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Secteur protégé : Réflexion sur l’avenir des EA

Wenceslas Baudrillart secteur protégé
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Entreprises Adaptées, quel sera leur sort pour les prochaines années ? Quid du secteur protégé ?  

Le secteur protégé était aussi au cœur des débats de la concertation gouvernementale pour améliorer l’emploi des personnes handicapées. Quels étaient les enjeux et les propositions faites à ce secteur économique ?

Les Entreprises Adaptées se posent beaucoup de questions sur leur devenir. Certes le nombre d’aides au poste supplémentaires prévues par le projet de loi de finances 2018 augmente de 1000 et un contrat de développement 2017-2021 prévoit le financement de 5000 aides supplémentaires. Un programme qui doit permettre de passer la barre des 24000 aides dès 2018. Le problème c’est que « en même temps » le montant de l’aide au poste va baisser de 4% à 6%, en raison d’une révision du financement de cette dernière. Ainsi, l’enveloppe des aides au poste déjà existantes sera réduite de ce pourcentage.

Par ailleurs, la subvention spécifique, qui finance entre autres le « suivi social à l’accompagnement et à la formation spécifique de la personne handicapée » va passer de 41 à 33 millions d’euros moins 18%  Une situation dénoncée par l’Union Nationale des Entreprises Adaptées : « Ce budget est véritablement en trompe l’œil (…) Cette situation est intolérable : une telle baisse conduira à la faillite de nombreuses entreprises adaptées. »

Aujourd’hui, la concertation sur la réforme de l’emploi des personnes handicapées et par la-même des conditions de sous-traitance des entreprises adaptées et du secteur protégé, ajoute de l’huile sur le feu. Wenceslas Baudrillart, président de l’Entreprise Adaptée AIA, ancien conseiller social du Premier ministre et de Marie-Arlette Carlotti, ex-ministre déléguée aux personnes handicapées, partage avec nous les inquiétudes sur l’avenir des EA.

Qu’est-ce qui inquiète aujourd’hui les EA et le secteur protégé dans le cadre de cette concertation ?
Vous mentionnez la baisse dramatique de la subvention spécifique qui n’avait pratiquement pas bougé depuis 2005. Cette baisse veut dire que les Direccte n’auront plus un € pour les aides à projet ni pour le soutien des EA en difficulté. Ce que nous vivons nous incite à la plus grande vigilance. Tous ceux qui sont investis dans l’emploi des personnes handicapées sont aujourd’hui inquiets. Quand Sophie Cluzel annonce sa concertation, les associations sont tout simplement ignorées. Certains présidents d’associations telles que la FNATH ont eu des réactions très violentes : ils n’acceptent pas qu’on parle du sort des personnes handicapées par-dessus leurs têtes : n’étaient conviés que les seuls partenaires sociaux au sens du ministère du travail pour qui les personnes handicapées ne sont pas la priorité. On le comprend : ils ont la charge de 3.400.000 entreprises, 25 millions de salariés, 5 millions de chômeurs. Sous Hollande, une concertation sociale avait eu lieu et m’avait amené à rencontrer ces partenaires sociaux, chacun m’ayant dit que le handicap n’était pas une priorité pour lui et qu’une concertation spécialement dédiée à ce thème était exclue – ce que le gouvernement de l’époque n’a pas relevé. Devant nos réactions, Sophie Cluzel a admis – admirez l’ampleur de la concession ! – que le CNCPH participe avec seulement TROIS représentants et uniquement aux sessions d’ouverture et de clôture ! Après protestations, des réunions d’analyses se feront quand même au CNCPH. Il sera donc difficile de faire entendre nos attentes !!

Quelles directions prennent les concertations ?
Apparemment l’idée de Muriel Pénicaud et de Sophie Cluzel, est d’insérer dans la loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) des dispositions favorisant l’emploi des personnes handicapées, comme dans la réforme de la formation professionnelle et de l’indemnisation du chômage. Il n’est pas question de refaire la loi de 2005.

