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Agefiph : Le plein emploi reste l’objectif !

Christophe Roth président de l' Agefiph - L'Agefiph, acteur incontournable de la politique handicap dans les territoires, accord agréé
Branly – Spot 2 – PC
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A l’occasion de la signature du partenariat avec l’Agefiph nous avons donné la parole à Christophe Roth le président de l’Agefiph. Il s’est livré en toute sincérité au jeu de nos questions. Un témoignage aussi pertinent qu’éclairant à découvrir.

A une période où les entreprises sont à la recherche de candidats qu’elles ne trouvent pas, les personnes en situation de handicap peuvent tirer leur épingle du jeu ?
Tout d’abord, je voudrais indiquer qu’aujourd’hui, l’emploi des personnes en situation de handicap progresse. Pour ce faire, je vais m’appuyer sur des chiffres de la DARES. Les derniers chiffres connus pour les années 2021 et 2020 montrent une progression du taux d’emploi des personnes en situation de handicap de 0,1 point par an et nous sommes aujourd’hui à 3,5% de personnes en situation de handicap dans le monde de l’entreprise. Il y a aujourd’hui 1 100 000 personnes en situation de handicap en emploi, dont 850 000 dans le secteur privé.

Je rappelle aussi que les années 2020 et 2021 sont des années atypiques au regard du contexte sanitaire qui a frappé le monde entier et toutes les entreprise. Sur ce point, je souhaite attirer l’attention sur le fait que l’Agefiph a toujours été force de proposition et agile pour répondre aux besoins du moment.

Nous avons fait des propositions pour accompagner les personnes en situation de handicap. Mais nous sommes toujours aujourd’hui dans une période particulière. Je dis cela parce que nous voyons que les entreprises souhaitent recruter. Elles veulent recruter avant tout des compétences, des talents, des personnes nécessaires à l’entreprise et elles rencontrent des difficultés à trouver ces personnes. Nous sommes face à des métiers dits « en tension ». Je citerais par exemple le numérique, un secteur qui propose 200 000 postes et n’arrive pas à recruter à hauteur de ses besoins en compétences. Prenons aussi l’exemple du secteur du transport. L’année dernière, j’étais présent sur l’un des plus grands salons du domaine routier à Lyon et les entreprises présentes me disaient : « Nous recherchons entre 50 000 et 60 000 personnes pour travailler dans le domaine du routier, et nous n’arrivons pas à recruter », ce qui n’est pas sans poser de problèmes. Je veux évoquer aussi l’hôtellerie et la restauration qui affichent pléthore de possibilités pour trouver un emploi.





Ajoutez à cela le fait que nous sommes dans un contexte inflationniste, le tout conjugué à un contexte géopolitique qui bouge du fait d’une guerre aux portes de l’Europe. Et malgré cela, la dynamique de l’emploi affiche des indicateurs positifs et les entreprises recrutent en masse. Cela représente une réelle opportunité pour les personnes en situation de handicap.


Puisque nous connaissons les secteurs professionnels les plus en tension, souhaitez vous accentuer la formation sur les métiers concernés ?
Nous menons des actions ciblées pour mieux accompagner les personnes en situation de handicap et être au plus proche des besoins et des réalités de terrain. En l’occurrence, cela consiste à être plus proche des PME, des TPE et des grandes entreprises, pour les accompagner et les guider à travers les offres de service que l’Agefiph propose, en plus du droit commun. Je prends l’exemple du numérique et du handicap, nous développons un projet THalent Digital avec notamment l’APF, Webforce3, Simplon et l’OPCO Atlas qui permet à des jeunes ou des moins jeunes à développer un parcours dans le numérique.
Il y a des résultats concrets auxquels j’ai pu assister à travers le témoignage de trois personnes de 25 à 35 ans, porteuses de handicaps psychiques, cognitifs mais aussi de handicaps moteurs qui s’épanouissent aujourd’hui dans une activité du numérique après une reconversion professionnelle.  

