Rue du colibri, jeune start-up de la région lyonnaise, développe un concept de vêtements adaptés aux personnes malades. Gros plan.
« Rue du colibri » est une entreprise qui conçoit des vêtements adaptés aux personnes malades. Zoom sur cette initiative rare et remarquable avec Angeline Ribadeau-Dumas, cofondatrice du projet.
En photo (de gauche à droite) : Lucie et Angeline, les fondatrices de Rue du Colibri © Maude Roudier
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Angeline Ribadeau-Dumas, j’ai cocréé la société « Rue du Colibri » avec mon associée Lucie Gueyffier. On aide les personnes en parcours de soins avec des vêtements et accessoires à la fois pratiques, confortables et stylés. Autrement dit, des vêtements qui ne disent pas « je suis malade », et qui aident au quotidien des patients. Nous travaillons sur l’estime de soi et sur la facilité pour les patients.
Comment vous est venue cette idée originale de proposer des vêtements adaptés aux personnes malades ?
En 2018, je suis tombée malade d’un cancer. J’ai donc eu des soins pendant 15 mois et en particulier des soins de chimiothérapie. La première fois que j’ai eu ces soins, je n’ai pas vraiment compris le fait qu’on me demande de me déshabiller, cela m’a profondément choquée. Cela ne paraît rien, mais, en tant que patient, c’est notre intimité qui est touchée car on peut être jusqu’à 8 dans une salle, ce qui peut nous mettre mal à l’aise. C’est donc en séance de chimio que j’ai pris mon cahier et que j’ai commencé à dessiner les premiers vêtements.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire du projet ?
Une fois l’idée venue, j’ai contacté Lucie, rencontrée lors d’un Executive MBA (Master of business administration), formation qui permet aux professionnels d’élargir leurs compétences. Au début, après avoir écrit le projet, nous avons réfléchi à la manière de rencontrer d’autres patients, communiquer, vendre les produits et où les vendre. Nous avons ensuite rédigé un « business plan ». et défini la feuille de route pour développer l’entreprise. Il y a eu quelques difficultés pour notre entreprise « Rue du colibri ».
Quelles sont justement les difficultés particulières que vous avez pu rencontrer ?
La principale difficulté a été de rentrer dans le monde médical et de travailler avec les médecins et les prescripteurs. Il a fallu comprendre « qui fait quoi » dans un hôpital. L’autre difficulté particulière pour nous, c’est que notre entreprise a été créée la veille du Covid, en février 2020.
Les hôpitaux étaient fermés aux visites pendant cette période. Il était donc difficile d’avoir des rendez-vous dans les hôpitaux et ceci est valable encore à l’heure d’aujourd’hui. Mais ce n’est pas tout, nos revendeurs sont soit des prothésistes capillaires, soit des pharmacies, et aujourd’hui les pharmacies vaccinent et font des « tests Covid », il y a quasiment plus de place pour le reste.
Quels sont les moyens que vous mettez en place pour faire connaître aux personnes malades vos vêtements adaptés ?
Nous sommes actifs sur les réseaux sociaux. Nous sommes également présents sur certains salons comme « Innova’Lyon » qui fait partie de la foire de Lyon. L’autre façon qui marche le mieux et que nous essayons d’obtenir, ce sont les relations presse, des articles pour que les gens découvrent et se documentent. Quand ils lisent un article dans un magazine, ils sont généralement convaincus de la qualité du produit.
À qui sont destinés vos produits, seulement aux malades du cancer ?
Au début, nous sommes parties exclusivement sur la pathologie du cancer pour les gens qui sont munis d’un Portàcath® – petit boîtier implanté sous la peau pour faciliter les injections – (ou chambre implantable) au niveau du thorax, ou d’un PICC Line au niveau du bras. Mais on s’est rapidement rendu compte que ces dispositifs existaient pour d’autres pathologies, comme la mucoviscidose. Il est donc important de prendre en compte toutes ces maladies et de faciliter la vie de tous ces patients. Les activités de l’entreprise sont donc bien plus larges qu’à ses débuts.
Un T-shirt adapté aux personnes malades, avec plusieurs boutons-pression permettant de faciliter les soins © Rue du colibri
De qui est composée votre équipe à l’heure actuelle ?
Nous sommes actuellement au nombre de trois : Lucie, qui est donc mon associée, moi-même, et une alternante en communication, car ce domaine est particulièrement important.
Avez-vous des concurrents sur le marché des vêtements adaptés pour les personnes malades ?
Quand « Rue du colibri » est arrivé sur le marché, il n’y avait pas de concurrents. Mais aujourd’hui, deux concurrents sont présents. Même s’ils ne sont pas exactement dans le même domaine que nous, car un de ces deux concurrents s’oriente vers la maternité, par exemple. Le marché reste quand même très peu fourni.
Vos produits se vendent à l’heure actuelle exclusivement en ligne ou dans des magasins, avez-vous pour projet d’ouvrir votre propre boutique quelque part en France ?
En effet, nos ventes se réalisent en BtoC – de l’entreprise au consommateur – ainsi qu’avec des « market place ». Nos produits sont également diffusés dans 3 types de boutiques : celles spécialisées autour du cancer, des prothésistes capillaires (perruquiers) ainsi que les pharmacies. Nous avons à l’heure d’aujourd’hui une soixantaine de points de vente. Quant au fait d’ouvrir notre propre boutique, ce n’est pas du tout dans nos réflexions. Cependant, nous avons pour projet de mettre en place des boutiques éphémères dans certaines villes avec d’autres partenaires du secteur.
Quels sont vos ambitions et vos projets à court et moyen terme ?
Nous avons pour projet de continuer à créer des vêtements pour d’autres pathologies, c’est notre ambition numéro 1. Nous aimerions aussi être diffusées en Belgique et en Suisse.
Pouvez-vous nous présenter les particularités de vos produits ?
L’une des principales particularités de nos produits est d’éviter la dénudation du patient pendant les soins. En effet, nos vêtements sont équipés de boutons-pression permettant à l’infirmière d’ouvrir sur le côté, de désinfecter la zone et de laisser passer les tubes entre deux boutons-pression. Tous nos vêtements sont également des habits que l’on pourrait porter tous les jours au travail ou dans la rue.
D’autres inventions pour adapter les vêtements aux personnes malades ?
Oui, nous avons mis en place un manchon textile composé d’un peu d’élasthanne. On peut donc en toute autonomie mettre ce manchon au-dessus du dispositif médical localisé dans la partie haute du bras, ce qui lui permet de ne pas bouger et donc d’éviter les risques d’arrachements. Une fois de plus, le patient gagne en sérénité et n’est pas montré à la vue de tout le monde.
Aimeriez-vous ajouter quelque chose qui vous tient à cœur ?
Oui, j’aimerais ajouter que nous avons fait le choix d’utiliser uniquement des matières de qualité et de fabriquer nos produits en Europe. Comment se mesure la qualité ? Nous avons des tissus 95% coton, un coton ultradoux et certifié Oeko-Tex® (sans substance nocive). Nous travaillons avec un styliste pour avoir de jolies coupes. Bref, nous accordons un son particulier aux matières et finition.
Nous avons également fait le choix de fabriquer en Europe et pas en Asie pour la qualité et surtout dans un souci d’écologie.
Un dernier point pour finir, j’aimerais signaler que « Rue du colibri » est une entreprise avec un statut ESS, c’est-à-dire une société de l’économie sociale et solidaire.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de Rue du Colibri : https://rueducolibri.com/
Propos recueillis par Tom Vignals