C’est face à la dysphasie de sa fille et ses difficultés à communiquer, qu’Olivier Fourdrinoy, est devenu référent francophone de l’application Avaz, sortie sur iPad en avril 2015. Il habite à Lille et a « 3 femmes dont 2 filles, 1 chat et 1 lapin ». Docteur en informatique, il est ingénieur chez Capgemini. Rencontre.
Comment avez-vous découvert Avaz ?
Dans le cadre de son suivi, ma fille a été confrontée à différents outils ou méthodes d’aide à la communication. D’abord portée sur les gestes et les pictogrammes via notamment le Makaton, son accompagnement s’est ensuite orienté vers des solutions informatisées. Après un an et demi de procédure, nous avons acheté un ordinateur à écran tactile. Sur cet ordinateur de qualité a été installée une application gratuite et quelque peu rustique (par rapport au prix de l’ordinateur et aux possibilités offertes aujourd’hui par la technologie). Un peu désabusé, je me suis mis à parcourir internet à la recherche d’une solution. J’ai testé différentes applications gratuites sur Androïd et j’ai découvert, en mars 2014, la conférence TED* d’Ajit Narayanan. Je voulais l’application dont parlait Ajit dans cette conférence. Je l’ai contacté, et l’histoire a commencé. Après plusieurs mois de travail, Ajit m’a dit : « Olivier, l’application fonctionne, je suis très fier de notre travail, tu vas la tester sur ton Ipad ». Je n’avais pas d’Ipad. Deux jours après, je recevais un Ipad et trois jours après je testais l’application.
Mais en fait Olivier, c’est quoi Avaz ?
Techniquement, Avaz en français est une application de Communication Améliorée Alternative (CAA). L’idée est d’utiliser des images pour prononcer des mots ou des phrases. L’enfant a à sa disposition plusieurs milliers de mots et de pictogrammes. Il peut également utiliser un clavier prédictif. Une fois constitué, le message est prononcé par une voix de synthèse de grande qualité (notamment des voix d’enfants). On peut créer, modifier, masquer, copier, coller des mots ou des répertoires, importer des photos, imprimer les répertoires, les sauvegarder, les partager. Professionnels et parents disposent d’un outil de suivi intégré pour observer la progression de l’enfant. Mais ce que je trouve vraiment intéressant dans cette application, c’est que l’on peut faire évoluer l’application en fonction des capacités de l’enfant sans le piéger. On peut commencer avec une grosse image sonore, construire progressivement une arborescence de pictogrammes plus riche en fonction des intérêts de l’enfant, puis passer au clavier, et à nouveau revenir à l’image et naviguer entre ces possibilités sans qu’il y ait de rupture dans son apprentissage.
Comment utiliser Avaz ?
Lorsque l’on met en place un tel outil, on doit le préparer. Il faut l’adapter à l’enfant, créer un cocon de vocabulaire qui correspond à ses capacités, lui donner la possibilité de dire à d’autres ce qu’il dit déjà à ses proches (ceux qui le comprennent) puis d’ouvrir progressivement le champ des possibles en ajoutant des mots, en intégrant d’autres personnes dans l’expérience et au final en l’utilisant partout, tout le temps. Il est donc important de trouver du soutien auprès d’autres professionnels et parents.
Quelles difficultés rencontrez-vous pour faciliter l’accès à l’application ?
En France, il y a beaucoup d’argent consacré à la création d’applications autour du handicap notamment via des subventions et des appels à projet. Par contre, pour la distribution, cela passe par des commissions, des prescriptions, des subventions… On utilise le même circuit pour un fauteuil à plusieurs milliers d’euros et pour une tablette qui en vaut quelques centaines, ce qui est très contraignant. Quand Ajit m’a suggéré de devenir partenaire, j’ai proposé à une entreprise française de reprendre ce partenariat (sans compensation financière pour moi) car je souhaitais que l’application soit accessible au plus grand nombre. Ils ont refusé car, pour eux, il n’y avait pas de modèle économique. J’ai donc proposé à Ajit de diviser le prix par 4 pour sortir de ce mécanisme complexe. C’est pour cela qu’aujourd’hui, Avaz coûte le prix d’un jeu vidéo.
Quels regards portent les professionnels sur l’application Avaz ?
Pour des raisons historiques, ce type d’application n’est pas encore très utilisé en France. On a par exemple autant d’utilisateurs au Québec qu’en France. Les professionnels avertis sont très contents de l’arrivée d’Avaz en français. On parle de nous dans les formations autour de la CAA, et l’APF (Association des Paralysés de France) a écrit une fiche sur l’application. De plus en plus, des orthophonistes et des ergothérapeutes me contactent pour l’essayer et les retours sont très bons. On a d’ailleurs sorti une version d’essai gratuite qui propose toutes les fonctionnalités pendant 15 jours.
Et la suite ?
Aujourd’hui Avaz travaille sur de nouvelles applications en anglais qui arriveront plus tard chez nous. À court terme, une petite application qui se présente sous la forme d’un jeu de rôle est presque traduite. L’idée est de donner à l’adulte des pistes pour provoquer la communication. C’est une « aide à l’aide à la communication ». J’ai beaucoup appris juste en la traduisant.
Propos recueillis par Océane Husson
Pour plus d’informations :
* Visionnage de la conférence TED d’Ajit Narayanan : www.ted.com/talks/ajit_narayanan_a_word_game_to_communicate_in_any_language?language=fr#t-759485
Photos : Petit aperçu de l’application Avaz en français.