Le dispositif Handi-PME vient de prendre place dans le département des Hauts-de-Seine (92). Novateur et original, il est le fruit de réflexions et d’échanges menés en amont par la commission emploi du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, dans lequel Gérard Lefranc a amené sa perception de responsable de mission handicap de Thales, de ce qu’une grande entreprise pourrait apporter à des petites structures dans le cadre de l’emploi de personnes handicapées.
Comment le protocole Handi-PME a-t-il vu le jour ?
Il faut se replacer dans le contexte de la feuille de route issue du Conseil National Handicap de 2015, qui s’engage dans le renforcement de l’accompagnement territorial des PME dans leur politique d’emploi des personnes handicapées. Cela fait plus d’un an que nous y travaillons avec la DGEFP, la Direccte IDF et la Direccte des Hauts-de-Seine. Je leur ai présenté un dispositif qu’un ensemble d’entreprises avait mis en place dans le cadre de la performance industrielle mais dont nous pouvions nous inspirer. Il s’agissait dans le domaine de l’aéronautique et du spatial de la montée en compétences industrielles des PME sous-traitantes de grands groupes. Nous avions constaté que pour garantir la qualité et la pérennité des prestations de nos sous-traitants, il fallait les accompagner pour améliorer leur process industriel. Dans ce dispositif, chaque grande entreprise est responsable d’une grappe de PME et se doit d’aider à faire monter en compétences industrielles ces PME, que ce soit en termes d’organisation de la production ou de la logistique des ateliers… Des choses qu’elles n’avaient pas le temps de faire la plupart du temps. Le but était de les rendre plus performantes sur le marché et de répondre aux exigences de la profession. J’ai très rapidement été convaincu que ce modèle pouvait parfaitement s’appliquer dans le champ du handicap. J’ai donc présenté le dispositif à la DGEFP et au Ministère du travail en leur expliquant qu’au-delà du droit spécifique et du droit commun, il serait utile de travailler sur ce modèle. À partir de là, la Direccte du 92 a commencé à travailler avec des entreprises agréées de ce département, mais aussi le représentant local de la CGPME, du MEDEF, et des organisations syndicales. Nous avons essayé de bâtir un dispositif qui permettrait d’entrer dans l’accompagnement : le dispositif Handi-PME. C’est ce qui a donné la base de travail de la convention qui a été signée le 9 décembre dernier par le Préfet des Hauts-de-Seine, plusieurs entreprises, le MEDEF, la CGPME, l’Agefiph, Pôle emploi 92, les Cap emploi du 92, la CCI du 92 et les Unions syndicales départementales.
Comment les entreprises engagées ont-elles été sélectionnées ?
La Direccte a demandé aux entreprises qui avaient un accord agréé dans le 92 de faire connaître leur intérêt pour cette démarche. Thales s’est immédiatement montré intéressé. Puis il y a eu Total, Capgemini, Metro et Schneider Electric.
En quoi consiste le dispositif Handi-PME ?
Il ne s’agit pas de se substituer à l’Agefiph et ses prestations, mais d’avoir des interventions spécifiques plus ciblées, pour mieux accompagner la politique handicap des PME, en espérant que cela conduira de leur côté à la signature d’un accord handicap. Cet accompagnement couvre les axes du recrutement, du maintien dans l’emploi, de la connaissance législative, des relations avec les syndicats, l’élaboration d’un accord et puis la sous-traitance au secteur protégé. Le dispositif est très cadré, d’autant que c’est un dispositif expérimental, qui a vocation à s’étendre à d’autres départements ou régions. On envisage déjà sur Toulouse une extension pour le mois d’avril prochain.
Aujourd’hui, deux PME ont demandé une prestation auprès de Capgemini. Alors comment ça se passe ?
Les PME volontaires qui souhaitent être accompagnées par Handi-PME font une demande à la Direccte du 92. Un comité – comprenant la Direccte, l’Agefiph, la CGPME et le MEDEF – oriente, en fonction de la nature de la demande, la PME, vers un dispositif existant de l’Agefiph. Et si un complément semble nécessaire, elle l’oriente vers un grand groupe qu’elle choisira en fonction des métiers et des types de prestations qu’elle souhaite. Les prestations sont gratuites pour les PME. Les grands groupes peuvent affecter leurs prestations dans le cadre du budget de leur accord handicap à raison de 800 euros la journée. S’ensuit un contrat entre l’entreprise et la PME qui ne peut pas dépasser 5 jours au total. Le but du dispositif Handi-PME est d’apporter un complément sous forme de savoir-faire, d’expériences, de connaissances et de réseau.
Pourquoi uniquement des PME de 250 salariés et plus ?
Dans la réalité, ces entreprises se sentent démunies dans ces domaines. Mettre en place un accord handicap est pour celles-ci une réelle difficulté. Elles ont envie de faire mais ne savent pas comment s’y prendre concrètement. Certains patrons de ces PME ne connaissent pas l’Agefiph et les prestations dont ils peuvent disposer. Il faut se rendre compte de la réalité de ces entreprises.
