Lutter contre l’isolement des personnes handicapées en faisant entrer la culture dans les foyers, tel est l’objectif de l’association Zicomatic. Rencontre avec Clément Dumon, son président.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire de l’association Zicomatic ?
Éducateur de formation, j’ai travaillé auprès de personnes handicapées dépendantes pendant deux ans et demi. Puis j’ai appris la guitare et j’ai joué un petit peu auprès des personnes résidant en foyer que j’accompagnais. C’est alors que j’ai constaté l’attrait de ce public pour la musique et les animations qui peuvent y être liées. J’ai créé un groupe de musique et nous avons commencé à organiser des concerts dans différentes structures d’accompagnement de personnes en situation de handicap. En 2006, nous avons structuré le groupe et monté l’association Zicomatic à La Ravoire, en Savoie. Nous nous sommes fixés comme objectif de lutter contre l’isolement des personnes handicapées en favorisant leur accès à la culture, mais aussi en faisant entrer la culture dans les foyers et structures d’accompagnement.
Quelles sont vos différentes actions et activités ?
Au départ, nos actions reposaient essentiellement sur des concerts organisés dans quelques foyers, puis de fil en aiguille l’association a évolué. Nous avons enregistré un album, puis deux, et nous donnons aujourd’hui de nombreux concerts dans toute la Savoie et Haute-Savoie. Tout l’argent récolté est offert à des structures médico-sociales, afin de leur permettre de financer des activités culturelles à destination des personnes handicapées : peinture, musique, événements sportifs…
En parallèle nous participons à l’organisation de projets dans ces mêmes structures, nous coordonnons la venue de groupes musicaux de tous les styles, en adaptant le choix au type de publics (, enfants, personnes adultes tous handicaps confondus). Ceci dit ce n’est pas limité à la musique, nous avons par exemple offert aux résidents d’une structure des places pour aller voir un match de handball, fait intervenir des clowns dans un foyer pendant quatre jours. C’est selon les envies des résidents et les idées qui se présentent. Un jour, alors que nous allions jouer dans une structure, nous avons découvert un atelier chorale qui a retenu notre attention. Nous avons proposé aux membres du groupe de faire un enregistrement, l’idée leur a plu et cela a découlé sur l’édition de 500 CD. Une très belle expérience. Et grâce aux fonds récoltés avec la vente du disque, ils ont pu aller assister à un concert de la chanteuse Louane, en s’autofinançant.
En résumé, nos actions consistent à faire entrer de la culture dans les structures médico-sociales mais aussi à faciliter l’accès aux spectacles pour tous, en accompagnant l’organisation des projets financièrement et humainement.
N’est-ce pas trop compliqué d’accéder aux salles de spectacles avec des personnes ayant différents types de handicap (notamment des fauteuils roulants) ?
Si… C’est d’ailleurs notre coup de gueule. Certaines salles de spectacles ont un nombre de places accessibles en fauteuil extrêmement réduit par rapport à leur capacité totale d’accueil. C’est le cas de l’Olympia qui compte moins de 10 places accessibles en fauteuil alors qu’elle peut accueillir plus de 1700 spectateurs. Dans beaucoup de salles, l’accompagnateur est également contraint de s’asseoir à une place classique et donc loin de la personne avec qui il est venu assister au spectacle.
Par contre nous avons beaucoup apprécié la facilité d’accès de la salle du Phare de Chambéry pour les matchs de handball, où 16 personnes en fauteuil roulant ont pu assister au match dans de bonnes conditions. Egalement l’espace culturel Jean-Blanc de La Ravoir.
Vous organisez également un festival, pouvez-vous nous en dire plus ?
Chaque année depuis 6 ans, nous organisons le Festival Reg’arts, dont l’objectif est d’encourager le public à porter un regard différent sur le handicap. Pendant cet événement, des artistes en situation de handicap alternent leurs concerts et partagent la scène avec des artistes et groupes célèbres (Ahmed Mouici, Pep’s, Emmanuel Pi Djob, Saxomatic…). Ainsi, lors de la dernière édition, une chorale LSF a joué le même soir que Saxomatic (dont le saxophoniste du groupe Sinsémilia.. Le lendemain, le groupe Festydanse, créé au sein d’un foyer d’accueil médicalisé, a partagé la scène avec le groupe des Colporteurs de rêves. Chaque spectacle a rencontré un grand succès, et il y avait plus de 200 personnes handicapées dans la salle le samedi après-midi. Comme certaines personnes avaient trop de difficultés à sortir de leurs établissements pour venir assister aux spectacles, nous avons également organisé durant toute la semaine du festival de nombreuses interventions en foyers, afin de permettre à tout le monde de participer, y compris ceux qui sont très dépendants. Par exemple, le groupe Saxomatic est venu est venu jouer un concert avec moi dans un foyer d’enfants polyhandicapés. Les concerts ont aussi été diffusés en ligne sur internet. Le festival avait lieu cette année du 22 au 24 septembre. Il sera renouvelé en 2017.
