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Pôle emploi piloté par les régions : un dispositif d’essai à l’œuvre

Branly – Spot 2 – PC
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La région Auvergne Rhône-Alpes expérimente le dispositif du Pôle emploi piloté par les régions 

La récente réforme du secteur de la formation a donné naissance à de nouveaux dispositifs et à la refonte de systèmes existants. Cela inclut le fait que Pôle emploi soit piloté par les régions.

Les OPCA – Organismes Paritaires Collecteurs Agréés – en charge de collecter les obligations financières des entreprises en matière de formation professionnelle, se sont regroupés OPCO – Opérateurs de Compétences – spécialisés par secteurs d’activité.

Les Fongecif, chargés de la transition professionnelle, ont disparu au profit de l’apparition d’une super structure nationale baptisée « France Compétences » : c’est l’unique instance de gouvernance nationale de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Les prérogatives en matière de financement et de politique de formation ont, elles aussi, été revues. C’est notamment le cas dans pour la formation des chômeurs qui dépend de Pôle emploi, et donc de l’État.

Aujourd’hui, 6 régions vont expérimenter le principe du pilotage de Pôle emploi au niveau régional sur la formation des chômeurs. La région Auvergne Rhône-Alpes fait partie de ces pilotes. Dans ce cadre nous avons interviewé Stéphanie Pernod-Beaudon, vice-présidente de la région Auvergne Rhône-Alpes en charge de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et du Sport.

Concrètement, à quoi correspond ce nouveau dispositif de pilotage de Pôle emploi par la région ?

Bien que la formation des chômeurs soit une compétence régalienne gérée par l’État, les régions ont des compétences économiques. Elles ont donc vocation à intervenir de plus en plus sur l’emploi et la formation professionnelle concernant des allocataires de Pôle emploi. Les personnes non inscrites à Pôle Emploi sont d’ailleurs prisent en charge par les régions dans le domaine de la formation. Ce sont par exemple des personnes qui n’ont jamais travaillé, des bénéficiaires du RSA, des personnes qui ont été radiées de Pôle emploi et tous les jeunes qui n’ont encore jamais travaillé.





L’expérimentation du Pôle emploi piloté par les régions, proposée par Édouard Philippe va faire de la région, compétente en matière de formation professionnelle, un pilote régional des services de Pôle emploi. Ainsi cela va donner aux régions la possibilité d’envisager des perspectives et de mettre en place des dispositifs communs pour l’ensemble des personnes en recherche d’emploi, qu’elles soient indemnisées par Pôle emploi ou par la région.

Dans notre région, le management de ce dispositif se fera par intermédiaire d’un Comité régional stratégique, au sein duquel siègeront le président de la région et le préfet de la région pour coordonner l’ensemble des actions. C’est une réflexion préalable qui aboutirait à une délégation de l’emploi dans les régions et donc très différente de la politique nationale que nous connaissons aujourd’hui. Nous mesurons tout de suite l’intérêt de cette gestion par les régions, à l’instar des mesures nationales qui s’appliquent uniformément sur le territoire, et sont souvent en décalage avec les bassins d’emploi locaux. D’une région à l’autre, les enjeux économiques et industriels sont très différents et une région a une lecture de l’emploi qui descend jusqu’au niveau du village, ce qui ne peut pas se faire au niveau de l’État. Chaque région peut venir en soutien aux différents bassins d’emploi qui la composent de manière adaptée, cohérente, pratique et efficace. Mais ce qui fonctionnerait en Auvergne Rhône-Alpes pourrait ne pas fonctionner dans une autre région. Nous sommes véritablement dans une personnalisation des stratégies d’emploi et d’économie. Une région peut avoir besoin d’une main d’œuvre particulière qu’elle ne trouve pas sur son territoire, alors que d’autres régions possèdent ces compétences mais n’ont pas l’offre qui va en face. En région AUVRA, 100 000 postes ne sont pas pourvus chaque année. Nous avons donc mis en place des dispositifs pour rechercher et qualifier des personnes qui auront la capacité d’occuper ces postes, et, s’il le faut, les faire venir d’autres régions.





