qui progressent très rapidement. Donc on s’est dit que le gain thérapeutique était probablement plus important pour des patients qui n’ont aucun espoir et dont la maladie débute à 20 ou 30 ans. Grâce à des modélisations animales chez la souris, on développe un programme de thérapie génique. Nous en sommes au stade pré-clinique, c’est-à-dire qu’on va tester le procédé chez la souris, et que si ça marche on pourra le transposer chez l’Homme.

La troisième partie de notre travail au laboratoire a pour but de comprendre l’origine des symptômes de la SLA, dans toutes ses formes, et pas seulement familiales. On se penche notamment sur l’un des symptômes qui nous intéresse beaucoup : la perte de poids. On s’aperçoit que c’est probablement le premier symptôme qui se déclare chez les patients. Ils commenceraient à perdre du poids 15 à 20 ans avant le déclenchement de la maladie.
On se focalise notamment depuis quelques années sur l’hypothalamus, qui est en fait la région où le cerveau dialogue avec le reste de l’organisme. Et nous avons identifié un certain nombre de neurones importants pour la perte de poids dans la maladie. Dès lors, on essaye de comprendre comment on pourrait manipuler ces neurones pour ralentir la perte de poids, avec l’idée qu’en y parvenant on va aussi améliorer la survie des patients.

C’est sur cette troisième partie que nous avons bénéficié du soutien de la Fondation Bettencourt Schueller, pour pouvoir acquérir un magnifique microscope qui sert à notre équipe mais aussi aux autres équipes du laboratoire. C’est dans ce cadre-là, avec ce projet sur la perte de poids dans la maladie de Charcot, que j’ai été lauréat de la Fondation Bettencourt Schueller.

Pour résumer l’activité de notre laboratoire, la première partie consiste à comprendre la génétique. La deuxième partie vise à comprendre, une fois que les gènes sont identifiés, pourquoi la mutation provoque la maladie et comment on peut en corriger les effets. La troisième partie a pour but, tout en mettant à profit l’ensemble de notre travail, de comprendre de manière plus globale l’origine des symptômes de la maladie.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Je suis toujours très surpris qu’en France la sclérose latérale amyotrophique soit aussi peu connue. C’est très français car aux États-Unis et en Angleterre il y a une grande connaissance de cette maladie. Probablement parce que des personnes célèbres en sont décédées.

Si j’ai un message à faire passer, c’est que la SLA, également appelée maladie de Charcot, n’est pas honteuse et qu’on a besoin d’une mobilisation pour la faire connaître au grand public. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi cette maladie est moins connue que des maladies qui sont aussi fréquentes qu’elles. C’est quelque chose qui me tient à cœur. En France, on sait que des personnes ont été affectées par la SLA mais, quelque part, il n’y a pas d’implication de personnage médiatique qui permettrait une prise de conscience. Toutefois, en juin dernier, j’étais content de voir qu’une ancienne miss France, Malika Ménard, s’était impliquée en ce sens, son père étant atteint par la SLA. De même pour Clémentine Célarié, qui a découvert la maladie via un ami proche. Mais en dehors de ces deux personnes, on a un déficit d’exposition sur la SLA, dont la connaissance du grand public n’est pas en relation avec le nombre de cas qui existent et les dommages causés.

Il faut que cette maladie soit mieux connue du public, parce que plus elle le sera et plus on pourra avoir un soutien important pour la recherche et pour les patients.
Il existe d’ailleurs une super association en France qui s’appelle ARSLA ou Association pour la recherche sur la SLA.

Peut-on dire indifféremment maladie de Charcot et sclérose latérale amyotrophique (SLA) ?

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est le nom scientifique de la maladie de Charcot, c’est comme cela qu’on la désigne officiellement, même si les deux appellations sont possibles.
Après, cela contribue peut-être à la méconnaissance de cette maladie en France : la maladie de Charcot se réfère à deux maladies : la maladie de Charcot mais aussi la maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT), du nom des trois médecins qui l’ont découverte. Cette dernière est une maladie génétique sensorimotrice, très différente et beaucoup plus rare que la SLA.

Propos recueillis par Caroline Madeuf

En photo : Luc Dupuis © Jean Picon pour la Fondation Bettencourt Schueller

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