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Un candidat en recherche d’emploi : Simon Marie

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Nous donnons régulièrement la parole à des candidats en recherche d’emploi qui composent avec leur situation de handicap. C’est l’occasion de faire connaître leur profil auprès des entreprises qui seraient en phase de recrutement, mais aussi d’avoir un regard sur ce qu’il se passe de l’autre côté du miroir, afin de mieux identifier les difficultés rencontrées au quotidien par les candidats.
Aujourd’hui, nous vous proposons le témoignage de Simon Marie, 42 ans, diagnostiqué autiste Asperger, en recherche d’emploi dans le secteur de l’insertion professionnelle, de la gestion de projets et de l’économie solidaire.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours scolaire et professionnel ?
J’ai eu un parcours scolaire et universitaire « normal », même si le milieu scolaire me rendait très anxieux, quitte à me mettre parfois en échec. Mes troubles autistiques ont été diagnostiqués bien plus tard, à l’âge adulte, il y a environ un an. J’ai finalement appris à apprendre par moi-même, en utilisant les livres et ma mémoire. Je suis titulaire d’un Bac +5, un master en sciences économiques et gestion.
Après avoir eu mon bachelor, j’ai commencé à travailler en tant que cadre dans le secteur des télécoms en 1999. Ma personnalité « atypique » m’a ouvert certaines portes. À l’époque j’avais une DRH assez ouverte, qui peut-être avait vu mes différences avant moi, et qui m’a proposé de travailler sur des « projets spéciaux ». C’était en fait des projets faits sur-mesure pour des entreprises clientes, tandis que les autres salariés suivaient le cadre.
Je suis resté deux ans à ce poste, puis j’ai décidé de créer ma propre entreprise d’optimisation des coûts de télécoms. C’était un projet très ambitieux sur lequel je travaillais avec des ingénieurs. Nous avions mis au point une plateforme qui permettait de calculer des économies à réaliser et de router les appels des entreprises vers les opérateurs aux meilleurs coûts. Cela a duré un an et demi.
Ensuite j’ai à nouveau travaillé comme cadre dans le domaine des télécoms. Ma mission consistait à vendre des minutes de téléphone en gros à des téléboutiques qui proposent des appels internationaux. C’était un marché émergent et en même temps très rentable avec des sommes colossales en jeu. J’ai également organisé la mise en place du prépaiement dans cette entreprise, ce qui a permis d’éliminer les impayés et de réaliser des économies.

Chacune de mes missions s’est donc toujours très bien déroulée et j’étais compétent pour chacun de ces postes. La difficulté par contre, c’est que comme beaucoup de personnes autistes Asperger, je ne suis pas à l’aise avec les interactions sociales, notamment lorsque je me retrouve confrontée à une mission en lien avec les autres, ou qui nécessite des échanges commerciaux. Je me débrouille très bien derrière un téléphone et un ordinateur, mais dès lors qu’il y a quelqu’un en face de moi, tout devient plus difficile. C’est pour cela que par la suite j’ai travaillé pendant plusieurs années pour des entreprises étrangères, toujours dans le domaine des télécoms et de la finance, mais à distance depuis mon domicile.

Vous avez ensuite décidé de changer de cap…
Oui, en 2015, j’ai eu une prise de conscience : l’argent, la finance, le business… ce monde ne répondait pas à mes valeurs. D’une part je voyais des sommes indécentes passer devant moi. D’autre part, cela ne collait pas non plus avec ma personnalité. Mon handicap fait que j’ai du mal à aller vers les autres et à nouer des relations « normales » avec les gens que je côtoie. Et dans le monde de la finance, il est très important de se montrer vigilant pour savoir distinguer les personnes honnêtes des personnes sans scrupules… ce que je ne sais pas toujours discerner.