Selon vous, à quelles nouvelles dispositions la concertation devrait-elle aboutir ?
J’ai une position très claire sur l’obligation l’emploi des personnes handicapées. Elle ne doit pas servir à employer des personnes handicapées mais à employer des personnes handicapées dont le handicap représente une difficulté dans la pratique professionnelle. Quantité de handicaps sont sans conséquence professionnelle et personne dans le monde du travail ne les perçoit comme gêne à la productivité. Donc faut-il que l’obligation d’emploi serve uniquement à embaucher des personnes handicapées dans l’entreprise ? Ou faut-il concentrer l’effort d’insertion par les entreprises et de soutien par les pouvoirs publics sur les personnes qui sans ces soutiens ne parviendraient pas à l’emploi ? Aujourd’hui nombre d’entreprises poussent les salariés porteurs d’un handicap qui travaillent sans problème depuis des années à faire reconnaître ce handicap. Certes, avec l’âge la prévalence des handicaps augmente, mais ces personnes continuent à travailler, n’ont pas plus d’absentéisme que les autres et pas de besoin d’adaptation. Si un handicap reste invisible pendant 20 ans de vie professionnelle c’est qu’il n’a pas de conséquence sur le travail. Certaines entreprises sont allées jusqu’à donner sans s’en vanter une prime à ceux de leurs salariés qui présentaient une RQTH ! Mais cette vision n’est pas abordée dans les perspectives de la concertation. Je pense évidemment que la RQTH doit être attribuée à toute personne qui présente un handicap et qui a les capacités et le souhait de travailler. Mais c’est une autre chose que d’être comptée au titre de l’obligation d’emploi. Je pense que c’est à la médecine du travail de dire si cette personne doit-être ou non comptabilisée au titre des 6%.

Si nous revenons aux EA et au secteur protégé, quels sont les enjeux ?
N’oublions pas les formules de Mme Pénicaud à l’Assemblée : les EA comme obstacle à l’emploi ordinaire. Propos immédiatement traduit dans la loi de finances avec la diminution drastique de la subvention spécifique. Rappelons que nos salariés ont une moyenne d’âge de plus de 50 ans, un niveau pour 90% d’entre eux inférieur ou égal au CAP. L’enjeu pour nous est de continuer à faire travailler et à verser un salaire correct à ces personnes exclues par leur handicap, par leur âge, par leur qualification. Nous voulons donc que notre statut d’entreprise ordinaire soit confirmé, que les aides au poste promises soient effectivement disponibles, que la subvention spécifique soutienne le surencadrement et le suramortissement que nécessite cette main d’œuvre à l’efficacité professionnelle diminuée. Que cela passe par des Unités bénéficiaires pour nos donneurs d’ordre ou par une réduction de leur contribution n’a pas beaucoup d’importance. Ce qui importe c’est que nous puissions continuer à sortir du chômage de longue durée ces personnes triplement défavorisées.  Et nous demandons que soit sévèrement réprimée la pratique de l’achat de fournitures de bureau qui nourrissent des intermédiaires douteux. Nous voulons que l’emploi de nos salariés du secteur protégé soit considéré comme de l’emploi direct, de même que pour les ESAT que rien aujourd’hui ne saurait remplacer.

La commission du CNCPH est-elle positive sur ces réformes ?
Pour la commission, il s’agissait surtout de se faire représenter à la concertation et le choix des trois représentants a été fait avec la volonté d’assurer la complémentarité de leurs écoutes pour qu’elles puissent rendre compte au CNCPH des débats et des orientations qui s’amorceront. Nous avons choisi un représentant d’une grande association, une personne handicapée et une personne qualifiée qui a une grande expérience dans une entreprise aux réalisations remarquables dans l’emploi des travailleurs handicapés.  

À la suite de la concertation qui doit se terminer fin avril, que doit-il se passer ?
Certains aspects se retrouveront dans la rédaction du projet initial de la loi PACTE, ou seront introduits en cours de route dans le débat parlementaire par voie d’amendement. Les nouvelles mesures devraient donc être validées d’ici la fin du premier semestre. A nous de savoir agir efficacement auprès des parlementaires pour faire passer ce que les ministres n’auront pas voulu entendre.

En photo : Wenceslas Baudrillart.

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