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Thales : “Nous ne jouons plus avec le taux d’emploi, nous agissons”

Gérard Lefranc, directeur de la mission handicap de Thales
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Gérard Lefranc, directeur de la mission handicap de Thales : Nous ne « jouons » plus avec le taux d’emploi, nous « agissons » pour l’emploi !

Les décrets qui ont été publiés le 28 mai dernier et l’offre de services qui est en cours de réforme répondent à un objectif précis, celui de favoriser l’emploi direct et l’accès à l’apprentissage et à la formation. La finalité est d’assurer l’accès des personnes en situation de handicap aux entreprises ordinaires avec un contrat de travail. Gérard Lefranc, Directeur de la mission handicap de Thales, et très impliqué dans les phases de consultation, explique ici ce que les décrets vont permettre de faire évoluer.     

Quelles répercussions les décrets du 28 mai vont-elles avoir chez Thales ?
Cela ne va pas être une révolution, car presque tout ce qui compose les décrets était déjà mis en œuvre dans notre politique handicap. Pour favoriser l’emploi et le maintien dans l’emploi, il faut favoriser la formation, les relations et les conventions avec l’Éducation nationale et l’enseignement supérieur, mais aussi avec les Centres de Rééducation Professionnels, et renforcer l’accessibilité des Centres de Formation et d’Apprentissage (CFA. C’est ce que nous faisons depuis des années. Les régions et les bassins d’emploi sont le terrain de déploiement de politique qui s’est illustrée chez Thales par les conventions « Atout pour tous », les conventions avec la Fagerh (qui fédère les centres de reconversion), la montée en compétences des CRP, les bourses d’étude, les mesures pour accueillir plus d’alternants… mais tout cela ne peut se faire sans un accompagnement au plus près des personnes en situation de handicap. Les décrets nous confortent dans notre politique et nous invitent à renforcer encore ces mesures d’accessibilité universelle des Centres de Formation et d’Apprentissage pour développer l’accueil des personnes handicapées, en partenariat avec les entreprises présentes physiquement sur les bassins d’emploi.  Il n’est plus admissible de rencontrer des jeunes en situation de handicap qui ont « trouvé » un CFA et ne « trouvent pas » d’entreprise pour effectuer leur formation, ou qui ont « trouvé » une entreprise et pas de CFA. Autre cas de figure : le CFA n’est pas accessible ou sa pédagogie n’est pas adaptée… C’est une situation malsaine à laquelle il faut mettre fin.
La solution passe certainement  par un vaste « plan apprentissage », ce qui signifie également une mobilisation sur l’accessibilité des modules de formation. Dans le cadre d’un groupe de travail que j’anime sur le sujet, nous avons déterminé, en nous inspirant de dispositifs mis en place dans certaines régions,  une vingtaine d’exigences  à respecter par un CFA se qualifiant  « d’handi-accueillant ». Ces exigences portent à la fois sur l’organisation et la gouvernance du CFA mais aussi sur les mesures d’accompagnement et de suivi des jeunes en situation de handicap dans lesquelles le partenariat CFA/ entreprises est central. À partir du moment où les CFA sont accessibles, où les personnes en situation de handicap peuvent choisir leur formation et où les entreprises qui souhaitent développer leur emploi direct savent qu’elles vont y trouver les bons candidats, nous avons alors créé un cercle vertueux. C’est ce qui manque aujourd’hui.

Comment généraliser un tel dispositif ?  
Tout d’abord l’abondement au Compte Personnel de Formation mis en place dans le cadre de la loi  qui est de 500 euros par an pour une personne ordinaire est de 800 euros pour une personne en situation de handicap devrait permettre aux personne handicapées un meilleur accès aux formations dont elles ont besoin et aux CFA face à cette demande de s’engager plus en avant vers une offre adaptée. Mais le plus important c’est bien sûr de former la personne aux besoins du bassin d’emploi et pour cela il faut un plan volontaire, avec un pilotage région par région directement avec les entreprises, mais aussi avec le service public de l’emploi, et que tous s’engagent aux côtés de l’État et des Régions. La mise en œuvre d’un tel dispositif passe par la mise en accessibilité universelle des CFA, la formation de leur personnel et surtout par la formation du référent handicap.

L’un des principaux intérêts de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » est justement de faire le lien entre la formation et l’emploi, donc entre les entreprises et les CFA. Aujourd’hui nous sommes face à des personnes handicapées qui veulent travailler, et si possible sans perdre de ressources. Nous savons très bien que la formation et l’apprentissage sont des voies privilégiées d’emploi direct. En développant la voie de l’accessibilité universelle, les CFA auront plus de moyens et les personnes handicapées plus d’opportunités de trouver une formation en cohérence  avec leur projet professionnel.
La force des décrets c’est justement d’inciter les différents acteurs à mettre en œuvre cet écosystème vertueux. Cela passe par la limitation dans le temps des accords agréés invitant les entreprises à mettre rapidement en place une politique globale, l’accentuation de l’emploi direct, mais aussi en reconsidérant  le partenariat avec le secteur protégé qui devient un tremplin vers l’emploi direct. Les EA et les ESAT assurant le rôle d’organismes de formation et d’accompagnement contribuant ainsi à l’augmentation du niveau des compétences et donc l’emploi direct.