Quelles sont les premières mesures prises pour lancer ce galop d’essai de pilotage de Pôle emploi par les régions ?

Le président Wauquiez s’est mis en relation avec le préfet de région pour engager un travail commun et se coordonner avec l’État. Cela a abouti à la création du Comité Régional stratégique qui va permettre de prendre des décisions communes. Nous avons ensuite présenté nos dispositifs à Pôle emploi, qui les connaissait auparavant, mais nous devons mettre en place des passerelles pour fluidifier au maximum le travail et les procédures. Nous respectons bien sûr le difficile travail de mise en emploi des personnes qui est effectué par Pôle emploi et qui se situe à un autre niveau.
Nous rédigeons actuellement une convention partenariale pour poser sur le papier ce qui est important et prioritaire pour nous et qui passera par un plan d’action opérationnel. Cela nous permettra aussi d’évaluer l’action de la région en termes de politique d’emploi, l’impact sur le chômage, et la dynamique d’emploi des personnes qui travaillent et vivent en Auvergne Rhône-Alpes. Cette convention fera l’objet d’une signature dès que la crise actuelle nous le permettra.

Ce nouveau fonctionnement vous impose-t-il de vous concerter davantage avec les autres régions ?

Nous avons déjà l’habitude de travailler ensemble, notamment au travers de « Régions de France ». En ce qui me concerne, je vois tous les mois mes collègues des autres régions sur le sujet de la formation. C’est également le cas sur la mise en œuvre d’outils et de logiciels utilisables par le plus grand nombre. Nous avons aussi la possibilité de nous rapprocher de régions avec lesquelles nous avons des points communs importants.
Grâce aux dispositifs que nous proposons, aujourd’hui en Auvergne Rhône-Alpes, le métier de chauffeur-livreur représente plus de 1500 postes à pourvoir. Si une personne choisit ce métier, nous lui finançons son permis et elle aura un emploi directement à la sortie de sa formation. Paradoxalement, dans ce domaine nous n’avons eu que 50 candidatures qui se sont réduites à 20 personnes motivées pour ce métier. Mais au moins, ce sont 20 personnes qui auront un emploi dès demain. Dans d’autres régions, telle que les Hauts-de-France, les courbes sont totalement inversées, vous pourriez avoir 500 offres d’emploi pour 3000 demandeurs. Des échanges avec les régions sont donc louables et envisagés pour équilibrer l’offre et la demande de certains secteurs d’activité. Ce que nous trouverons dans le cadre du dispositif de Pôle emploi piloté par les régions.

Quelle est votre stratégie par secteur d’activité et par vecteur de sourcing dans le cadre du Pôle emploi piloté par les régions ?

Nous avons mis en place une stratégie d’orientation pour nous donner toutes les chances et ne laisser personne sur le côté. Il s’agit dans un premier temps d’expliquer clairement en quoi consiste certains métiers pour les rendre plus attractifs, les possibilités d’évolution de carrière, voire même de création d’entreprise dans ces métiers, sans oublier le niveau de rémunération, ce qui jusqu’à présent ne se faisait pas à l’école. Nous avons pour cela créé une agence de l’orientation afin d’aller au plus près des territoires et expliquer aux jeunes quels sont les métiers qui existent dans leur environnement et les filières vers lesquelles ils peuvent se diriger. Encore trop de jeunes passent le bac et reviennent vers nous pour faire le choix d’une formation professionnelle. La pré-orientation dans ces cas ne joue pas son rôle et devrait se faire plus tôt.