Vous organisez également une exposition…
Oui, il s’agit d’une exposition de photos visant à porter un regard différent sur le handicap. J’ai des amis qui sont photographes professionnels. Je leur ai proposé de venir prendre des clichés lors des différentes interventions de l’association (spectacles…). Ils ont accepté et cela donne aujourd’hui une exposition de photos portraits, d’enfants et d’adultes, en noir et blanc, en couleurs… Parmi les photos exposées, il y en 7 qui mesurent plus de 2mètres de haut, les autres sont en format 60/40. Il s’agit d’une exposition itinérante qui tourne tous les mois, dans les mairies, les lieux publics, les lieux culturels (Phare de Chambéry, médiathèque de Challes-les-eaux, Pathé Chambéry…). Cela fait déjà un an et demi que l’on tourne en Savoie et Haute-Savoie et là nous commençons à élargir la zone. Nous sommes allés à Aix-en-Provence, et nous irons bientôt à Lyon et à Paris. Le but est vraiment de sensibiliser le public au handicap, notamment en montrant des enfants avec le sourire, pour dire que le handicap c’est aussi cela malgré tout, et pour vulgariser le sujet du handicap, faire qu’on puisse en parler plus facilement. Les photos ont été réalisées par Erick Beugnet et Laurent Durand (ART PHOTO). En partenariat avec les mutuelles Adrea
Quels sont vos projets pour les mois et années à venir ?
Nous avons sollicité la chanteuse Manon Werner, qui va intervenir dans différentes structures médico-sociales, nous allons à nouveau offrir des places handball de l’équipe de Chambéry des résidents en novembre, et d’autres actions concrètes de ce type.
Il y a quelques années, nous avons écrit une chanson intitulée « Simon corps », et depuis deux ans nous sommes appelés régulièrement par des écoles pour la chanter et faire des animations autour de ce sujet. Du coup, nous nous rendons dans des écoles et collèges pour sensibiliser les enfants au thème du handicap accompagnés de Florence Aubertin, interprète en langue des signes. Souvent ils apprennent la chanson avant, puis nous venons ensuite la chanter devant eux, et nous leur apprenons à la chanter tout en la signant en Langue des signes française (LSF). C’est aussi l’occasion pour eux de rencontrer les musiciens. Les enfants sont en demande et nous reçoivent très bien, ce sont de très bons moments et nous souhaitons poursuivre ce type d’interventions. Vous pouvez voir la vidéo et écouter la chanson sur YouTube.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
– L’année dernière nous avons œuvré pour 2500 personnes en situation de handicap sur la Savoie et la Haute-Savoie, et nous commençons à élargir notre zone géographique d’intervention. Nous recevons d’ailleurs de nombreuses demandes de structures qui souhaiteraient nous voir intervenir dans d’autres régions. C’est ce que nous aimerions faire, toutefois ce n’est pas forcément évident car tous les membres de l’association Zicomatic sont aujourd’hui des bénévoles, qui s’autosuffisent et s’autoproduisent. Nous sommes une quarantaine de personnes.
– D’ailleurs tous les bénévoles sont les bienvenus. Même s’ils ne sont pas disponibles tout le temps, ce n’est pas un problème. Nous expliquons bien aux gens intéressés qu’ils sont libres de participer ou non aux événements. Ils sont inscrits sur un listing, une sorte de newsletter, et ils viennent quand ils le veulent et quand ils le peuvent.
– Deux bénévoles de notre association Pascale Vivion et Céline Brusselle partent faire le Rallye des Gazelles qui aura lieu en Mars 2017. Elles ont monté une association qui s’appelle « Zicorallye ». Si elles gagnent, cela fera des fonds pour financer l’association et ses projets. Elles ont déjà leur quatre-quatre. Elles ont sur ce véhicule des encarts publicitaires disponibles, donc elles sont en recherche de partenaires financiers. Rendez-vous sur : www.zicorallye.com
Pour en savoir plus sur Zicomatic, rendez-vous sur www.zicomatic.net
Photo: Clément Dumon et un jeune garçon lors d’un concert.