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Sport et citoyenneté : “Les différentes offres doivent être complémentaires”

Sylvain Landa, directeur éditorial du Think tank Sport et Citoyenneté : "Faire en sorte que chacun puisse trouver l'offre qui lui convient"
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Sylvain Landa, directeur éditorial de Sport et Citoyenneté : « Faire en sorte que chacun puisse trouver l’offre qui lui convient »

Depuis 2007, le Think tank Sport et Citoyenneté analyse l’impact sociétal du sport dans les différents pays d’Europe, tout en organisant régulièrement des actions pour sensibiliser et faire avancer les débats. Nous nous sommes entretenus avec Sylvain Landa, son directeur éditorial.

– Le Think tank Sport et Citoyenneté, qu’est-ce que c’est ?
C’est un groupe de réflexion sur les questions de sport et de société au sens large qui a été créé en 2007 à Bruxelles. On essaie d’étudier, d’analyser et de promouvoir la place du sport dans la société, et aussi de voir comment le sport peut être un outil pour avancer dans de nombreux domaines, comme par exemple les questions de santé publique.  
Notre positionnement consiste à faire des propositions, des recommandations, et à mettre en avant des idées, que ce soit au niveau local, national ou européen pour participer à la construction des politiques publiques. Pour cela, nous menons différentes actions, à la fois à travers des supports écrits (publications et rapports que l’on fait soit de notre propre initiative, soit en lien avec des partenaires) et des événements comme des colloques ou des conférences que nous organisons autour de différentes questions.

– Vous avez justement organisé un important colloque en début d’année…
Tout à fait. Le 27 mars dernier, nous avons organisé un événement sur la question « Sport et handicap » en partenariat avec l’Anestaps, l’association des étudiants en Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), qui organisait elle-même sa journée nationale Sport et handicap. À cette occasion, des animations étaient organisées dans plus de 20 villes différentes, avec des démonstrations d’activités sportives et des temps d’échanges.

Nous nous sommes associés à l’édition parisienne. Ainsi, le matin, en amont des animations organisées place de la République à Paris, nous avons organisé, à la mairie du 3e arrondissement de Paris, un colloque lors duquel nous avons pu réunir les principaux acteurs pour les interroger sur le développement des pratiques d’activités physiques et sportives pour les personnes en situation de handicap. L’objectif était de débattre et de trouver des solutions pour encourager les pratiques para-sportives, au niveau des fédérations sportives mais aussi au niveau de la société dans son ensemble. Nous avons abordé le sujet sous deux angles principaux :
– Comment favoriser la pratique encadrée par les fédérations (Fédération handisport, Fédération Sport adapté, mais aussi les fédérations qui ont une délégation sport-handicap) ;
– Comment faciliter la pratique d’une activité physique ou sportive de proximité, pas forcément dans un club handisport ou sport adapté, mais de manière quotidienne… Et dans ce cadre comment faire en sorte que les villes et les entreprises s’associent à cela, et que les réseaux sociaux servent d’outils de mise en relation entre les pratiquants.
Le Ministère des sports, qui préparait alors sa feuille de route pour les années à venir, était également associé à l’événement avec plusieurs de ses membres qui ont participé.

– Dans quelle mesure le handicap entre-t-il dans votre champ de compétences ?
Depuis la création de Sport et Citoyenneté en 2007, la question du sport et du handicap a toujours été l’un des sujets centraux sur lesquels nous travaillons. C’est un domaine que l’on étudie dans la durée. S’il y avait un objectif global de Sport et Citoyenneté, ce serait de trouver comment renforcer la place du sport dans la société et faire en sorte que chacun puisse pratiquer le sport qu’il souhaite, où il le souhaite, et dans les conditions qui lui conviennent le mieux.
Et on sait que les personnes en situation de handicap font partie des publics qui sont souvent un peu plus éloignés de la pratique sportive. Ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est de comprendre quels sont les freins et voir comment on pourrait agir pour faciliter leur pratique. Plusieurs idées sont déjà ressorties, mais plus globalement c’est un message général que nous souhaitons faire passer : faire du sport, c’est recommandé pour tout le monde… et faire du sport avec un handicap, c’est possible, il y a beaucoup de choses qui sont proposées. Maintenant à chacun de faire en sorte que les informations parviennent aux principaux concernés et à leur entourage, et aux acteurs qui sont en contact avec ces publics.