Alors pourquoi 250 salariés minimum ?
Un rapport de la DARES a montré que les entreprises sous accord avaient un taux d’emploi de personnes handicapées qui montait sans cesse. En réponse à la volonté du Président de la République de multiplier par trois le nombre des accords d’entreprise concernant l’emploi des personnes handicapés, nous nous sommes inscrits dans cette logique, qui semble plus aisé à mettre en place dans des entreprises d’au moins 250 salariés. L’un des buts de ce dispositif est donc d’amener les PME à signer un accord. Il est écrit dans la convention départementale de partenariat que : « Les actions menées au titre de la présente convention devront s’inscrire autour des axes de partenariat suivants : Accompagner des entreprises sur leurs besoins en recrutements ; Faciliter la sécurisation des parcours professionnels des salariés travailleurs handicapés ; Développer l’accès à la formation ; Partager les bonnes pratiques de ressources humaines en faveur des travailleurs handicapés ; Partager les partenariats qui facilitent le sourcing, les dispositifs d’accompagnement en emploi et le développement des prestations réalisées par les structures du milieu protégé ; Aborder la négociation d’un accord en relation avec les partenaires sociaux ; Faciliter le maintien dans l’emploi ; Décliner un accord de groupe ou de branche ; Essaimage sur d’autres territoires ». Les prestations seront fournies gratuitement à la PME et ceci par un salarié de la grande entreprise. Aujourd’hui nous souhaitons attirer plus d’entreprises pour essaimer au niveau national.
Les PME pourront-elle suivre la mise en œuvre d’un accord ?
Oui, c’est ce que nous mettrons en place avec elles au cours de ces cinq jours d’accompagnement et ensuite l’Agefiph prendra le relais. Nous les aidons à se structurer pour gérer un accord. Le seul critère pour la PME c’est d’être volontaire pour mettre en place une politique pérenne, même si elle a déjà presque 6% de salariés handicapés.
Comment va se faire la communication auprès des PME ?
Elle va se faire au travers de la CGPME, du MEDEF, au travers des chambres consulaires, les Cap emploi et tous les dispositifs publics de l’emploi.
Y a-t-il un nombre maximum de PME qu’une entreprise peut accompagner ?
Nous n’en sommes pas là, mais pour le moment, non, il n’y a pas de maximum. Un comité de pilotage permettra de regarder et de suivre tout cela. L’entreprise est, si elle le justifie, en mesure de refuser d’accompagner telle ou telle PME. Nous sommes dans un dispositif volontaire de partenariat et non dans un dispositif contraint. La Direccte, qui centralise les candidatures, va de toute manière aider la PME à faire le choix adéquat de son partenaire.
Quel délai entre la candidature et la convention ?
Il est très court. C’est ensuite à la grande entreprise de mettre les moyens à disposition pour le faire. Mais on peut compter 1 à 5 jours pour une grande entreprise, c’est relativement facile à organiser.
À l’avenir, le dispositif Handi-PME va-t-il pouvoir s’appliquer à des PME beaucoup plus petites que 250 salariés ?
Oui, je le pense, mais il faut réfléchir car elles ne seront pas, pour la plupart, dans une logique de signature d’un accord. Avoir fait cette première étape pour les plus de 250 salariés ouvre la voie à l’étape d’après qui est pour moi l’accompagnement de regroupements de PME. On peut imaginer, sur un territoire donné, regrouper des entreprises pour qu’elles partagent leurs ressources au service d’un collectif.
Des vœux pour 2017
Place à l’innovation!
Le Comité Interministériel du Handicap a mis en place un comité composé de personnes dédiées permanentes et de personnes mises à disposition par les départements ministériels. Il me semble fondamental que le Conseil National Consultatif des personnes handicapées (CNCPH) vienne en alimenter la réflexion, car il est composé de personnalités remarquables des différentes instances du handicap : telles que l’Agefiph, le FIPHFP, des associations, des syndicats, des personnalités qualifiées ayant une vision très concrète et opérationnelle de ce qui se passe dans la société, et qui a donc la capacité faire des propositions éclairées pour l’avenir. C’est un des points de vigilance pour 2017.Je fais également le vœu que soit poursuivie la mise en place des actions définies dans la feuille de route du CNH au travers de politiques territoriales plus actives et plus concrètes sur la formation, l’accompagnement, les filières de réinsertion professionnelle, l’accès des centres de formation aux personnes handicapées. Enfin, l’un des axes majeurs dont nous devrons nous occuper collectivement est le financement de l’Agefiph et du FIPHFP. C’est une réflexion globale sur l’accompagnement financier des politiques du handicap dans le travail qu’il convient de mener !
Photo : Gérard Lefranc, responsable de la mission handicap de Thales, acteur au sein du dispositif Handi-PME.
Pour plus d’infos : http://www.medef92.fr/relais-handi-pme.html