Nous avons défini 12 secteurs prioritaires avec les professionnels de la région – ce qui n’exclut pas les autres. Sur ces secteurs, nous invitons les branches professionnelles à communiquer le mieux possible sur leurs métiers auprès du système scolaire. Pour ceux qui sont en reconversion professionnelle ou demandeurs d’emploi, nous les invitons à se former durant la période de chômage. Et selon le secteur géographique où ils vivent, nous pouvons leur indiquer les secteurs qui recrutent le plus et pour lesquels ils pourraient obtenir une formation. En Auvergne Rhône-Alpes, nous savons que quel que soit le lieu où vous vivez il y a au moins cinq métiers qui n’attendent que vous. Nous proposons donc des formations à ces métiers et ne finançons plus que ces formations pour des raisons évidentes de bon sens. Mais chacun reste libre de suivre la formation qu’il souhaite. Ce que nous pouvons promettre, c’est que, quelle que soit la formation que vous choisissez, s’il y a en face un recrutement d’au moins 6 mois en CDD, nous payons la formation.

À partir de la rentrée prochaine nous pourrons commencer à communiquer sur cette politique de formation dès le collège, ce que nous ne pouvions pas faire auparavant. Concernant les adultes qui dépendent de nous, cela passera par les missions locales et les écoles de la deuxième chance qui aident les jeunes en décrochage. Mais nous mettons aussi à contribution les branches professionnelles pour aider les salariés qui souhaiteraient changer de filière.

Comment pouvez-vous garantir que les acquis à la sortie des formations seront au niveau des exigences professionnelles des branches professionnelles ?

Pour cela nous avons trois outils différents. Tout d’abord, lorsque nous lançons un marché public, nous établissons un cahier des charges qui comprend un certain nombre d’exigences. Si vous ne répondez pas à ces exigences, vous ne pouvez pas prétendre au marché. À la fin du marché, nous payons sur « service fait ». Un paiement ne part de la région qu’après vérification de la qualité de la formation, des diplômes des formateurs, de la présence des jeunes, du suivi et d’un processus en dehors duquel nous ne payons pas. Nous contrôlons aussi les personnes formées et possédons pour cela un outil qui nous permet de savoir qui est formé, sur quoi, à quel moment, à quel endroit et si les personnes sont bien présentes en formation. Le président de région envoie à un courrier à chaque personne qui débute une formation, dans lequel figure le montant de la formation afin que chacun sache ce que coûte le programme. Il est aussi spécifié l’obligation d’assiduité qui ne peut être dérogée que dans certains cas. Dans les autres cas de figure, la personne peut se voir exclue des financements de formation de la région durant 2 ans, voire même être tenue de rembourser le montant de la formation qu’elle n’a pas assumé. C’est heureusement extrêmement rare. Nous travaillons avec de très gros centres de formation privés, des GRETA, des centres AFPA, mais aussi des formateurs en profession libérale qui peuvent êtres ultra spécialisés.
Aujourd’hui, parmi les personnes concernées par une éventuelle formation, on trouve : tous les demandeurs d’emploi, les allocataires du RSA, mais aussi les nombreuses personnes qui visent une reconversion professionnelle ou souhaitent évoluer dans leur emploi.

Y a-t-il des publics prioritaires ?

Nous avons privilégié cinq types de publics. Ce sont tout d’abord les personnes au RSA que nous arrivons à remettre en emploi suite à des périodes de 12 à 24 mois de formation en entreprise d’insertion. Grâce à un accord avec les départements, nous garantissons à ces personnes de ne pas perdre de ressources durant toute la durée de la formation. Nous arrivons à orienter près de 3000 de ces personnes chaque année vers des entreprises d’insertion.
Autre public concerné, les seniors, que l’on situe entre 55 et 60 ans. Les entreprises en embauchent plus et grâce aux réseaux des MIFE (Mission d’Insertion de Formation vers l’Emploi), nous permettons le retour à l’emploi chaque année de 5000 à 8000 seniors de plus de 55 ans.

Les femmes forment un autre public prioritaire car elles subissent très souvent des carrières séquencées ou occupent des postes sans diplôme. Nous les aidons non seulement à se former mais aussi à se libérer de certains obstacles, par exemple en finançant une nourrice aux femmes qui vivent seules avec des enfants.

Les personnes en situation de handicap sont un autre public prioritaire car ce sont les premières à s’interdire d’aller dans différents métiers alors qu’elles pourraient le faire. Nous les avons informées de notre dispositif avec l’aide de l’Agefiph. Nous avons mis en place le CARED+ ou contrat d’aide et de retour à l’emploi durable, ce qui signifie que nous payons la formation et l’accompagnement. L’Agefiph finance l’aménagement du poste de travail quand la personne est en entreprise. Ce que nous demandons comme obligation aux entreprises qui souhaitent bénéficier de ces candidats, c’est un emploi durant une période minimum d’un an et avec au minimum 24 heures par semaine. Cela marche très bien. L’année dernière nous avons formé 13 personnes sourdes profondes au métier de l’aide à domicile. La formation se fait en langage des signes et au domicile des personnes. La plupart de ces personnes sourdes lisent sur les lèvres et communiquent avec leurs employeurs grâce au dispositif de communication visuelle de leur smartphone. C’est devenu un atout pour l’entreprise qui les a embauchées et qui explique que pour rien au monde elles ne souhaitent revenir en arrière. Dans le cadre du CARED+ nous allons former plus de 2000 personnes cette année.

Quelle est la principale source des personnes qui entrent dans ces dispositifs d’emploi et de formation ?

La plupart des gens pour lesquels nous finançons des formations viennent du réseau scolaire, des missions locales, mais elles doivent croiser à un moment donné un professionnel qui prescrit une formation et organise un rendez-vous avec une personne de la région. D’autres demandes proviennent de notre site d’informations « Orientation Auvergne Rhône-Alpes », qui permet de découvrir tous les centres de formation et toutes les filières de formation régionales en fonction des métiers avec le coût de formation, les différents dispositifs de prise en charge selon le statut et le téléphone de la personne à contacter.

Comment tout cela est-il financé ?

Pôle Emploi reçoit des fonds de l’État, et de notre côté, la région vote un budget annuel qui a largement été optimisé depuis 2016. Cette année, cela représente environ 120 millions d’euros tout compris.

Pour combien de temps ce dispositif d’essai pour Pôle emploi est-il à l’œuvre ?

À l’origine, il était prévu pour 18 mois, et compte tenu de la situation actuelle et des élections régionales qui auront lieu l’année prochaine, il y a des chances qu’il soit prolongé. C’est en tout cas la demande que nous avons faite au Premier ministre. De notre côté, nous nous sommes fixé 12 mois pour tout mettre en place.

Quand pourrons-nous mesurer les premiers résultats ?

Les premiers résultats concrets de ce nouveau dispositif pourront être constatés d’ici un an. Si le dispositif testé dans six régions fonctionne, le gouvernement pourrait proposer une loi dans laquelle il régionalise l’emploi. Mais je ne suis pas sûre qu’il soit prêt à faire ça. Nous sommes dans l’éternel combat de ceux qui veulent de l’État partout et ceux qui, comme moi, pensent qu’il faut régionaliser un grand nombre de compétences. Je pense qu’aujourd’hui il est absolument intenable de gérer l’emploi au niveau national, ce n’est plus possible.
Cette expérimentation a pour nous un vrai sens politique au sens noble du terme. Il faut qu’elle prouve que des opérateurs comme Pôle Emploi peuvent eux aussi devenir flexibles. Et que la gestion de l’emploi au niveau de la région sera bénéfique aux personnes formées qui habitent dans la région, tout comme aux entreprises qui ont besoin de ses compétences.

En photo : Stéphanie Pernod-Beaudon, vice-présidente de la région Auvergne Rhône-Alpes en charge de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et du Sport – Pôle emploi piloté par les régions.

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