– Selon vous, quel état des lieux peut-on faire aujourd’hui sur la thématique sport et handicap en France ? Constatez-vous une évolution positive ?
Il est difficile de faire un état des lieux chiffré car si on prend en compte le nombre de licenciés à la Fédération Handisport et à la Fédération Sport Adapté, cela ne représente qu’une partie des pratiquants licenciés. Et c’est justement l’un des premiers points d’évolution : Une grande partie des fédérations classiques ont pris la délégation handisport et/ou sport adapté et ont donc des personnes en situation de handicap parmi leurs licenciés. Par exemple, la Fédération de Canoë Kayak propose aujourd’hui la pratique du para canoë pour ceux qui le souhaitent. Ce ne sont plus seulement les clubs handisport ou sport adapté qui proposent des offres d’activité tournées vers les publics en situation de handicap. On observe ce changement depuis quelques années et je trouve que c’est une bonne chose car cela permet d’élargir l’offre proposée. L’objectif à présent est de faire en sorte que ces offres soient complémentaires. Il ne faut pas opposer l’offre des Fédérations Handisport et Sport Adapté aux offres traditionnelles, car il n’y a pas de « personne en situation de handicap type ». Chaque personne a ses inspirations, ses envies, ses capacités et ses motivations pour faire du sport, et c’est vrai pour tous les publics. Donc plus on a une offre plurielle et de proximité, et mieux c’est. Ensuite certains seront plus à l’aise dans un club handisport et d’autres dans un club classique près de chez eux.

Cela étant, pour revenir à l’état des lieux, nous identifions un certain nombre de freins qui restent présents. La question de l’accessibilité des infrastructures, les bâtiments, mais aussi toute la chaîne de déplacement pour y parvenir, continue à poser problème.
La question de l’encadrement ne doit pas être négligée non plus. Selon chaque type de handicap, pratiquer un sport nécessite souvent d’avoir auprès de soi des éducateurs formés pour cela, capables d’orienter, et d’adapter la pratique aux besoins de chacun tout en prenant en compte ses objectifs (loisirs, compétition, performance, dépense d’énergie…). Cela peut aussi être un frein mais en tout cas c’est un point très important à prendre en compte.

Concernant la pratique libre, je pense qu’il y a aussi un lien à créer ou à renforcer entre les établissements qui accueillent des personnes en situation de handicap et les professionnels – éducateurs spécialisés ou membres de clubs sportifs. Donner aux personnes en situation de handicap les moyens de pouvoir pratiquer sur les lieux d’accueil et d’hébergement peut permettre aussi de déplacer et de construire des projets, soit pédagogiques, soit d’établissements. C’est un point d’amélioration possible pour que l’on lève un petit peu le frein de l’accessibilité. On sait que le fait d’intégrer davantage le sport et l’activité physique dans le quotidien des individus a des répercussions bénéfiques pour la santé. C’est d’ailleurs vrai pour les personnes en situation de handicap comme pour les personnes qui sont en pleine santé.

– Votre rôle consiste à promouvoir le sport comme outil de cohésion et d’intégration : sur ce plan pouvez-vous nous parler des bénéfices potentiels du sport pour les personnes en situation de handicap ?
Sur le plan de la santé, nous sommes tous à peu près convaincus que pratiquer une activité physique est bon pour la santé. De nombreuses études au niveau national et international documentent très bien ces bénéfices. Cela va de la prévention des pathologies (prévention primaire) à l’aide à la guérison quand la pathologie est déclarée ou pendant la rémission.
Il y a aussi un aspect bien-être : quand on fait du sport on se vide la tête, on dégage aussi physiologiquement des hormones qui font que l’on se sent mieux, ce qui peut aussi être un soutien précieux lors de maladies psychiques notamment.
Ces bénéfices sont à promouvoir, bien sûr dans une pratique qui soit adaptée à chacun, sécurisée et progressive, d’autant plus quand il y a un handicap. De même, et c’est déjà la norme dans chaque club sportif, on n’effectue pas la même charge de travail si l’on cherche à performer ou à obtenir des médailles au niveau régional ou national, ou si l’on vise juste le bien-être.