Existera-t-il un outil de suivi du parcours professionnel de la personne ?
Il est effectivement nécessaire de mettre en place un suivi et non pas un pistage car le parcours est souvent discontinu. Pour répondre à cela, la plateforme qui va être mise en place par la Caisse des Dépôts et la CNSA sera ouverte aux entreprises comme à toutes les personnes concernées. Elle va mettre à disposition les informations qui vont pallier au manque de données sur les carences de ces parcours. C’est pour les personnes en situation de handicap, comme pour les entreprises, indispensable de toujours savoir où elles en sont pour solliciter ou mettre en œuvre les mesures nécessaires. Je considère qu’il est très important que cette plateforme prenne vie car elle va libérer des initiatives. Elle offrira la possibilité aux personnes en recherche d’emploi de trouver des orientations en fonction de leurs besoins. Les grands domaines de cette plateforme se décomposent comme suit, un premier jalon concerne l’emploi et la formation et sera aussi utile aux employeurs comme aux personnes elles-mêmes. Un deuxième jalon portera sur l’interconnexion des différentes plateformes liées à l’emploi afin d’assurer la personnalisation de la relation aux personnes handicapées comme aux employeurs. Le troisième jalon porte sur l’amplification des services apportés en complément et la possibilité pour la personne de gérer l’ensemble de son parcours de vie. Les autres thématiques porteront entre autres sur la découverte du handicap, la santé, la formation, le travail, la retraite, le grand âge…Cette plateforme devrait être opérationnelle au dernier trimestre 2020. C’est la Caisse des Dépôts qui porte ce projet car elle a le savoir-faire, les ressources humaines, la technologie et la capacité d’assurer la confidentialité des données personnelles.

 En résumé, les décrets sont l’illustration de cette volonté et de ces projets qui vont tous dans le sens de l’emploi direct.

Que dire du secteur protégé ?
C’est un domaine important mais là aussi l’ESAT ou l’EA s’inscrit dans une démarche de fournisseur de services pour la personne en situation de handicap comme pour l’employeur. La volonté des associations et l’esprit de la loi est de faire en sorte que dans un territoire donné, des ESAT, des Entreprises Adaptées et des entreprises locales se mettent ensemble avec la volonté affirmée de travailler de concert. L’objectif est, par exemple au travers de dispositifs expérimentaux tels que le CDD tremplin,  de réussir à accompagner les personnes vers l’emploi direct pérenne en s’appuyant sur les possibilités offertes par la réforme législative. Thales mène cette politique depuis un certain nombre d’années avec succès. Aujourd’hui la loi permet de passer d’un fonctionnement cloisonné où chacun ne pouvait  que  porter son point de vue à un mode de travail partagé soutenu par une vision globale et une politique globalisante concernant la formation et l’emploi. Trop longtemps la personne handicapée a été mise à côté d’un système centré sur le fonctionnement de structures en oubliant le principal objectif qui est la personne en situation de handicap.

Avec cette réforme, nous ne sommes plus en train de « jouer »  avec le taux d’emploi mais nous « agissons » pour l’emploi tout simplement.
Cela implique également d’assurer la professionnalisation des « référents handicap » qui restent encore trop souvent démunis face à leur mission. Ainsi chez Thales, je travaille avec 50 référents handicap  et pour ces personnes, je mets actuellement en place pour l’ensemble de nos référents handicap en partenariat avec l’Université Paris Est Créteil (UPEC) un Diplôme Universitaire « référent handicap » en interne. Il y aura deux voix possibles, celle qui donne un diplôme bac+5 et pour ceux qui ne souhaitent pas faire de mémoire, une certification universitaire. Être référent handicap cela s’apprend, c’est aujourd’hui un véritable métier avec des exigences précises qui se situent à des niveaux élevés tels que bac + 5 ou équivalent. Je considère vraiment qu’une formation d’un jour ou deux n’est pas à la hauteur de l’enjeu actuel !  Agir pour l’emploi passe par la mise en place dans l’entreprise d’une politique globale faisant du handicap l’affaire de tous. Il est dans les missions du référent handicap d’engager l’entreprise dans une démarche qualité d’amélioration continue, la voie ouverte par la mise en place d’un « label handicap » s’appuyant sur des exigences rigoureuses dans le cadre d’une démarche d’auto certification doit être approfondie.

En photo : Gérard Lefranc, directeur de la mission handicap de Thales © Thales

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