PCH et loi Berta : Présentée comme une volonté d’amélioration de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), la Loi Berta inquiète les associations qui y perçoivent un mouvement de recul à peine déguisé.
Mercredi 9 mai, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a approuvé à l’unanimité une proposition de loi du député MoDem de la 6e circonscription du Gard, Philippe Berta, concernant la Prestation de compensation du handicap ou PCH.
Cette proposition, dite « Loi Berta », doit ainsi être présentée aux députés lors d’une séance exceptionnelle de l’Assemblée Nationale ce jeudi 17 mai.
La proposition de loi Berta a pour but de permettre « l’amélioration de la Prestation de Compensation du Handicap » en « clarifiant la loi de 2005 relative à l’égalité des droits et des chances ». Elle comporte deux grandes mesures essentielles :
– « Supprimer l’âge limite, actuellement fixé à 75 ans, pour que les personnes atteintes d’un handicap puissent continuer à bénéficier d’une prestation complémentaire. Une mesure qui toucherait 9 000 personnes et représenterait la somme de 46 millions d’euros. »
– Lancer dans 3 départements une expérimentation pour limiter le reste à charge des bénéficiaires de la PCH. Le but recherché étant de réduire, pour ces personnes, les charges des différentes dépenses liées au handicap : adaptation du véhicule, aide à l’acquisition d’un chien-guide, achat d’un fauteuil roulant….
Une proposition qui inquiète les associations plus qu’elle ne les rassure
Si cette proposition de loi semble plutôt très positive au premier abord, elle inquiète cependant les associations, qui craignent qu’il s’agisse en réalité d’un nouveau mouvement de recul, faussement présenté comme une amélioration. C’est pourquoi plusieurs associations se sont unies pour publier, le 11 mai dernier, une « Lettre ouverte aux 577 députés de l’Assemblée Nationale ». Parmi les signataires : Association Nationale Pour l’Intégration des personnes dites Handicapées Moteurs (ANPIHM), Comité pour le Droit au Travail des Handicapés et pour l’Égalité des Droits (CDTHED), Coordination Handicap et Autonomie — Vie Autonome France (CHA-VA), Groupement Français des Personnes Handicapées (GFPH), Handi-social, Toupi.
Morceaux choisis.
« Mesdames et Messieurs les Députés,
Comme vous le savez, votre Assemblée aura très prochainement à examiner la proposition de loi n° 559 déposée par votre collègue, le député Philippe Berta », débute la lettre.
Une mesure qui aurait déjà dû être mise en œuvre…
« Or, si son article 1 qui vise à supprimer la limite d’âge pour l’attribution de la PCH est une excellente initiative, l’article 2 qui remet en cause le Droit à Compensation, inscrit dans la loi depuis 13 ans déjà, ne peut avoir l’assentiment des milliers de personnes dites handicapées et de leurs familles que nos Associations représentent, poursuit-elle. En effet, la loi de 2005 a créé des Fonds Départementaux de Compensation du handicap permettant de limiter les restes à charge supportés par les personnes handicapées à 10 % de leurs revenus, dispositions inscrites dans le Code de l’Action Sociale et des Familles, via l’article L.145–6.
Cependant, il s’avère que les gouvernements successifs n’ont jamais publié le décret d’application, laissant les personnes dites handicapées dans des situations financières désespérées, eu égard au fait que l’acquisition d’un fauteuil roulant peut entraîner un reste à charge de 10 000 €, ou tout simplement ne pas être pris en compte par les Fonds ad hoc. Ou bien encore que la prise en charge des enfants autistes puisse générer pour chaque famille un reste à charge de 1500 € par mois ! ».
… mais dont l’application a été repoussée maintes fois malgré les injonctions.
« L’une de nos associations, l’ANPIHM, a saisi le Conseil d’État et obtenu, en février 2016, une injonction de publier ce décret, sous astreinte de 100 € par jour de retard. Pourtant, ni le Gouvernement précédent ni le Gouvernement actuel n’ont daigné suivre l’avis de cette Haute Juridiction, contraignant dès lors l’ANPIHM à déposer un nouveau recours devant le Conseil d’État. Parallèlement, l’Association Handi-Social saisissait le 14 mars 2018 le Tribunal Administratif de Toulouse d’une requête contre le Premier Ministre pour que les frais de compensation, restant à la charge d’une personne pour l’aménagement de son véhicule adapté à la conduite dans son fauteuil roulant, lui soient réglés, réclamant par ailleurs des dommages et intérêts contre l’inaction du Gouvernement ».
La Loi Berta proposerait finalement une application en 2021, sous réserve de la réussite de l’expérimentation !
« Jusqu’à aujourd’hui, à la demande du Gouvernement, votre collègue, le député Philippe Berta, vous propose de reporter à 2021 l’application de cette disposition législative ! Et cela sous réserve d’une expérimentation qui aurait lieu sur un nombre limité de départements, dans le cadre du budget actuel alloué, c’est-à-dire un budget insuffisant, notamment pour financer les aides techniques et aménagements du logement et du véhicule, condition sine qua non pour permettre l’accès à une vie inclusive et l’accès à l’emploi.
Les personnes, d’autant plus « handicapées » que l’acquisition des aides techniques indispensables pour allier autonomie et handicap ne leur sont pas accessibles, et leurs familles que nous représentons, estiment qu’il n’est plus temps d’« expérimenter », mais qu’il est plus que temps d’appliquer la loi, et qu’il n’est pas acceptable de différer encore l’application de la disposition de la loi de 2005 sur les Fonds Départementaux de Compensation du handicap au prétexte d’une expérimentation, dont on voit bien que le seul but serait de modifier l’article L145-6 du CASF pour réduire les droits des personnes ».
La lettre ouverte du collectif d’associations se conclut sur ces mots :
« Mesdames et Messieurs les Députés,
Nous vous demandons donc de rejeter l’article 2 de la proposition de loi de M. Berta et, dans le cadre de votre mission de contrôle de l’application des lois, d’exiger du Gouvernement qu’il publie, à bref délai, le décret d’application nécessaire — à propos duquel, rappelons-le, le Conseil d’État a indiqué dans son Avis que l’État avait eu largement le temps de prendre ses dispositions pour appliquer la loi depuis 2005 — cela en concertation avec nos Associations ».
Pour en savoir plus sur cette lettre ouverte concernant la PCH, rendez-vous sur le site de l’association Handi-social.