L’aspect relationnel occupe également une place importante. La pratique d’un sport permet de se retrouver avec des personnes qui partagent un même centre d’intérêt, de pouvoir parler différemment, décompresser… Dans le handisport, les sportifs ont parfois envie de se retrouver entre pairs, pour parler des situations communes qu’ils vivent et se soutenir. Ce lien social que le club sportif incarne peut être vraiment important dans le quotidien.

Je pense qu’il y a un troisième bénéfice plus particulièrement pour les personnes en situation de handicap mental ou psychique : on peut trouver dans le sport un sentiment d’accomplissement personnel, par exemple quand on se rend compte que l’on est capable de faire telle ou telle chose. Le côté ludique est aussi important, on s’amuse, on joue, et là-dessus on oublie les soucis. Là aussi c’est un levier intéressant, notamment dans les établissements, et plusieurs témoignages l’ont illustré. Quand on propose une activité ludo-sportive dans un établissement, il y a quelque chose qui se passe et on voit les individus sous un angle différent : certains se renferment, d’autres s’épanouissent davantage. Cela les fait sortir du quotidien et les place dans un environnement différent.

– Si l’on reprend les termes « Sport et Citoyenneté », cela sous-entend aussi que le sport peut être une manière de participer davantage à la citoyenneté…
Effectivement et c’est aussi un point important. Le sport peut permettre de faire des ponts entre des domaines, des acteurs et des structures qui travaillent en parallèle. Le club de sport est aussi un lieu de vie dans un territoire. Cela peut permettre par exemple que des acteurs du milieu du sport et du milieu de la santé construisent des projets ensemble et les mènent à bien. Nous en avons d’ailleurs de nombreuses illustrations, notamment des clubs de sport qui travaillent avec des établissements auprès de jeunes publics, dans la découverte et l’initiation, la relation à l’autre. Par exemple, nous sommes en contact avec un club de rugby situé dans l’Ouest de la France qui travaille avec un établissement où sont hébergés des jeunes en situation de handicap. À travers la pratique du rugby, ces enfants vivent beaucoup de choses et partagent des projets… et justement, depuis la mise en place de cette activité, les parents les trouvent plus apaisés et voient leur relation à l’autre évoluer.

– Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Je souhaiterais simplement insister sur le fait qu’il y a beaucoup d’offres disponibles en matière de sport et de handicap, et qu’il faut vraiment les voir comme complémentaires entre elles. C’est comme cela que l’on pourra faire en sorte que chacun puisse trouver dans l’offre qu’il souhaite ce qu’il vient chercher. Qu’il s’agisse des clubs handisport, des clubs de sport adapté, des fédérations qui développent de nouvelles offres… toutes ces possibilités ont leur place et c’est en proposant cette pluralité que l’on permettra à chacun de trouver sa place et de tirer les meilleurs bénéfices de cette pratique.

Dans ce sens je pense qu’il faut aussi travailler sur l’information et agir pour que l’offre qui existe, notamment au niveau local, soit connue par les personnes en situation de handicap, leur entourage et par les acteurs qui les entoure. Rendre accessible ces informations fait aussi partie de l’accessibilité. Aujourd’hui je pense qu’il y a encore un travail important à faire sur ce plan de l’information et de la mise en réseau des acteurs – sportifs mais aussi médico-sociaux – pour qu’ils puissent orienter les pratiquants vers les bonnes personnes et les bonnes structures. Lors de notre colloque du 27 mars, un médecin a apporté un témoignage intéressant dans cette optique : elle racontait qu’elle n’avait pas forcément conscience de toute l’offre disponible autour d’elle, et que de fait elle ne savait pas comment orienter facilement les personnes qu’elle suivait au quotidien et qui désiraient faire du sport de manière plus encadrée et régulière. La réflexion pourrait aussi être poussée jusqu’aux MDPH ou aux autres structures de référence au niveau local pour créer plus de réseaux.

En photo : Sylvain Landa, directeur éditorial du Think tank Sport et Citoyenneté © Sport et citoyenneté

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