Notre rôle consiste à mieux accompagner des personnes qui ont eu un accident de parcours dans la vie et sont devenues inaptes à certaines fonctions, avec restrictions d’aptitudes. Nous pouvons les accompagner vers des métiers  adaptés à leur nouvelle situation. Et le numérique peut être une réponse.

Dans le domaine du transport, je pense au témoignage d’un jeune homme, qui, tout jeune, rêvait de devenir un chauffeur routier. Il a été victime d’un très grave accident de moto qui l’a rendu paraplégique et malgré cela il est devenu chauffeur routier. Ce jeune a pu réapprendre à conduire un camion. Il va être sur les routes grâce à la compensation et l’aménagement du camion que propose l’Agefiph avec les pouvoirs publics. C’est du gagnant-gagnant et ce sont des réussites concrètes.





Dernièrement, j’ai eu l’occasion d’aller dans un CFA où j’ai pu rencontrer des jeunes porteurs de différents types de handicaps. Ils sont sortis avec un diplôme et n’ont pas attendu 8 jours pour avoir un job. C’est possible parce que les entreprises viennent les coopter, les chercher à la sortie du CFA. Cependant, les choses ne se passent toujours aussi aisément. J’ai la tête sur les épaules et l’objectif que je me suis fixé sous cette mandature est que le taux d’emploi de personnes handicapées dans les entreprises atteigne, voire dépasse, 4% d’ici fin 2024. C’est un challenge qui signifie l’emploi pérenne de 150 000 à 200 000 personnes en situation de handicap supplémentaires.

Aujourd’hui, malgré les efforts, la mobilisation des entreprises, malgré la pulsion liée à la réforme de l’OETH de 2018 et la mise en place des référents handicaps, nous avons encore du chemin à faire et beaucoup de travail.

Avec la modification du dispositif des accords handicap d’entreprise agréés par l’Etat, limités à deux accords de 3 ans depuis 2020, comment évoluent les relations avec les entreprises concernées, est-ce une opportunité pour regonfler les fonds de l’Agefiph ? Concernant les finances de l’Agefiph, je n’utiliserai pas le terme de « regonfler les fonds » puisque l’Agefiph n’est pas en péril. L’association, avec son budget actuel, a  la possibilité de mener des actions en termes d’innovation, en termes également d’accompagnement innovant, tout en étant au plus proche des entreprises et des personnes en situation de handicap et en réponse à leurs besoins. L’Agefiph ne cesse d’affûter et d’affiner son offre au quotidien, voire même de la renforcer par le biais de la digitalisation pour la rendre beaucoup plus accessible, plus fluide et plus lisible pour les personnes en situation de handicap. Ce sont ces dernières qui sont en première ligne et donc en attente des solutions que peut apporter l’Agefiph. Les finances ne sont actuellement pas un sujet.

L’autre point qui est réel et ne doit pas être négligé, c’est celui de la perception du terrain et des acteurs. Je rappelle que le Conseil d’administration de l’Agefiph est composé de 4 collèges qui sont : celui des entreprises avec la représentation Medef, CPME, les confédérations syndicales, les personnes représentatives du monde des associations pour les différents types de handicap, et les personnes qualifiées désignées par l’État. Le sujet de l’offre de service proposée par l’Agefiph pour les entreprises sortant d’un accord handicap agréé par l’Etat est en réflexion et discussion pour trouver les meilleurs outils qui permettront d’accompagner les entreprises à garder une ambition forte en termes de politique handicap, laquelle est souvent inscrite dans la globalité d’une politique RSE pour mieux accompagner l’humain au quotidien.

Alors oui, il y a beaucoup de choses qui se disent parmi lesquelles beaucoup de mauvaises interprétations. La volonté de l’Agefiph n’est pas de rompre l’accompagnement des entreprises. Ce que nous souhaitons c’est avoir des besoins mieux fléchés et des objectifs plus concrets en termes de maintien d’emploi et en termes de recrutement. Nous devons aussi pouvoir mieux jauger de la maturité des entreprises sur le sujet du handicap. Je reste cependant très optimiste sur le fait qu’en poursuivant les travaux qui sont en cours avec les entreprises, notamment lors de la prochaine université du réseau des référents handicap (URRH), nous obtiendrons les retours de terrain qui permettront d’offrir les services qui vont aider les entreprises sortant d’accords agréés, de poursuivre des politiques handicap ambitieuses.

