L’emploi dans la fonction publique, où en est-on ? Rencontre avec Marc Desjardins, qui dirige le FIPHFP.
Le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (le FIPHFP) est né avec la loi de 2005. Cette dernière a mis la Fonction Publique sur un pied d’égalité avec le secteur privé en ce qui concerne les contributions financières. Le FIPHFP collecte et dédie des fonds en fonction des demandes d’aide. Mais comment tout cela s’est-il construit et fonctionne ? C’est Marc Desjardins, Directeur du FIPHFP, qui nous l’explique.
En 2005, la réforme de la loi de 1987 a imposé aux 3 fonctions publiques de nouvelles mesures. Comment cela a-t-il été vécu ?
Le Législateur de 1987 pensait que les fonctions publiques seraient naturellement vertueuses et force a été de constater que ce ne fut pas le cas. Le taux d’emploi était d’environ 3,5 % au moment de la promulgation de la loi de 2005. Il n’y avait pas ou peu au sein des administrations de structures capables de répondre aux demandes d’aide. Les administrations se sont en réalité activées pour intégrer la dimension handicap dans leur fonctionnement, il n’y a eu aucun rejet du dispositif. Seule l’Éducation Nationale a bénéficié d’une dérogation par loi de finance pour déduire de sa contribution envers le FIPHFP toutes les dépenses qu’elle engage au titre des auxiliaires de vie scolaire. Du coup elle ne cotise pas pour le FIPHFP alors qu’elle représente un million d’agents publics. Nous avons vu naître au Ministère des finances une mission handicap de très grande qualité, et d’une manière générale, les administrations se sont appropriées les choses. Jusqu’en 2010 nous avons surtout collecté des fonds car c’est le temps qu’il a fallu pour structurer la politique et pour que des agents se déclarent. Pour certains, c’était évident, mais pour d’autres pas du tout malgré un handicap visible.
Quelles conséquences cela a-t-il eu dans les comportements des instances dirigeantes comme dans les services ?
La réaction dans les fonctions publiques a été très positive, à la fois de la part des agents comme des responsables de services. Il y a cependant une différence importante selon les administrations. Dans les collectivités locales, il y a un vrai portage politique sur le handicap. Le maire, les conseillers départementaux et le président de la Région s’impliquent réellement et y voient une double action à la fois pour les agents publics et pour la population qui la perçoit de manière positive. Dans les administrations centrales, c’est plus une mécanique administrative qui est en marche et permet de développer cette politique, et dans les hôpitaux c’est aussi au niveau de la direction. Dans tous les cas c’est déterminant que le responsable politique ou administratif s’implique.
Quelles mesures particulières avez-vous mis en place pour accompagner ces nouvelles contraintes ?
Nous avons plusieurs modes d’intervention, un par les conventions avec fixation d’objectifs en nombre de recrutement par exemple, une plateforme au service des employeurs qui mobilisent des aides au coup par coup, un partenariat avec l’Agefiph relatif à l’utilisation des services de Cap emploi pour le recrutement et des SAMETH pour le maintien dans l’emploi, et enfin un partenariat avec la Fonction Hospitalière pour innerver les plus petits établissements hospitaliers qui ont besoin d’aide dans leur politique handicap. L’une des mesures sur lesquelles nous avons mis l’accent, c’est l’apprentissage avec une prise en charge de 80 % de la rémunération chargée auquel s’ajoute le coût de la formation de l’apprenti et l’aménagement de son poste si besoin. Une autre mesure concerne les concours, ils peuvent être aménagés en temps supplémentaire mais aussi passés par la voie contractuelle, qui consiste à recruter un stagiaire par contrat et à le titulariser. La sensibilisation des collectifs de travail, la structuration de cellules pour gérer les demandes d’aide, ont été aussi des mesures nécessaires. Nous avons en cours 394 conventions avec les employeurs dans les différents ministères, collectivités, villes et les hôpitaux. Jusqu’en 2010 nous avons cumulé des ressources financières qui ont très vite fondu avec la montée en puissance de notre politique handicap.
Quelles sont vos prochaines échéances ?
Nous avons travaillé en interne à l’élaboration d’un livre blanc sur le financement du FIPHFP et préconisé un certain nombre de mesures car depuis 4 ans nos recettes sont inférieures à nos dépenses d’intervention, et nous n’avons que peu de réserves. Il n’y a pas d’enjeu quant à la survie du FIPHFP mais à sa capacité d’intervention. Nous sommes aidés en cela par une mission IGAS IGF (Inspection Générale des Affaires Sociales et Inspection Générale des Finances) car une réforme est absolument indispensable, notamment en faveur d’une mutualisation des coûts et des conditions d’application de la loi entre administrations. Nous restons cependant très attachés à la loi de 2005.
Quel regard portez-vous sur l’emploi des personnes handicapées 30 ans après la promulgation de la loi 1987, qui concernait déjà la fonction publique ?
Nous sommes satisfaits de notre action car nous sommes passés de 3,5 % à 5,3 %. Nous comptons 232 000 personnes en situation de handicap dans la Fonction Publique, 27 000 recrutements par an et 17 000 maintiens. Je constate malgré tout que nous ne répondons pas suffisamment à la demande car le nombre de personnes handicapées au chômage est de l’ordre de 480 000. C’est un défi qui nous amène à augmenter nos capacités de recrutement comme à développer la formation. Il faut aussi tenir compte dans cette équation que de plus en plus de personnes déclarent un handicap.
Photo : Marc Desjardins, Directeur Général du FIPHFP.