Dominique Gillot, préisdente du CNCPH : « Des droits qu’il va falloir améliorer et rendre plus visibles pour aider les personnes handicapées et les aidants »
Dominique Gillot a été missionnée en décembre 2017 par le gouvernement pour mener une étude au sein du CNCPH, et donc émettre des pistes d’amélioration, concernant le quotidien des aidants, comme des aidés, afin que ceux-ci retrouvent des opportunités et une visibilité dans leur vie professionnelle avec une éventuelle reconversion professionnelle. Ce qui peut nécessiter une formation tenant compte des acquis et de l’expérience. Mais aussi optimiser et faciliter l’accompagnement vers et dans l’emploi des personnes en situation de handicap grâce notamment à la formation.
Dominique Gillot est présidente du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH). Elle fut aussi parlementaire, maire de sa commune, conseillère départementale et sénatrice. Une expérience et un réseau précieux dans le cadre de sa fonction. Le CNCPH a été créé par la loi du 30 juin 1975. Il peut être saisi pour avis de tout texte ayant des incidences sur la vie des personnes handicapées. Il peut aussi s’autosaisir sur toute question concernant la politique du handicap. La loi du 11 février 2005 a prévu qu’il soit saisi de tous les projets de textes réglementaires concernant l’application de cette dernière. D’une manière générale cette loi a donné au CNCPH une mission d’évaluation de la situation des personnes handicapées et de propositions d’actions au Parlement et au gouvernement. Cela lui permet de se saisir de lois, de proposer mais surtout d’anticiper. Son rôle est aujourd’hui reconnu dans la construction des politiques publiques pour une société inclusive. Son action a été particulièrement importante dans le débat de la récente loi logement et son volet accessibilité, mais aussi dans le projet de loi pour un État de confiance comme pour le plan de construction pour une école inclusive. Nous veillons à ce que la place du CNCPH soit bien respectée dans toutes les étapes de réflexion et de construction des politiques publiques. Le handicap concerne tous les ministères sans exception.
Combien et où sont ces aidants ? Dans quelles conditions sont-ils amenés à reprendre un emploi ?
Il y a une estimation du nombre d’aidants sur le territoire, mais elle reste une estimation. L’une de priorité sera donc de recueillir les données qui permettront d’avoir une bonne vision de la place des personnes qui vivent avec un handicap, de la place des personnes qui les accompagne. En ce qui concerne les professionnels nous les avons car ils sont déclarés dans les associations d’aide à domicile. Quant à celui des proches aidants familiaux on commence à avoir une approche et une estimation car il y a une possibilité d’indemnisation des proches aidants qui consacrent de leur temps à un proche handicapé sans avoir recours à un service extérieur. Elle reste très faible, de l’ordre de 3,50€ de l’heure. Par contre en qui concerne les aidants bénévoles ou familiaux, nous n’avons que peu d’indications. Heureusement des associations qui parfois se regroupent au niveau national m’ont fait signe au moment de ma nomination à cette mission pour me faire partager leurs difficultés. D’ici au début d’année je vais communiquer sur les réseaux sociaux et je pense que cela me permettra de recueillir de témoignages et des avis et ainsi d’avoir une meilleure vision, même si elle n’est pas totalement scientifique. Je vais aussi étudier tous les rapports qui ont pu êtres faits par le passé dans ce domaine. C’est un véritable chantier qui est à lancer. Le but n’étant pas de fournir un statut mais de reconnaître leur rôle et éventuellement d’être indemnisé. Mais est-ce éthique d’être indemnisé pour aider son proche c’est une question qui reste à trancher. Par contre la reconnaissance du rôle éminemment social et effectif d’un proche aidant c’est indispensable afin de permettre la conciliation entre ce rôle, la vie professionnelle et la vie personnelle. C’est vers cela que je m‘oriente. Cela signifie qu’une personne qui aide quotidiennement un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie puisse faire valoir des droits à un aménagement de son temps de travail, des regroupements de congés pour souffler ou accompagner son proche dans des démarches de santé ou de rééducation et garantir à ces personnes un déroulement de carrière qui ne soit pas obéré ou freiné par des absences si on ne reconnait pas sont rôle d’aidant. Ce sont des personnes qui ont un rôle important au niveau social et sociétal si on se fie à l’association des aidants, ce serait 8 millions de personnes qui agissent au quotidien pour aider un proche. C’est un véritable phénomène social mais qui relève d’un comportement naturel. C’est un travail énorme de débroussaillage, d’analyse, d’évaluation pour ensuite faire des propositions pour tout cela soit mieux perçu dans l’organisation de la vie professionnelle et personnelle du rôle d’aidant, qui relève de l’expertise personnelle. Nous sommes quelques fois dans des situations critiques pour les aidant comme pour les aidés, cela il faut l’anticiper.
