Atalan : « La formation du plus grand nombre est la clé pour permettre à l’accessibilité numérique de se déployer »
Aujourd’hui le numérique touche à tous les domaines de la vie quotidienne, et que l’on soit adepte ou non, il devient presque impossible de s’en passer totalement. Mais qu’en est-il de son accessibilité ? Les différents profils d’utilisateurs et leurs besoins spécifiques sont-ils correctement pris en compte par les gestionnaires de services et de contenus numériques ? Sylvie Goldfain, directrice et fondatrice de la société Atalan, nous dresse un état des lieux de l’accessibilité numérique et fait un tour d’horizon des évolutions possibles.
Atalan, qu’est-ce que c’est ?
Atalan est un cabinet de conseil et de formation spécialisé dans l’accessibilité numérique et la sensibilisation au handicap. Depuis 15 ans, nous accompagnons les entreprises privées et publiques dans l’amélioration de l’accessibilité de leurs contenus digitaux. Créé en 2002.
Nous intervenons à plusieurs niveaux :
– Via de l’assistance technique et méthodologique durant les projets et la réalisation d’audits
– Via du transfert de compétences, en animant des formations adaptées aux différents profils des intervenants projet, pour qu’ils comprennent leur rôle et ce qu’ils doivent faire dans un projet en matière d’accessibilité numérique.
– Via du conseil en conduite de changement et transformation digitale, afin de faire évoluer les pratiques et que l’accessibilité numérique s’intègre durablement dans les organisations.
Selon vous, comment peut-on définir l’accessibilité numérique ?
L’accessibilité numérique est un ensemble de bonnes pratiques graphiques, fonctionnelles, techniques et rédactionnelles, qui permettent de s’assurer que les supports numériques (documents, sites internet, applications mobiles…) sont parfaitement accessibles à tous les utilisateurs, y compris à ceux en situation de handicap.
Ces bonnes pratiques permettent par exemple que les interfaces puissent être correctement utilisées :
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Au clavier, sans la souris ;
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Avec un lecteur d’écran (synthèse vocale et / ou plage braille) ;
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En personnalisant l’affichage (changement de couleur, de taille de texte, de police de caractère, etc.) ;
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Sans le son (avec des sous-titres par exemple) ;
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L’accessibilité est utile à de nombreux utilisateurs, y compris aux utilisateurs daltoniens, dyslexiques ou dyspraxiques, aux utilisateurs photosensibles, aveugles ou malvoyants, sourds ou malentendants, à ceux qui ont des tremblements ou un handicap moteur rendant complexe voire impossible l’utilisation d’une souris ou d’un clavier.
De manière générale, l’accessibilité numérique s’avère également être un confort pour tous. Tout comme un bâtiment accessible sera plus confortable pour tous, un site ou une application plus accessible sera plus agréable d’utilisation pour tous.
Les règles d’accessibilité sont applicables à tous les contenus numériques, quelle que soit la façon dont ces contenus sont générés (progiciel, CMS, Framework, outils bureautiques ou de PAO…), et quelle que soit la technologie utilisée (HTML/CSS et JavaScript, PDF…).
Parmi les contenus numériques qui peuvent être concernés par la prise en compte de l’accessibilité numérique : les sites et applications intranet et internet ; les sites web mobiles et les applications mobiles ; les modules e-learning ; les versions PDF des documents d’édition (dépliants, plaquettes, rapports annuels…), les documents Word ; les vidéos…
Quel état des lieux faîtes-vous de l’accessibilité numérique aujourd’hui en France ?
Aujourd’hui en France, 15 ans après les premières obligations légales (pour les entreprises publiques, en 2005), les contenus numériques restent malheureusement encore peu accessibles. Du côté du secteur public, bien que cette exigence figure de plus en plus souvent dans les cahiers des charges, les niveaux atteints sont insuffisants car les commanditaires ne savent pas piloter la prise en compte de l’accessibilité et les prestataires manquent de compétences.
Du côté des entreprises privées, l’accessibilité devient une demande de plus en plus fréquente pour les sites Internet institutionnels. Mais cela reste encore rare pour les sites transactionnels (e-commerce). Il reste une grande marge de progression.
Dans les années qui viennent, deux facteurs vont favoriser l’accessibilité :
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En septembre 2018, la France a intégré dans le droit français une directive européenne qui élargit les obligations légales d’accessibilité numérique aux entreprises privées et à de nombreux types de contenus numériques (sites internet, mais également intranet, applications mobiles, e-learning, mobilier numérique, etc.)
