We are soldiers est le portrait de trois volontaires ukrainiens, blessés lors de la guerre avec les Russes et les séparatistes.
Devenus handicapés ils sont soignés à l’hôpital militaire de Kiev. Représentants trois générations, trois milieux sociaux, trois régions différentes, Dmytro, Oleksii et Anatolii se rétablissent, s’ennuient, espèrent et repensent leur avenir.
Un documentaire qui accroche et nous porte à voir la réalité de blessés de guerre qui font face à un avenir improbable.
Entretien avec Svitlana Smirnova (réalisatrice)
Comment est né le projet WE ARE SOLDIERS ? Qu’est-ce- qui vous a attiré dans ce sujet ?
En 2014, quand la Russie a envahi l’Ukraine, l’Ukraine n’était pas prête. Suite au mémorandum de Budapest, nous pensions être à l’abri de toutes guerres futures. Par conséquent, il y avait un grand nombre de soldats inexpérimentés, ou de volontaires, et beaucoup ont été tués ou mutilés. Les hôpitaux ont été submergés, les médecins et les infirmières étaient débordés. Comme j’ai une formation de Kiné, j’ai pensé que je pouvais apporter mon aide en faisant des massages pour soulager certains blessés. À leur contact, j’ai découvert de nombreuses histoires passionnantes, et j’ai pensé qu’il était nécessaire que plus de gens les entendent.
Comment avez-vous rencontré les soldats protagonistes du film ?
J’avais en tête de montrer trois civils qui s’étaient portés volontaires, et qui représentaient trois générations différentes. Et c’est en travaillant comme kiné à l’Hôpital militaire de Kiev, que je les ai rencontrés. Le temps que mon directeur de la photographie soit disponible, l’une des personnes que je voulais filmer a fini par quitter l’hôpital, mais c’est à ce moment-là que j’ai rencontré Oleksii. J’avais trouvé mon trio de personnages.
Sur combien de temps s’est déroulé le tournage ?
Nous avons tourné pendant un mois, tous les jours. Parfois, Matthieu-David Cournot, mon directeur de la photographie, devait tourner sans moi parce que j’avais en parallèle beaucoup de contraintes administratives à gérer. Nous avions très peu de matériel : un appareil photo et un micro-cravate. Nous sommes retournés dans l’hôpital, un an plus tard, pour enregistrer des ambiances sonores que nous n’avions pas eu le temps de faire lors du tournage .
Vous êtes, vous-même, comédienne. Est-ce que cela vous a aidé pendant le tournage ou les autres étapes de la production ?
Ce qui m’a surtout aidé pour le tournage, c’est que j’étais kiné volontaire dans cet hôpital, tout le monde me connaissait et les blessés me faisaient confiance. Le fait que mon directeur de la photographie ne parle pas ukrainien s’est finalement révélé être un avantage, les personnages se confiaient à moi plus facilement. Mais malgré la barrière de la langue, Matthieu-David arrivait quand même à anticiper les actions de mes personnages. Mes compétences de comédienne m’ont plutôt servi durant la post-production, pour négocier les droits musicaux.
Comment avez-vous appréhendé le montage pour articuler ces trois destins ?
Avec mon monteur Nicolas Desmaison, nous étions exactement sur la même longueur d’onde, nous partagions la même vision du film. Nous avons d’abord dû faire traduire plus de 35 heures de rushes, grâce à l’aide précieuse d’ukrainiens vivant en France. Puis le montage est allé très vite. Nicolas a un sens du rythme et une oreille exceptionnelle, lui non plus ne parle pas ukrainien mais il devinait où couper à la virgule près. Nous avons bâti une sorte de chemin de fer sur le mur de la salle de montage, avec des post-it multicolores, pour trouver la structure principale. Chaque personnage avait sa propre couleur. Certains moments très intéressants n’ont pu être montés, mais c’est la dure loi du montage.
Vous n’avez pas eu peur d’aborder la thématique de l’ennui ?
Bien sûr que mes personnages doivent affronter l’ennui du quotidien d’une hospitalisation de longue durée. Cependant, ce n’est pas un film sur l’ennui, mais sur l’espoir, l’amour, sur la reconstruction aussi bien physique que mentale, sur l’engagement. La forme n’est pas contemplative, au contraire on est constamment au plus près des personnages.
Dans le film, ces trois anciens soldats se reconstruisent pour se créer un avenir. Avez-vous eu de leurs nouvelles depuis la fin du tournage ?
Oui bien sûr, je suis resté en contact avec eux. Anatolii se déplace grâce à ses prothèses. Il est hyper actif. Oleksii, même si sa jambe le fait encore souffrir par moment, a repris son métier de menuisier, j’ai d’ailleurs été une de ses premières clientes. Il travaille beaucoup pour l’armée. Dmytro va très bien, il a fait beaucoup de sport après sa rééducation. Il préfère toujours ne pas porter de short pour que les gens ne voient pas ses nombreuses cicatrices.
We are Soldiers :
– Les séances et la page facebook
– Sur Allo Ciné
Sortie du film : 7 octobre 2020
Distributeur : ESC Films
Avec les soldats volontaires :
Anatolii FATEEV
Dmytro TROMPAC
Oleksii SOKOLOVSKY
Distinctions
Prix au Canada International Film Festival
Gold réel Award « Documentary » Nevada International Film Festival
Hors compétition Villammare Film festival (Italie)
Hollywood International Independant Documentary Award (semi-finaliste)
Roma Ciné Doc (sélection officielle)
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