Je tiens à rappeler que la fin des accords agréés ne veut pas dire la fin d’une politique handicap, ça n’a pas de sens. Cela nécessite un fléchage et une redistribution des actions à mener et cela nous allons l’accompagner. Je voulais aussi dire que dans le monde du travail, ces quinze dernières années, nous n’entendions pas forcément beaucoup parler des troubles psychiques, cognitifs et mentaux. Il y a 15 ans, on ne parlait pas d’accompagnement au télétravail ni-même des outils qui se sont développés depuis. La fin des accords agréés va permettre à tous de se recentrer sur des objectifs qui pourront sans doute apporter une nouvelle dynamique. N’oublions pas qu’il y a aussi un intérêt pour les entreprises car tant qu’elles n’ont pas atteint les 6%, elles vont contribuer à l’Agefiph, sachant qu’aujourd’hui les EA et ESAT ne sont plus comptabilisés dans le taux d’emploi.

Avez-vous déjà pu mesurer l’effet de la multiplication des référents handicaps dans les entreprises du fait de la loi ? Les entreprises de plus de 250 salariés recrutent elles plus facilement des personnes avec handicap ?
La loi a déjà eu pour effet positif de mettre en visibilité l’importance des référents handicap dont l’Agefiph avait déjà engagé la professionnalisation. Ensuite le fait d’avoir eu dans la loi du 5 septembre 2018, « Choisir son avenir professionnel », la mise en place des référents handicaps, est bénéfique pour mieux prendre en compte la singularité, la différence et la diversité de tout type de handicap dans le collectif de travail.

Nous n’avons cependant pas encore suffisamment de recul et ne commençons qu’à en avoir les frémissements. Cependant, nous constatons une plus grande volonté dans certaines entreprises pour recruter et maintenir dans l’emploi des personnes en situation de handicap. Je prends l’exemple du partenariat que nous avons mis en œuvre avec Édouard Leclerc et celui que nous avons signé avec les Mousquetaires – qui est plutôt solide puisqu’il concerne trois branches – le bricolage avec Bricomarché et Bricorama, la branche alimentaire avec Intermarché et Netto et la branche de réparation des véhicules avec Roady. Prochainement, je vais aller à Lille signer un partenariat avec l’entreprise Atlantic, qui prévoit le recrutement de 300 personnes en situation de handicap. Très récemment, j’ai signé un accord avec Burger King, qui s’est engagé également à recruter des personnes en situation de handicap et à faire du maintien en emploi.

Nous faisons face à plusieurs sujets tels que la mise en place des référents handicap, mais aussi des tensions dans un monde du travail confronté aux difficultés de recrutement des talents, des compétences.  Dans ce paysage, le handicap revient depuis quelques années comme un thème générateur de propositions pour une société plus égalitaire, une société d’égalité des chances.

Je voudrais aussi mettre l’accent sur le fait que l’Agefiph n’a pas attendu que la caravane passe puisqu’elle a été innovante en proposant l’Université du Réseau des Référents Handicaps qui est un événement important. Et l’URRH regroupe en réalité le monde de l’entreprise, le monde syndical et le monde des associations. Mais il donne surtout une force et une dynamique pour tous les acteurs des régions. Ce sont tous les territoires qui se mobilisent pour faire connaître leurs propositions, leurs innovations, et donner plus de lisibilité au grand public. L’organisation du monde du travail a évolué et c’est justement la réorganisation du monde du travail qui va être abordée à Bordeaux les 27 et 28 mars 2023 pour l’URRH.

