« Vivre avec un corps douloureux doublé d’un corps silencieux »*
Par Mélanie Paulhe. J’ai 20 ans, je suis étudiante, et je souhaite vous faire partager mes ressentis sur le handicap dans le monde qui nous entoure. Et comme disait Hugo dans un discours au sujet de Voltaire: « Et quelle était son arme ? Celle qui a la légèreté du vent et la puissance de la foudre. Une plume. ».
Pour ce nouveau numéro, je souhaite vous parler un peu plus en détail du syndrome dont je suis atteinte. Il s’agit du syndrome d’Ehlers-Danlos (SED).
Ce nom regroupe plusieurs types dont certains ont des manifestations et des symptômes différents les uns des autres. À ma connaissance il existe trois formes. Pour ma part j’ai le type 1 qui est dit hypermobile. Cette maladie génétique touche le tissu conjonctif et plus particulièrement le collagène. Elle se transmet au fil des générations avec environ 1 cas sur 10 000. Cependant, dans ma famille personne d’autre n’est atteint (ce qui ne facilite pas le diagnostic).
Depuis toute petite, je suis très fatiguée, j’ai beaucoup de douleurs dans les articulations, des problèmes d’entorses, de peau fragile, etc. On a longtemps pensé que tout cela était dû à ma croissance très rapide. Mais une fois que j’ai eu fini de grandir, les symptômes sont restés. Et il a bien fallu aller chercher un peu plus loin…
J’ai passé des examens et des analyses qui à l’époque n’ont rien donné de concret : seulement quelques anticorps détectés. Comme c’est une maladie qui ne se voit pas physiquement d’une part, mais aussi aux examens classiques médicaux (IRM, radio, scanner, scintigraphie…), je n’ai pas été prise au sérieux autant par mon entourage que par les médecins, et ce pendant de trop longues années. Je savais que je n’étais pas « normale » (et qu’est-ce la normalité?!) en me comparant aux autres. Pourtant, vers mes 15 ans, j’ai dû me taire au maximum car je n’étais vraiment pas prise en considération et j’ai même fini par ne plus être écoutée du tout. Et c’est difficile à l’adolescence….
J’ai longtemps dû me battre, à l’école notamment, pour faire entendre ma fatigue et mes douleurs alors que rien n’était encore étiqueté comme maladie. Je me suis sentie seule, pourtant je ne me suis jamais laissée abattre. Je considère personnellement la maladie comme une richesse et une force. C’est ce qui fait ma personnalité et que je suis vraiment unique ! Bien sûr, dans les moments les plus sombres de la maladie c’est difficile, mais j’essaye de ne jamais oublier que c’est un don de la vie et qu’il n’appartient qu’à moi d’en faire quelque chose qui me plaît et qui me passionne.
10 ans d’errances thérapeutiques
On a diagnostiqué mon syndrome à l’âge de 17 ans, après plus de 10 ans d’errances thérapeutiques. Au lycée, lors d’un rendez-vous banal chez un nouveau rhumatologue pour un problème de genoux, dans les toutes premières minutes, il a détecté cette maladie chez moi. Comment ? Même de grands spécialistes n’avaient jamais rien trouvé… Et bien il avait connu le cas de deux sœurs jumelles dans ma région et a donc su reconnaître les signes typiques de la maladie. Après un rendez-vous avec une généticienne qui a confirmé le diagnostic quelques mois plus tard, j’ai commencé toutes les démarches administratives (notamment pour un dossier MDPH et un tiers-temps pour mes études).
L’annonce de la maladie a été pour moi un véritable soulagement, j’allais enfin pouvoir avancer dans la vie et j’en étais heureuse. Au contraire, pour mes parents cela a été une période difficile avec beaucoup de remises en question et l’impression que le ciel tombait sur eux.
De nombreux symptômes
J’ai des douleurs dans toutes les articulations qui prennent la forme de coups d’électricité et partent d’une extrémité de l’os pour aller jusqu’à l’autre bout (ou bien une sensation d’étaux pour les hanches). J’ai aussi une grande hyperlaxité des articulations. Je me fais donc régulièrement des entorses, des luxations (subluxation de la mâchoire notamment). J’ai aussi une peau fragile, très fine, avec des vergetures et toujours pleines d’hématomes ! Pour l’anecdote, mon maître d’école pensait même que mes parents me battaient alors que j’ai simplement une peau qui marque au simple petit coup. J’ai aussi au quotidien des vertiges qui font que parfois je tombe (et donc que je me fais encore plus mal). Je vous décris ici seulement une toute petite liste de symptômes (les plus handicapants). En apprenant à connaître la maladie et en faisant des recherches j’ai découvert que plein d’autres choses que j’ai en font partie. Alors même que je ne l’aurais jamais soupçonné…
Ma scolarité a été difficile mais pour l’instant j’ai toujours suivi le rythme bon gré mal gré. Ce qui est le plus délicat pour moi à gérer (actuellement comme par le passé), c’est la fatigue, les douleurs quand je reste des heures assise sur les bancs de la fac et le bruit dans les amphis à cause de mon hyperacousie.
Ce qui résume pour moi le mieux ce que je vis est cette phrase trouvée dans l’article d’un médecin qui connait bien la maladie : « Le SED et soi : vivre avec un corps douloureux doublé d’un corps silencieux »*. On ne peut pas prévoir l’évolution de cette maladie. Je vis chaque jour du mieux que possible, et arrivera ce qui arrivera ! La prise en charge est encore bancale. La recherche devra se pencher à l’avenir sur ce syndrome. Personnellement, je n’hésite pas à parler de cette maladie, encore mal connue par les médecins et donc de nous tous. Je pense notamment aux personnes qui en sont atteintes sans le savoir et que je pourrais aider, en leur permettant de mettre un nom à leur mal simplement en partageant mon expérience. Parlons, parlons… Tous, de tout.
————————————————————————-
*Expression empruntée au Professeur Claude Hamonet. http://claude.hamonet.free.fr/fr/art_sed.htm