Le Pass’Manche, c’est un petit accessoire développé par Aurore et Sonia Fekhart dans le but de faciliter l’habillage de tous. Nous avons interviewé Aurore Fekhart, son inventrice.
Parmi les petits gestes du quotidien qui peuvent être compliqués par une situation de handicap, l’habillage n’est pas en reste, et en particulier lorsque les manches viennent s’en mêler. C’est tout l’intérêt du Pass’Manche, petit accessoire ingénieux imaginé par Aurore Fekhart pour faciliter la vie du plus grand nombre. Rencontre.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 34 ans. Je suis mariée, j’ai 3 enfants, 2 garçons et une petite fille. Je suis l’inventrice du Pass’Manche, entre autres, puisque j’ai un travail à côté. Je suis responsable administration des ventes dans une société de bâtiment.
Je travaille sur le Pass’Manche avec ma belle-sœur, la sœur de mon mari, Sonia Ferkhart, qui a 25 ans. On s’est associées le jour où je l’ai appelée pour lui dire que ce projet devait absolument prendre vie ! Elle a tout de suite adhéré et a signé avec moi.
Le Pass’Manche, qu’est-ce que c’est ?
C’est un accessoire qui facilite le quotidien de toutes les personnes aidant quelqu’un qui n’est pas en mesure de s’habiller seul. Le parent d’un enfant âgé de zéro à 3 ans, le parent d’un enfant en situation de handicap, l’aidant d’une personne âgée, les professionnels d’EHPAD ou d’autres établissements médicalisés…
Il s’agit d’un petit bracelet en silicone, avec des trous qui permettent de l’ajuster à toutes les tailles et morphologies. Le premier trou va correspondre aux bébés prématurés et le dernier aux personnes adultes, y compris avec une attelle ou un plâtre.
C’est en quelque sorte le chausse-pied de la manche.
Comment ça marche ?
Lorsqu’on enfile un vêtement à manches longues, cet accessoire va maintenir en place la manche lorsque l’on va superposer une seconde manche par-dessus. On peut commencer avec un t-shirt, et enchaîner avec un pull, puis un gilet…
L’embout du bracelet se place sous la manche, on fait le tour de la main avec le bracelet en le faisant passer entre le pouce et l’index, et on vient emprisonner le vêtement en faisant entrer l’embout dans le trou choisi. On passe alors la manche et ça fonctionne, le vêtement ne bouge pas. On peut l’utiliser à deux ou seul, même si le but premier est vraiment de faciliter le quotidien des aidants. Le Pass’manche est très facile à utiliser, il faut seulement quelques secondes pour le mettre en place.
Comment est venue l’idée du Pass’Manche, ou plus globalement d’un accessoire pour faciliter l’habillage ?
Ma fille, il y a deux ans, présentait avec une anomalie génétique cérébrale, très peu connue dans le monde. Elle a passé les premiers mois de sa vie en hôpital, trimballée de services en services, où il fallait se déshabiller pour aller au scanner, se rhabiller, se déshabiller à nouveau pour aller à l’IRM, faire une prise de sang… d’autant plus qu’il fait parfois froid dans les couloirs, donc il faut bien se couvrir pour aller d’un lieu d’examen à l’autre. Autour de moi, je voyais d’autres parents avec des enfants, qui avaient d’autres problèmes mais qui avaient le même souci que moi : des enfants qui s’impatientent, qui s’énervent, qui hurlent… le fait de devoir sans cesse réenfiler leurs vêtements n’aidant pas. Donc je me suis dit à ce moment-là qu’il faudrait trouver quelque chose pour soulager parents et enfants.
J’ai commencé à y réfléchir et au final, quand je suis rentrée à la maison avec ma fille qui sortait de trois mois à l’hôpital, j’ai réalisé que l’habillage était compliqué aussi pour son petit frère et plus particulièrement pour les manches. C’est à partir de ce constat que j’ai imaginé le Pass’Manche, d’abord en faisant des prototypes incroyables avec des trombones et des élastiques !
Puis je me suis lancée, et à ce moment-là, ma grand-mère, qui a plus de 95 ans, m’a dit qu’elle aussi serait intéressée, car ses mains sont remplies d’arthrose, qu’elle n’en a quasiment plus l’usage, que son aide à domicile doit rattraper sa manche de t-shirt et de gilet, parfois avec les mains froides, que ce n’est pas agréable… C’est là que je me suis dit : il faut que le Pass’Manche puisse servir aux enfants et aux adultes, qu’il faudrait donc plusieurs tailles, ou qu’il soit adaptable, d’où les différents trous pour le régler.
Le bracelet est 100% en silicone donc ce n’est pas la matière la plus facile à travailler, mais c’est vrai que c’est une matière qui va respecter toutes les peaux.
C’est votre participation au concours Lépine qui a concrétisé les choses…
Tout à fait. Une fois que j’avais trouvé le principe, on l’a dessiné et on l’a envoyé à une société pour qu’elle réalise des plans 3D du Pass’manche. Ensuite, nous avons fait appel à une société qui nous l’a imprimé en 3D. Puis nous avons eu nos quatre premiers exemplaires et nous sommes partis avec, il y a un an, à la foire de Paris, à l’occasion du Concours Lépine 2022. Nous avons remporté la médaille d’argent.
C’était génial. Mais finalement, pour nous le plus important c’est qu’il y a eu environ 600 000 visiteurs, et que quasiment tous sont passés voir les stands du Concours Lépine, dont le nôtre, pour découvrir les inventions, toujours plus folles les unes que les autres. Cela nous a permis d’avoir de nombreux retours positifs et de constater que tout le monde a dans son entourage un enfant en bas âge, un enfant handicapé, une personne âgée, quelqu’un qui a une maladie chronique ou qui se remet d’un AVC.
Lorsqu’on s’est présentées, on n’avait que le prototype, et en fait, toutes les personnes qui venaient nous voir voulaient en prendre un tout de suite, ce qui n’était pas encore possible.
Nous avons également remporté le prix Lauréates Créatrices d’avenir 2022, qui valorise l’entrepreneuriat au féminin.
Quelles ont été les étapes suivantes ?
Le lancement du projet avait nécessité un gros investissement de départ : nous avons investi 10 000 euros à nous deux juste pour pouvoir sortir les prototypes. Et c’est lorsqu’on a vu l’engouement – la foire de Paris était le Crash test – qu’on a vraiment décidé de produire le Pass’Manche. Sauf que c’était impossible de mettre autant d’argent dans la fabrication d’un moule pour pouvoir produire en série, c’est extrêmement cher.
Du coup, nous avons commencé à pitcher devant tous ceux qui voulaient bien nous écouter, pour faire des levées de fonds. On a eu un prêt d’honneur par Initiatives France, on est soutenus par BPI, également notre banque. Une fois qu’on avait réunis les fonds, on a lancé la fabrication du moule, en janvier 2023, puis la production en série en février, et le Pass’Manche est officiellement disponible sur notre site depuis fin mars.
Comment peut-on se le procurer ? Combien ça coûte ?
On peut se le procurer sur le site internet https://www.passmanche.fr/ où il est vendu au prix de 9,90 euros. On voulait absolument que ce soit à la portée de toutes les bourses, même si, vu la conjoncture, nous savons que ça peut être le budget nourriture de la semaine pour certains. Nous avons beaucoup négocié avec les industriels pour cela car aujourd’hui tout est cher (coût des matières, transports…).
En parallèle, je suis contactée par des sociétés qui souhaitent s’équiper, et donc dans ce cas il faut s’adresser à moi directement.
Et maintenant : où en êtes-vous et quels sont vos projets à venir ?
Le lancement officiel du Pass’Manche était la priorité. Maintenant nous allons voir comment les choses s’imbriquent. Autrement, nous avons des gens qui nous appellent pour nous demander : « Vous avez inventé un truc incroyable, est-ce que vous pensez pouvoir faire quelque chose pour tel problème que je rencontre ? ». Nous n’avons malheureusement pas la réponse à tous les problèmes, mais c’est vrai que ça fait réfléchir, et qu’on aura peut-être d’autres idées sur d’autres problématiques. Mais on va déjà essayer de réussir ce lancement-là avant de se projeter ! En tout cas, on veut toujours rester dans l’accessoire, et dans quelque chose d’abordable.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Oui, juste préciser que le Pass’Manche est disponible en plusieurs couleurs : orange, gris, bleu, rouge et lilas. Le rouge a été très demandé par le milieu médical, parce qu’il a été constaté que chez les personnes dont le temps de concentration est faible, l’attention va être plus facilement captée avec la couleur rouge, notamment chez des enfants atteints d’autisme.
Le bracelet gris permet un style sobre et neutre. Le lilas nous a été demandé pour les cadeaux.
Pour en savoir plus ou pour vous procurer le Pass’Manche, rendez-vous ici : https://www.passmanche.fr/
En photo : Sonia et Aurore Fekhart © Les Bandits
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