APAJH : « La loi a créé une prise de conscience »
Dans le cadre de notre recueil de témoignages sur les 30 ans de la loi de 1987, nous avons donné la parole à Jean-Louis Garcia, président de l’ APAJH, qui s’exprime de manière directe et sans concession mais avec un regard positif sur l’avenir.
- Pourriez-vous nous résumer ce qu’est l’ APAJH et ses missions ?
L’ APAJH est née en 1962, deux ans après l’UNAPEI à l’initiative d’instituteurs parisiens (non parents). La volonté du début qui était révolutionnaire pour l’époque, c’était d’être à l’école avec tous… mais ils se demandaient : Que feront les élèves handicapés lorsqu’ils sortiront de l’école ? Ils se posaient déjà la question de l’emploi. C’est à la fois un mouvement citoyen et un mouvement de parents. L’entrée se fait plus en termes de citoyenneté qu’en termes de parentalité. C’est une marque de fabrique. Moi-même, je ne suis pas parent. Pour nous un homme et une femme en situation de handicap, sont d’abord un homme et une femme, nous devrions toujours regarder l’individu avant le handicap. C’est une révolution culturelle que nous avons à faire dans ce domaine. Nous sommes présents dans 92 départements plus les DOM et nous gérons près de 700 établissements et services. Ce qui représente 32 000 personnes accompagnées et 14 000 salariés. Notre particularité, c’est nous prenons en charge tous types de handicap à tous les âges. Nous gérons aussi bien de crèches en inclusion que des établissements de personnes en fin de vie porteuses d’un handicap, mais aussi des ESAT et Entreprises Adaptées. Nous gérons donc des établissements pour toutes les pathologies qui sont référencés par les Agences Régionales de Santé. Nous sommes donc à la fois représentants des personnes et des familles et gestionnaires. L’ APAJH est le deuxième mouvement sur du handicap en France derrière l’UNAPEI.
Voilà 30 ans que les entreprises de 20 salariés et plus sont soumises à une obligation de 6 % de salariés handicapés, comment jugez-vous la situation actuelle de l’emploi des personnes handicapées ?
Elle est insatisfaisante, avec 22% de personnes handicapées au chômage on ne peut pas dire le contraire. Mais il faut creuser un peu. La loi de 87 est une très bonne chose malgré la contrainte qu’elle impose aux entreprises, mais comment pouvait-on faire autrement ? Paradoxalement les petites entreprises, non soumises à l’obligation, embauchent aussi, ce qui veut dire que si un travail a été fait en amont la sanction est utile et nécessaire mais qu’on peut passer par d’autres voies. On ne fait pas assez la démonstration de ce qui fonctionne. Nous essayons à notre niveau de le faire avec les Trophées APAJH. Elle a créé une prise de conscience que nous devons faire adopter partout.
De notre point de vue la formation est l’une de priorités du moment. Il y a en effet de nombreux postes non pourvus parce que les bons profils ne sont pas sur le marché. Malgré le nombre important de personnes handicapées au chômage il n’y a toujours pas adéquation entre la demande et l’offre.
- La Loi de 87 avait-elle le bon contour pour atteindre ses objectifs ?
La loi ne règle pas tout, elle pose le droit ensuite à nous de faire le nécessaire pour la faire vivre. Elle posait clairement le fait que dans les entreprises de 20 salariés et plus, il y avait des choses à faire pour faire respecter la loi. Cela a aussi conduit le milieu protégé et adapté a entrer un peu en contact avec les entreprises. Elle disait aux entreprises « tu ne veux pas embaucher, alors tu vas m’acheter des produits ou des prestations ». Cette loi, c’est la reconnaissance du handicap portée par le monde associatif, c’est une avancée législative. Elle a permis de proposer des solutions d’emploi nombreuses et variées aux personnes handicapées et ouvert le champ des possibles.
- La refonte de 2005 a-t-elle rendu la loi plus pertinente et plus efficace ?
Cette loi majeure est revenue sur la loi de 87, elle a augmenté les sanctions financières des entreprises et donné naissance au FIPHFP. Par ce fait elle a imposé aux entreprises publiques ce qui existait déjà pour les entreprises privées et c’est une bonne chose. Mais il y a encore beaucoup de choses à faire. Je prends l’exemple de l’éducation nationale qui est pour moi le meilleur contrexemple de ce qu’il faut pour les personnes et handicapées car elle ne propose dans son fonctionnement aucun modèle à suivre pour les enfants handicapés qui sont pourtant là pour construire leur avenir.
- De quelle manière cette loi a-t-elle fait évoluer votre association ?
Quand l’Agefiph est née, le président de l’ APAJH Henri Lafay était aussi vice-président de l’Agefiph, il a beaucoup porté le fait que l’Agefiph devait contribuer financièrement à la formation dans le cadre de l’éducation. Un jeune à qui l’on donne les bons outils pour préparer sa vie professionnelle, c’est à la fois de la prévention et de l’investissement. C’est ce que nous partagions avec le monde associatif et l’Agefiph mais que le patronat n’a pas adopté à l’époque, revendiquant le fait que l’argent de la contribution devait revenir dans les entreprises au franc près. C’est un débat permanent et un point de vue que nous portons toujours et heureusement il y a eu des améliorations, mais elles restent insuffisantes.
- Pensez-vous que l’on doive encore faire évoluer cette loi et si oui sous quel angle ?
Il ne faut pas de nouvelles lois mais juste tirer tous les fils de celles qui existent et qui offrent de nombreuses possibilités d’évolutions et de mise en réseau. Nous avons tous les outils en mains à nous d’agir.
Photo : Jean-Louis Garcia président de la Fédération des APAJH © F. Stijepovic-2014