Est-ce que c’est une occasion pour vous de pouvoir sensibiliser plus et mieux les entreprises et plus particulièrement les PME TPE ?
Nous avons consacré l’année 2022 à travailler sur un plan stratégique 2023-2027 pour l’Agefiph. Mais nous sommes dans un contexte de schéma mouvant car nous avons d’un côté des travaux à mener avec France Travail, mais également dans la construction de la CNH 2023 (Conférence Nationale du Handicap). Nous n’avons pas encore communiqué sur le plan stratégique 2023-2027, mais il est bien évident que la boussole de l’Agefiph est de « mieux accompagner les TPE et PME ». C’est même une priorité car il y a un fort potentiel en termes de recrutement. Je n’oublie pas non plus l’apprentissage qui permet à des jeunes comme des moins jeunes en situation de handicap d’être accompagnés pour aller vers un métier. Tout cela contribue à faire évoluer le taux d’emploi durablement.

À propos du taux d’emploi, votre objectif est d’atteindre les 4% d’ici la fin de votre mandat. Pensez-vous aujourd’hui que c’est tout à fait envisageable ?
Ma feuille de route lorsque j’ai été élu en septembre 2021 était d’atteindre au minimum 4% de personnes en situation en emploi direct. Je peux dire que ça a réveillé les consciences. Cela paraissait insurmontable mais aujourd’hui je peux dire que si nous n’atteignons pas le 4% d’ici 2024, nous n’en serons pas loin.

Je suis dans une démarche volontariste, telle que le gouvernement le fait aujourd’hui. Ce dernier veut aller vers le plein emploi d’ici 2027, ce qui signifie que toute population confondue, nous soyons à 5% de chômage, que ce soit pour les personnes dites valides ou pour les personnes en situation de handicap. Aujourd’hui, ce que l’on peut indiquer, c’est que le taux de chômage des personnes en situation de handicap est de 14%, il était à 19% il y a plus de 3 ans. Il y a 460 000 personnes en situation de handicap au chômage et parmi elles j’ai bon espoir qu’une bonne partie va trouver la possibilité de s’insérer et retrouver le chemin de l’emploi. Ne serait-ce que pour payer les charges du quotidien et acquérir des droits à la retraite ; un sujet qui est d’actualité.

Est-ce que 2024 est une occasion pour vous d’utiliser l’image des Jeux paralympiques et olympiques pour sensibiliser les entreprises ?
Le changement de regard par la compétence, par les talents mais aussi par les exploits des champions paralympiques peuvent représenter une leçon de vie. Tout cela peut contribuer à faire changer le regard sur le handicap, sur le potentiel et les compétences des personnes en situation de handicap dans une société qui a tendance à être un peu trop restrictive. Cela s’illustre dans l’entreprise par un penchant à considérer que la personne en situation de handicap est moins compétente qu’une personne dite « valide ». Or, quand une personne en situation de handicap fait son job dans l’entreprise, elle doit aussi avoir droit à une évolution de carrière.

En France, nous avons encore du travail dans ce domaine puisque le défenseur des droits, pour la 3e fois consécutive, annonce que le handicap est la première cause de discrimination.
Donc oui, les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques sont des leviers possibles pour l’emploi des personnes en situation de handicap. Mais ce sont déjà des leviers puisque l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques recrute des personnes en situation de handicap qu’il faudra ensuite transformer pour que ça devienne pérenne.

Que pourriez vous dire aux personnes en situation de handicap qui peinent à trouver un travail ou désespèrent de trouver un emploi ?
Je crois qu’il n’y a pas de règles spécifiques pour les personnes en situation de handicap. Le conseil que je pourrais me permettre de donner, même si ce n’est pas mon rôle, c’est d’oser. Oser se mettre en avant par ses compétences, ses talents. Oser aussi vendre ses capacités pour faire évoluer l’entreprise par son travail, ses compétences, sa vision et sa participation à l’entreprise. Il n’y a que les combats qu’on ne mène pas qu’on ne gagne pas. Chaque personne a sa juste place dans la société. À partir du moment où l’on a des compétences, des talents, il faut le faire savoir, et pour le chef d’entreprise ce sera une relation gagnante gagnante. Nous gagnerons en termes d’égalité des chances et en termes de diversité.


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