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Le risque légal en Amérique du Nord. De plus en plus de filiales américaines d’entreprises françaises remontent à leur maison mère des procès menées aux États-Unis pour non accessibilité de leurs services en ligne. Les risques financiers et d’image deviennent significatifs et incitent les entreprises à réagir.
Pour progresser durablement, le point clé est de mieux intégrer l’accessibilité aux formations initiales. Et pour cela, une première chose à faire pourrait être d’intégrer l’accessibilité aux référentiels des formations diplômantes d’État afin que l’accessibilité ne soit plus enseignée à l’initiative d’un enseignant qui s’intéresse au sujet, mais fasse partie du socle commun enseigné à tous les étudiants.
En termes d’accessibilité numérique, savez-vous comment se positionne la France par rapport aux autres pays ? Et par rapport au Canada ?
Comme je l’indique plus haut, le risque légal est devenu important aux États-Unis et le nombre de procès explose depuis deux ans, que ce soit envers des entreprises privées, des écoles prestigieuses ou des administrations. L’accessibilité numérique est donc de mieux en mieux prise en compte. Même chose au Canada, et notamment en Ontario avec la loi (OADA).
Avec la directive européenne de 2016, c’est également l’ensemble des pays européens qui sont en train de rendre l’accessibilité numérique obligatoire.
Comment convaincre les propriétaires de sites internet de travailler davantage sur l’accessibilité ?
Au-delà des obligations légales, il faut faire preuve de pédagogie avec un message à deux niveaux :
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Faire comprendre pourquoi il est important de concevoir des contenus numériques accessibles, et l’intérêt pour tous.
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Informer sur l’impact de respecter l’accessibilité numérique dans un projet. Il y a beaucoup d’idées reçues et on a tendance à surestimer la difficulté et le coût de l’accessibilité.
Pour faciliter ces changements, nous avons conçu différents supports de sensibilisation que nous proposons gratuitement en ligne :
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Une vidéo d’animation et de sensibilisation : https://www.youtube.com/watch?v=y525BrxyvhA
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Un site web interactif qui permet de simuler différents types de handicap et l’intérêt des règles d’accessibilité pour faciliter la lecture des contenus par tous : https://www.atalan.fr/agissons/
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Des notices méthodologiques conçues avec les équipes projets de grandes entreprises et qui facilitent la compréhension des standards d’accessibilité : www.accede-web.com
Ces éléments peuvent être également personnalisés pour être intégrés aux ressources internes des entreprises.
Nous avons réalisé récemment une étude pour l’OPIIEC (observatoire des métiers du numérique) qui fait un état des lieux de l’accessibilité en France, et qui intègre tout un chapitre sur les freins et leviers de l’accessibilité numérique. Nous avons pour cela mené des dizaines d’interviews auprès d’Entreprises de services numériques (ESN), donneurs d’ordre et organismes de formation.
Voir l’étude de l’observatoire des métiers du numérique (OPIIEC) sur les besoins en formation et en compétences publiée en mai 2019 : https://www.fafiec.fr/l-observatoire-opiiec/etudes-transversales/85-l-observatoire-opiiec/etudes-transversales/666-etude-produire-des-contenus-et-services-respectant-les-normes-d-accessibilite-numerique.html
Y a-t-il des avancées particulières à attendre pour les années à venir ?
La formation du plus grand nombre est la clé pour permettre à l’accessibilité de se déployer. C’est le point sur lequel, à notre avis, il faut mettre les efforts.
Atalan a ainsi créé un e-learning sur le sujet afin de faciliter la formation des différents acteurs d’un projet numérique (chef de projet, UX Designer, développeur, contributeur éditorial…).
Cette formation permet de se sensibiliser à l’accessibilité numérique, d’identifier son rôle et de savoir comment prendre en compte l’accessibilité à son niveau et à chaque étape d’un projet numérique.
Chaque apprenant-e se construit un parcours de formation personnalisé, en fonction de son profil et des 6 modules pédagogiques disponibles.
Les séquences pédagogiques, d’une durée moyenne de 18 minutes, s’intègrent facilement aux activités d’une journée.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
J’insiste sur l’importance de faire évoluer les formations initiales pour mieux prendre en compte l’accessibilité. Il existe des instances consultatives pour faire évoluer les cahiers des charges des programmes des formations initiales. Le Syntec, le Cinnov, les partenaires sociaux participent à ces instances. Ils ont ici un levier considérable pour peser en faveur de l’accessibilité numérique.
En photo principale : Visuel réalisé par la société Atalan.