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Logement et troubles psychiques : Un chez soi d’abord pour mieux exister

Logement et troubles psychiques : Un chez soi d'abord pour mieux exister
Branly – Spot 2 – PC
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Un chez soi d’abord : « Considérer le logement comme un point de départ pour la suite de l’existence », c’est la devise de l’équipe qui gère ce dispositif dédié aux personnes qui présentent des troubles psychiques.

Rencontre avec Nicolas Pieret, éducateur et membre de l’équipe qui gère le dispositif « Un chez soi d’abord » au sein de la Métropole de Lyon. Objectif : Aider les personnes souffrant de troubles psychiques à trouver un logement durable qui leur correspond.

En photo : Une sortie bowling organisée dans le cadre du dispositif « Un chez soi d’abord ».

En quoi consiste le dispositif « Un chez soi d’abord » ?

Le dispositif « Un chez soi d’abord » s’adresse à des personnes qui ont un vécu d’instabilité ou d’errance en relation avec le logement et qui ont des troubles psychiques sévères (schizophrénie, bipolarité…). L’objectif est de les aider à trouver un logement autonome, tout en leur proposant un accompagnement individualisé. C’est un programme national déployé dans toute la France depuis 3 ans, piloté au niveau d’une cellule interministérielle santé et logement, et décliné au niveau local de façon relativement autonome. Il a été expérimenté à partir de 2011, d’abord dans quatre villes : Marseille, Paris, Toulouse et Lille. Puis ses résultats ont été validés et nous en sommes maintenant à une trentaine de sites en France (métropole et Outre-mer).

La réflexion est partie du constat que si l’on commence par proposer un logement à la personne accompagnée, cela facilite beaucoup les choses pour aborder les autres problématiques de la vie. À l’inverse, si on conditionne l’obtention du logement à beaucoup d’éléments, les gens ne sont souvent « pas en condition pour remplir les conditions » ! Ce qui peut les enfermer dans la précarité.





Comment se traduit ce dispositif ?

Nous travaillons sur deux grandes démarches : le logement d’abord et le rétablissement en santé mentale pour les personnes qui présentent des troubles psychiques.

– La démarche du logement d’abord s’adresse à toute personne en difficulté au niveau du logement et consiste à éviter les étapes intermédiaires pour trouver un logement. Souvent, il y a toutes sortes d’étapes (hébergements d’urgence, résidences sociales…) avec des conditions d’accès différentes à chaque fois. Pour certaines personnes, cela peut prendre très longtemps pour avoir accès à un logement autonome, voire ne jamais arriver. La démarche du logement d’abord, c’est dire qu’on commence par le logement, avec dans le même temps un accompagnement pour essayer de faire en sorte que ce soit un point de départ pour le reste de l’existence. On ne met pas d’étapes, ni de conditions, hormis le souhait d’avoir un logement et d’accepter un minimum d’accompagnement autour. Il n’y a pas d’obligation de suivre un traitement médical, de ne pas avoir d’addiction ou de réduire ses consommations…

– La démarche de rétablissement en santé mentale. Certaines maladies psychiatriques, comme par exemple la schizophrénie, ont été considérées longtemps comme des maladies qui rendent impossibles la sortie de l’hôpital et la vie en autonomie. L’optique du rétablissement consiste à se dire que dans beaucoup de situations, si on arrive à s’appuyer sur les ressources des personnes et leurs désirs par rapport à l’existence qu’ils ont envie de mener, il est possible que leur état de santé s’améliore. Si on arrive à œuvrer sur la question de l’environnement, du lien social, du sentiment d’avoir des marges de choix… Nous travaillons en même temps sur le fait de soutenir les personnes dans leurs projets, de leur donner l’occasion de prendre des responsabilités par rapport à leur vie, et sur des échanges de pair-aidance, c’est-à-dire de soutien entre personnes qui ont les mêmes types de difficultés sur le plan de la santé ou de la vie.





Ainsi, « Un chez soi d’abord » passe par le logement mais aussi par un accompagnement dans toutes sortes de démarches pour les personnes souffrant de troubles psychiques. Qu’il s’agisse de régler des problèmes (santé, administration…), ou de concrétiser des projets de vie : voyager, pratiquer des loisirs, trouver un emploi… Du coup, même quand à première vue, le handicap de la personne semble rendre inaccessible le projet qu’elle énonce, on va quand même partir de ce qu’elle a en tête, même si cela doit prendre du temps, nécessiter des paliers… pour l’aider à atteindre ses objectifs ou à s’en rapprocher au maximum. Pour cela, on l’aide à identifier des ressources, dans son entourage ou à travers des services professionnels. On joue un rôle de boîte à outils et de facilitateurs.

Le logement est donc un point de départ pour les personnes avec troubles psychiques que vous accompagnez…

Tout à fait. Le logement est une porte d’entrée. La première question que l’on pose aux personnes qui entrent dans le dispositif c’est : Quel type de logement recherchez-vous ? Quels sont vos critères de choix ? Puis : Quel est votre projet de vie ? Que souhaitez-vous faire ? De quoi rêvez-vous ? Une fois que vous aurez un logement, quelles seront les étapes suivantes pour que vous soyez bien dans votre vie ?

Le but est de redonner le maximum de pouvoir aux personnes souffrant de troubles psychiques sur leur vie, et ce en commençant par le logement. Parfois les problèmes occupaient leur journée, et d’un coup, lorsqu’ils commencent à se régler, elles peuvent envisager la suite de leur vie. Pour certaines, c’est déstabilisant, pour d’autres, c’est très enthousiasmant.
Certaines personnes ont des projets très concrets. Par exemple, une dame qui avait perdu la garde de ses enfants parce qu’elle n’avait pas de logement décent et n’était pas assez suivie médicalement, a peu à peu obtenu un droit de visite, puis l’autorisation de les recevoir le week-end… aujourd’hui elle recherche un logement plus grand pour que chacun ait sa chambre. Cela prend du temps mais on progresse. Parfois c’est très simple, quelqu’un nous a dit : « Je voudrais aller à l’hippodrome car je joue au PMU et je n’ai jamais vu une course de chevaux ». Cela a pu se faire.
Parfois, c’est plus compliqué, pour des personnes qui n’ont pas travaillé depuis 20 ans et qui voudraient reprendre, d’autres qui voudraient s’installer aux États-Unis… cela ne peut pas se faire tout de suite mais on réfléchit à la manière d’y parvenir.
La perspective c’est qu’on a tous droit à nos rêves, à aspirer à une vie meilleure.

Notre équipe a aussi pour rôle de créer du lien avec les bénéficiaires et de saisir les occasions pour leur permettre de rencontrer d’autres personnes, petit à petit.
On a la chance, avec mon équipe, de pouvoir travailler vraiment sur la durée car il n’y a pas de limite de temps à l’accompagnement, ce qui est rare dans les dispositifs médico-sociaux. Après, l’idée n’est pas de créer une nouvelle dépendance mais de soutenir les personnes pour qu’elles développent leur propre réseau de ressources, à la fois au niveau des soins de santé et des liens sociaux. On oriente vers le droit commun, notamment vers les assistants sociaux de secteur, quitte à aller au rendez-vous avec eux la première fois, et vers les services médicaux si les personnes ne sont pas encore suivies.

Pouvez-vous nous dire quelques mots de l’équipe « Un chez soi d’abord » de la Métropole de Lyon ?

Elle est composée d’une vingtaine de personnes, une quinzaine d’équivalents temps plein qui comprend aussi l’équipe support. Il y a une diversité de travailleurs sociaux et médicaux, à savoir deux médecins (deux psychiatres et une généraliste), des infirmiers, des éducateurs, des assistants sociaux.

Il y a aussi trois médiateurs de santé pairs, qui sont vraiment constitutifs de la démarche « Un chez soi d’abord » en matière de rétablissement. Que ce soit au niveau de l’expérience de la maladie mentale et de l’hôpital psychiatrique, ces personnes qui ont vécu des situations similaires à celles des bénéficiaires peuvent échanger avec eux de manière plus directe, et ils aident toute l’équipe à pouvoir s’identifier aux personnes accompagnées, à faire attention à certains sujets ou termes employés, à comprendre leur quotidien. Souvent, cela abaisse les barrières, d’autant plus que les locataires peuvent choisir de parler à un médiateur une fois, puis à un psychiatre la fois suivante… l’important est qu’il y ait une multitude d’interlocuteurs et qu’ils puissent décider de se confier à qui ils souhaitent.

Une partie de l’équipe – trois personnes pour l’instant – a une mission spécifique : son rôle est de capter des logements, de gérer les aspects de travaux de maintenance, les aspects administratifs comme la signature de bail.

Une particularité de notre équipe, c’est que l’on fonctionne en multi-référence : dans beaucoup de services sociaux, il y a une ou deux personnes référentes pour chaque personne, mais dans notre cas, c’est toute l’équipe qui est référente de tout le monde. Nous sommes donc une quinzaine de personnes accompagnantes pour environ une centaine de personnes accompagnées, avec lesquelles nous essayons de maintenir, pour chacune, un contact d’une fois par semaine. Cela fait beaucoup d’informations à échanger entre nous, car il faut que chaque membre de l’équipe connaisse l’évolution de chaque situation. Et pour les bénéficiaires, qui rencontrent à peu près tous les membres de l’équipe au fil du temps – nous fonctionnons en binômes – c’est aussi une manière de commencer à tisser un réseau. Nous essayons aussi d’envoyer les personnes de notre équipe qui sont les plus à même de répondre aux besoins du moment des personnes accompagnées.

Nous travaillons sur tout le territoire de la Métropole de Lyon, de Brignais à Vaulx-en-Velin, ou Rillieux-la-Pape.

Comment les personnes accompagnées arrivent-elles jusqu’à vous ?

Cela passe par une commission d’admission indépendante, constituée par des partenaires d’ « Un chez soi d’abord » : des représentants d’hôpitaux, de centres de soins en addictologie, du Samu social… Les candidatures doivent être portées par un travailleur social, d’un organisme extérieur. Ce sont souvent les hôpitaux, les Centres médico-psychologiques (CMP), les centres de soins en addictologie, les services de psychiatrie en prison, le Samu social…

Quelles sont les étapes suivantes ?

Une fois que les personnes ont été sélectionnées, on prend contact avec elles pour organiser une première rencontre. Nous nous engageons à faire une visite de logement avec elles dans les deux mois. Quand il y a une situation d’urgence, nous essayons d’y répondre, même si ce n’est pas notre mission. Mais globalement, durant les premières semaines, on va discuter avec les personnes de leurs souhaits en matière de logement et entamer des recherches. Nous essayons toujours de faire visiter deux logements aux futurs locataires, pour qu’ils choisissent où ils se sentiront chez eux. Nous les accompagnons aussi pour acheter des meubles, une machine à laver… avec un budget que nous réservons à cela. Quand ils sont installés, nous continuons l’accompagnement, soit en se voyant chez elles, soit en allant boire un café autre part. On garde un lien qui soit à la fois professionnel et chaleureux qui facilite aussi les échanges.

Nous avons des conventions avec les bailleurs sociaux, qui nous mettent à disposition des appartements. Et on capte, en parallèle, des offres sur le marché privé, comme tout un chacun. Certains propriétaires sont intéressés parce qu’il y a une garantie de paiement de loyer et de remise en état, puisque nous prenons les appartements au nom d’ « Un chez soi d’abord » puis on les sous-loue aux locataires. Au bout d’un ou deux ans, si tout se passe bien, nous pouvons proposer un bail glissant, pour que le locataire que nous accompagnons puisse reprendre le bail à son nom directement. Nos premiers locataires ont emménagé il y a deux ans et demi et les premiers baux glissants sont en préparation.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Nous travaillons en relations étroites avec les autres dispositifs « Un chez soi d’abord » de France. Nous avons une réunion annuelle et nous échangeons régulièrement. Cela permet d’entretenir une dynamique dans cette démarche encore assez nouvelle dans le domaine de la santé mentale et de l’hébergement, et de pouvoir mieux expliquer ce que l’on fait à nos partenaires : orienteurs, syndicats de propriétaires…

Pour en savoir plus sur le dispositif « Un chez soi d’abord » : https://www.ucsa-lyon.org/

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