Le retour à l’emploi des aidants familiaux, dans quels cas ?
Quelquefois et de manière tragique l’aidé disparait et lorsqu‘une personne a consacré plusieurs années de sa vie à un proche avec des rétractions de la vie professionnelle, jusqu’à quitter son emploi, il faut ensuite que cette personne puisse retrouver sa place dans le milieu professionnel. Pour beaucoup d’entre elles cela paraît rédhibitoire, mais c’est avant tout à cause d’une méconnaissance du droit. Ces droits il va falloir les améliorer et les rendre plus visibles. Ces personnes ont développé des compétences expérientielles et une expertise humaine qui doit être reconnue. Les personnes handicapées développent souvent ce type de compétences et ce n’est malheureusement pas reconnu en France. Nous allons aussi travailler sur des voies de reconnaissance du rôle de ces personnes.
Le parcours de personnes handicapées peut-il passer par un retour à la formation ?
On me demande, à l’aune de l’expérience des personnes elles-mêmes, de voir ce qui marche et pourquoi ça a bien marché. Il y a des parcours de réussite dans la formation mais aussi des parcours très douloureux qui mènent à l’échec. Nous devons comprendre pourquoi, malgré la grand diversité et la multitude organismes existants. Jusqu’à présent nous avons surtout apporté des réponses par la création de dispositifs, de financements, mais ça reste très cloisonné. Les personnes sont mises sur des rails et si elles veulent changer, c’est compliqué et difficile, de retrouver le bon chemin pour elles. Rappelons-nous que nous avons à faire à des personnes avant tout, on ne peut pas les mettre dans des cases en fonction de leur handicap. Il faut plutôt les considérer en fonction de leurs habiletés, de leurs aptitudes, leurs compétences acquises… Pour cela on peut prendre exemple sur des organisations qui fonctionnent déjà de cette manière. J’ai rencontré dernièrement des représentants d’organisations qui peuvent témoigner de belles réussites et les personnes bénéficiaires peuvent aussi le faire.
Cette mission est très vaste, que peut-on en attendre ?
On peut déjà aider les personnes à se former correctement. Dans le groupe de travail sur l’école inclusive, nous avons pointé un certain nombre de déficits, il y a encore des ministères, des éminents professionnels qui ne réfléchissent pas à la société dans son ensemble mais uniquement dans le champ de leur compétence, les personnes arrivent après dans leur démarche. Or nous devons convaincre que la préoccupation de la place du parcours et de l’épanouissement de la personne handicapée dans tous les univers sociaux, culturels, professionnels, civiques se conçoit dans tous les moments de la vie publique. Ce n’est pas après !! Nous devons les amener à réfléchir en mode conception universelle. Tout le monde doit pouvoir accéder aux mêmes droits même si cela passe par des accompagnements spécifiques.
Quand s’achève votre mission ?
Je dois rendre mon rapport fin mars 2018 ce qui est court. Aussi, comme je veux que le travail soit le plus complet possible, je vais négocier un peu de temps supplémentaire.
En photo : Dominique Gillot, présidente du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH).