Covid-19 : l’Agefiph poursuit sa mission, soutient l’emploi et adapte son offre
L’emploi, et donc l’ensemble de travailleurs, sont parmi les victimes les plus touchées par la crise du Covid-19. Le coup d’arrêt total qu’a subi notre économie a fait émerger un plan de sauvetage jamais vu dans toute l’histoire de notre pays. Sauver les entreprises, sauver les emplois et maintenir les politiques sociales et inclusives sont les vrais défis de notre société pour les mois qui viennent. La situation des personnes handicapées est très préoccupante au moment où les priorités des entreprises changent radicalement. L’Agefiph a rapidement réagi en débloquant 23 millions d’euros au travers d’un plan de soutien aux entreprises et aux entrepreneurs handicapés. Afin de connaître le point de vue précis de l’Agefiph sur son fonctionnement au cours de ces deux derniers mois, face à la crise du Covid-19, et sa vision de l’emploi pour les mois qui viennent, nous avons interviewé sa présidente, Malika Bouchehioua.
Comment les délégations régionales de l’Agefiph, ont-elles fonctionné durant le confinement ?
Tous les services de l’Agefiph ont fonctionné pendant la crise sanitaire du Covid-19. Les équipes étaient en télétravail et sont mobilisées pour assurer la mission de l’Agefiph. Nous continuons de travailler avec nos partenaires, les acteurs de l’emploi, de la santé au travail, de la formation et les entreprises… Les dossiers de demandes d’aides financières et de prestations sont pris en compte.
Pour nous adapter à la situation, nous avons allégé les règles d’instruction, en particulier en matière de rétroactivité. Nos conseillers sont invités à la bienveillance, notamment pour l’examen des pièces justificatives qui accompagnent les demandes. Nous invitons nos bénéficiaires et nos partenaires, notamment les Cap emploi, à privilégier les transmissions de dossiers sous un format dématérialisé.
Comment travaillez-vous avec les entreprises aujourd’hui ?
Nos interlocuteurs dans les entreprises sont aussi, très souvent également en télétravail et donc équipés pour faire des réunions en visio-conférence. Nos délégations régionales ont donc poursuivi leurs accompagnements. Par exemple, des réunions du Réseau des référents handicap se tiennent. En Normandie, les entreprises membres du RRH ont réfléchi sur le « monde d’après », d’autres réfléchissent à la SEEPH… Le travail continue, même en télétravail, l’Agefiph reste fortement mobilisée pour l’emploi des personnes handicapées.
Nous continuons également à apporter notre soutien, grâce au télétravail, via les ressources handicap formation (RHF), aux organismes de formation et aux CFA et à répondre à leurs besoins dans cette période.
Qu’avez-vous pu constater du suivi de la politique handicap des entreprises depuis le début du confinement ?
Si on considère les sollicitations de nos conseillers entreprises, ou encore le nombre de participants à nos webinaires, le handicap reste un sujet d’actualité pour les entreprises. C’est une bonne nouvelle. Nous commençons à préparer le dé-confinement et l’appui à la reprise, car l’horizon économique s’annonce chargé. Il est important d’agir pour préserver l’emploi de personnes handicapées, et que la crise économique qui s’annonce ne soit pas plus violente pour nos publics.
Vous avez mis en place 10 mesures d’accompagnements. Ces mesures sont-elles sollicitées à et quelle hauteur ?
L’Agefiph a effectivement mis en place début avril 10 mesures exceptionnelles pour répondre à la crise sanitaire du Covid-19. Ces aides permettent, par exemple, de financer les équipements qui permettront à un salarié en situation de handicap de télé-travailler ou encore de se rendre sur son lieu de travail tout en évitant les transports en commun. Nous soutenons aussi les entreprises en ayant accordé un délai de trois mois pour verser les contributions de l’Obligation d’emploi de travailleurs handicapés et les entrepreneurs, avec notamment une aide à l’exploitation et en leur proposant une prestation d’accompagnement spécifique pour les aider à adapter ou reconstruire leur plan d’affaires.
Il est un peu tôt pour vous donner des éléments de bilan. Nous constatons d’ores et déjà une forte sollicitation de ces dix mesures exceptionnelles, particulièrement de la part des entrepreneurs en situation de handicap qui sont durement touchés par la crise et ne disposent pas des mêmes dispositifs de protection que les salariés (arrêt pour garde d’enfant, activité partielle…).
Était-ce à la demande des entreprises ?
L’Agefiph a rapidement pris conscience que la crise sanitaire et que le confinement généralisé pouvaient mettre en difficulté les demandeurs d’emploi, les salariés et les entrepreneurs en situation de handicap. C’est pleinement notre rôle de les soutenir et de contribuer à la poursuite de leur activité professionnelle ou de leur projet, en facilitant la continuité ou la reprise d’une formation ou des démarches de recherche d’emploi.
Effectivement, nous avons écouté nos bénéficiaires pour construire ces dix mesures. Tout d’abord parce que c’est l’ADN de la gouvernance de l’Agefiph dont le conseil d’administration réunit des représentants des employeurs, des salariés et des personnes handicapées. Nous avons également travaillé avec nos partenaires en contact direct avec nos bénéficiaires tant au niveau national que par le biais de nos quatorze délégations régionales qui sont en contact, même pendant le confinement, avec l’ensemble des acteurs de l’emploi et du handicap. Ces échanges ont nourri notre réflexion.
L’improbable issue économique de cette crise laisse présager des très graves conséquences sur le fonctionnement des entreprises et donc de l’emploi. Pensez-vous que l’emploi des personnes handicapées soit encore un sujet d’actualité pour les entreprises ? Ne risquent-elles pas d’essayer de se dégager de ce type d’obligations ?
