Elle dit qu’elle a été militante avant de naître. En effet, perdant la vue depuis son enfance, Maudy a toujours lutté : d’abord contre son handicap, qu’elle ne voulait pas accepter, puis pour travailler, pour être mère, et enfin, au nom de ses sœurs, les femmes handicapées.
Pour Maudy, même si on perd la vue, « on ne perd jamais le regard, car le regard nous fait entrer en contact avec l’autre ». Accompagnée partout par son chien guide, le golden retriever Chadou, dit « le Magnifique » (et il le mérite amplement !), Maudy travaille, aime, milite, vit sa vie de femme, comme ses sœurs, handicapées ou non.
Perte de vue progressive
Atteinte d’une rétinite pigmentaire, Maudy perd la vue progressivement depuis son enfance. À huit ans, on lui a diagnostiqué une forte myopie assortie de troubles de l’attention. Elle a appris à 17 ans qu’elle serait aveugle à 30 ans. Son père médecin n’a jamais accepté ce handicap. Maudy a dû faire semblant de voir pendant des années ; aussi, parce qu’elle refusait de ne plus voir… Ainsi sa jeunesse s’est elle déroulée, en cherchant à nier ce handicap, se cognant partout, prenant des risques insensés, essayant tout ce qui semblait impossible, comme faire du vélo, ou des études de médecine, puis d’infirmière. Mais comment piquer des bras invisibles, poser un diagnostic sur un patient qu’on ne voit pas ? Maudy finit par abandonner, mais continue à vouloir soigner, avec la kinésithérapie, d’abord, puis la psychothérapie, dans laquelle elle trouve enfin sa voie. À 30 ans avec un DEA (Diplôme d’études approfondies) de psychanalyse en poche, elle entreprend une analyse et rencontre Alain son futur époux. Elle tente d’accepter le handicap. C’est alors qu’elle intègre le milieu associatif de la cécité, monde dominé par la gente masculine.
Une heureuse vie de famille, malgré tout
Maudy a un jour rencontré Alain Piot dans un colloque et ils se sont « tout de suite reconnus et aimés », dit-elle. Elle l’appelle « l’Unique » (et lui aussi le mérite amplement, soutenant sans faille la femme qu’il aime dans sa vie quotidienne et dans toutes ses luttes). Aujourd’hui, ils sont mariés et sont parents de deux enfants adoptés. Pour obtenir la garde de Joanna et Manoël, Maudy a dû, encore, dissimuler son handicap. Ils ont aujourd’hui 31 et 32 ans et sont très proches de leur maman.
Une travailleuse acharnée
Maudy a toujours travaillé. Elle a été successivement infirmière, kinésithérapeute, psychothérapeute et analyste. En plus de prendre à bras le corps son handicap, elle se bat pour que la société fasse droit à la différence. En 2003, elle a fondé l’association Femmes pour le Dire, femmes pour Agir, qui regroupe des personnes
atteintes d’un handicap, quel qu’il soit, afin de lutter contre cette double discrimination : être femme et être handicapée. « Nous sommes des citoyennes
avant tout, le handicap étant dû au hasard de la vie ». Et comme si ça ne suffisait
pas, Maudy est également auteur de plusieurs ouvrages sur le handicap aux Éditions l’Harmattan.
Caroline Lhomme
Pour en savoir plus
L’association de Maudy :
www.femmespourledire.asso.fr
Les livres de Maudy Piot
Mes yeux s’en sont allés : un voyage insolite, déconcertant, dans le
monde de la perte de la vue
Être mère autrement : Cet ouvrage aborde le thème de la maternité de la femme handicapée.
(éditions l’Harmattan )