J’ai donc pris un virage. J’ai créé ma propre société : « Smaco », à travers laquelle je propose du conseil et de l’accompagnement aux créateurs d’entreprises. J’ai ensuite eu, en 2017, une expérience de quelques mois en tant que conseiller en micro-crédit. Tout se passait bien à mon sens, mais j’ai finalement été licencié pour motif que j’étais « différent des autres » et que je n’entrais pas « dans le moule ». J’ai vécu cela comme une injustice. À ce moment-là, je n’avais pas encore de diagnostic, ni de RQTH, mais je l’ai tout de même ressenti comme une vraie discrimination, d’autant plus que rien auparavant n’avait été critiqué dans mon travail.
C’est aussi pour cela que j’ai créé, début 2018, l’association « Collectif atypique », à travers laquelle je propose une écoute et un soutien à toutes les personnes qui se sentent en difficulté du fait d’une personnalité atypique, qu’ils aient ou non reçu un diagnostic. Le soutien peut porter sur la recherche d’emploi mais aussi sur des champs beaucoup plus larges : recherche du bon interlocuteur pour un problème déterminé, errement médical par rapport à une recherche de diagnostic… et tout ce qui concerne le mieux-être et l’inclusion. Toutes les personnes qui le souhaitent peuvent contacter l’association via sa page Facebook « Collectif atypique » et son site internet : www.c-atypique.org

Parlez-nous de votre recherche d’emploi. Dans quel secteur souhaiteriez-vous travailler aujourd’hui ?
Je m’intéresse à tout ce qui est en relation avec la gestion de projets, l’organisation, la gestion de l’emploi, les ressources humaines, la stratégie opérationnelle.
Je crois beaucoup à l’insertion par l’activité économique, c’est donc aussi un secteur qui m’intéresse. Je pense que l’on arrive aujourd’hui à une époque où si l’on veut trouver un emploi il faut parfois le créer soi-même, ce qui sera peut-être aussi mon cas. Du coup j’aimerais trouver une structure qui me permette d’agir dans le secteur de l’insertion professionnelle, en tant que salarié ou indépendant. Ce pourrait être un réseau d’accompagnement à la création d’entreprise, une chambre de commerce, un cabinet d’expertise comptable, une entreprise dans une dynamique d’économie sociale et solidaire (ESS), ou justement un poste de chargé de projet ESS.

Avez-vous besoin d’adaptations particulières ?
Je n’ai pas besoin d’adaptations spécifiques. Je suis plus à l’aise derrière un téléphone et un ordinateur mais je ne recherche pas forcément un poste en télétravail, ou alors seulement certains jours, car je pense que c’est quand même bien d’avoir un pied dans l’entreprise. Par contre j’ai du mal à travailler en open space, c’est quelque chose qui m’épuise, tout comme manger à la cantine avec du monde autour de moi.

La RQTH vous a-t-elle déjà aidé dans votre recherche d’emploi ?
Non. Je ne la mets pas en avant. S’il y avait réellement un avantage compétitif à embaucher une personne ayant la RQTH, ça vaudrait le coup de l’indiquer, mais là j’estime que ce n’est pas le cas. Pour les personnes autistes, comme moi, c’est un pansement sur une jambe de bois. Certes, c’est une reconnaissance officielle, ça n’a pas de prix. Mais sur le plan de l’emploi, ça n’apporte pas grand-chose. Cela incite à une sorte de discrimination positive mais qui ne peut marcher que si les avantages pour l’employeur sont flagrants. Par ailleurs, l’accompagnement par le dispositif Cap emploi ne m’a pas beaucoup aidé non plus. Il n’est pas forcément pensé pour des candidats ayant des troubles autistiques, de même pour ceux qui ont des troubles psychiques. Le personnel n’est pas formé à ces problématiques.

Selon vous qu’est-ce qui pourrait permettre aux candidats en situation de handicap de trouver plus facilement du travail aujourd’hui ?
Je pense qu’il faudrait accorder de véritables avantages fiscaux et sociaux aux entreprises lorsqu’elles embauchent une personne en situation de handicap. Les avantages actuels ne sont pas suffisants.

Vous êtes recruteurs et vous souhaitez contacter ce candidat, adressez-nous un mail à l’adresse [email protected]

 

 

 

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