Bien sûr, la récession va concerner tout le monde et la reprise sera, selon les secteurs, longue et très probablement compliquée. Mais aujourd’hui nous constatons que, pour les employeurs, l’emploi des personnes handicapées reste une réalité et une préoccupation. Et pour plusieurs raisons, la première, c’est la recherche ou la conservation par les entreprises des compétences, qui très souvent se sont développées au sein même de l’entreprise. Qu’elles soient détenues par une personne handicapée ou pas, ces compétences seront précieuses pour redémarrer.
Et puis, nous constatons aussi pendant cette crise, une aspiration à tirer partie de cette période pour oser construire un monde plus solidaire. Nous le savions déjà, toutes les enquêtes faisaient remonter la quête de sens, le besoin, pour une entreprise, quelle que soit sa taille, de participer à la vie de la société, à être claire sur les valeurs qu’elle porte. Son engagement pour l’emploi des personnes handicapées, et plus largement, pour un marché du travail des entreprises ouvertes à tous, sans discrimination, peut faire la différence. Il conviendra néanmoins d’accompagner fortement les entreprises dans ces démarches.
L’effondrement des trésoreries et parallèlement de l’activité commerciale risque-t-il de peser sur la contribution qui pourrait être reportée comme certaines charges fiscales et sociales ?
Pour le moment, nous avons mis en place un report des prélèvements de la collecte OETH 2020 à fin juin 2020, pour permettre aux entreprises de se réorganiser financièrement. Des simulations financières sont en cours pour tenter d’estimer l’impact de la crise sur le montant de la collecte de l’Agefiph. Très sincèrement, il est beaucoup trop tôt pour répondre sérieusement à cette question.
La mise au chômage partiel de 8 millions de personnes ne risque-t-elle pas de se traduire aussi par un non-retour à l’emploi de beaucoup de personnes en situation de handicap ? L’explosion du chômage des personnes handicapées est-elle une option à laquelle vous vous préparez ?
Effectivement, l’Agefiph s’attend à ce que le crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 puisse aggraver une situation déjà fragile. Selon nos estimations, plus de 300 000 salariés en situation de handicap sont susceptibles de relever du dispositif d’activité partielle, 250 000 personnes vulnérables en Affection longue durée (ALD) semblent concernées par les arrêts maladies. Pour le chômage, nous attendons de voir l’évolution à la reprise pour faire une estimation. Toutefois, on peut craindre que les personnes en situation de handicap soient davantage touchées par le chômage, et qu’une nouvelle catégorie de demandeurs d’emploi apparaisse chez les personnes handicapées : ceux avec une extrême longue durée de chômage.
Quelles vont-être parallèlement les conséquences sur le champ de la formation professionnelle ?
À l’Agefiph nous percevons, via nos échanges avec les acteurs de la formation qui accompagnent les personnes, que la situation reste aussi compliquée pour les personnes en situation de handicap : accès à l’information, accès aux droits, télétravail, protection de la santé, accès aux dispositifs de compensation… Dans ce contexte, certains centres de formation ont continué leur activité via des séances à distance. Très certainement, il va falloir continuer à faire preuve de créativité et d’innovations pour poursuivre. Une enquête est en cours, en lien avec la DGEFP, pour identifier les bonnes pratiques et travailler avec les acteurs de la formation aux ajustements qu’il va falloir mettre en place.
Avez-vous des échanges avec le ministère du travail sur ce sujet ?
Nous sommes en contact régulier avec les services de l’État, le ministère du travail mais aussi le Secrétariat d’État aux personnes handicapées et nos partenaires. Nous préparons ensemble « l’après crise » et un plan de soutien post Covid 19 de l’Agefiph. Cette démarche vise à être étendue largement aux acteurs de l’emploi, de l’entreprise, de la formation et ceux de la santé au travail.
Que pouvez-vous faire pour convaincre les entreprises de maintenir leurs efforts de ces 30 dernières années ?
Comme à chaque fois, être à leurs côtés, les accompagner. Nous avons débloqué 23 millions d’euros de mesures mobilisables jusqu’à fin juin. Aujourd’hui, nous sommes particulièrement soucieux de contribuer à la préservation de la prise en compte du handicap dans les orientations politiques du Gouvernement et de ne pas le voir passer au second plan dans la phase post-confinement.
Nous sommes aussi en réflexion active avec nos partenaires pour adapter notre offre de services et apporter les soutiens nécessaires aux personnes en situation de handicap et aux entreprises dans les prochains mois. Cette crise doit être l’occasion de redéfinir les contours d’une nouvelle société inclusive, nous nous engageons pleinement dans cette démarche, et ferons en sorte de ne pas relâcher la mobilisation.
Quel message voulez-vous faire passer aux personnes handicapées en emploi ou en recherche d’emploi ?
Que l’Agefiph est présente, à leurs côtés, face aux conséquences du Covid-19. Nous venons d’ailleurs de lancer le dispositif digital #activateurdégalité. Il a pour objectifs de révéler ce que la crise actuelle nous apprend de la place dans le monde du travail que notre société fait aux personnes handicapées mais aussi de maintenir et même d’amplifier la mobilisation pour continuer à bâtir une réelle inclusion. Il s’agit de faire entendre la voix des personnes handicapés, demandeurs d’emploi, salariés et chefs d’entreprise. Nous voulons leur donner toute leur place, les rendre visibles, pour changer durablement les regards et les mentalités à l’égard du handicap.
Pour en savoir plus : https://www.agefiph.fr/
En photo : Malika Bouchehioua, présidente de l’Agefiph, s’exprime sur la crise du Covid-19.