Charles Rozoy : « La natation est un sport universel et accessible à tous sans conditions »
Charles Rozoy, 32 ans, est champion d’Europe, champion du monde et a remporté le titre de champion paralympique aux Jeux de Londres en 2012. Aujourd’hui conférencier coach formateur sur l’humain en entreprise, et le développement professionnel et personnel, il nous raconte son parcours et nous fait partager son point de vue sur le sport au regard du handicap.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre handicap ?
J’ai un plexus brachial, exactement le même handicap que l’humoriste Jamel Debbouze pour ceux qui le connaissent. J’ai donc le bras gauche paralysé suite à un accident de moto en 2008. J’étais nageur valide avant cet accident et j’ai décidé de continuer après, à partir de 2009, en handisport.
Racontez-nous votre parcours sportif : comment le sport est venu à vous, quelles ont été les étapes importantes jusqu’à aujourd’hui ?
Quand j’étais petit, je rêvais d’être champion olympique. Je ne savais pas encore dans quel sport. Puis j’ai découvert la natation et j’ai fait tout ce que je pouvais faire pour devenir champion olympique dans ce sport. Dans un premier, ça n’a pas forcément marché comme je le voulais. Je suis allé en sport-études, en pôle espoir… mais j’avais beau vouloir devenir champion, je n’y parvenais pas à ce moment-là. Je me suis fait plus ou moins « virer » du pôle espoir à la fin du lycée. Je suis tout de même revenu à la natation pour le plaisir, et là je suis devenu champion de France du 50 m papillon, début 2008. Et alors que ma carrière de nageur commençait à décoller, j’ai eu cet accident de moto qui m’a paralysé le bras gauche.
Après cela, je suis retournée à la piscine en janvier 2009, pour faire de la rééducation. On m’a alors lancé le défi de nager à nouveau. J’ai accepté et je me suis donné à fond pour essayer de renager, et j’ai repris la natation en mars 2009. Dans la foulée, les médailles sont tombées puisque j’ai été champion d’Europe, champion du monde, et par la suite champion paralympique à Londres en 2012. Ensuite j’ai continué jusqu’aux Jeux de Rio, en 2016, où les résultats ont été plutôt bons vu que j’ai réussi à battre mon record en finale, mais cela n’a pas suffi pour gagner car il y avait devant trois chinois qui ont fait des temps extraordinaires et ont battu ce jour-là le record du monde. Du coup j’ai terminé 4e aux jeux de Rio, à deux reprises.
En 2017, j’ai décidé d’arrêter ma carrière de sportif pour me consacrer pleinement à d’autres activités. Je suis engagé depuis 2014 en tant que conseiller municipal de Dijon et de la métropole dijonnaise, et en parallèle j’avais déjà monté ma société de coaching conférence-formation depuis 2009. Dans ce cadre je suis également devenu formateur et coach en développement personnel et professionnel sur tout ce qui concerne l’humain en entreprise. Pour moi la première condition de la performance c’est d’abord d’être heureux, dans son entreprise, et heureux tout court.
Actuellement je mène aussi une mission auprès de la Ministre des sports, Roxana Maracineanu, pour écrire la stratégie nationale du Sport handicap en France.
J’ai écrit un livre intitulé : « Comment j’ai réussi à nager le papillon avec un seul bras sans tourner en rond ».
Que représente le sport pour vous aujourd’hui ?
C’est une échappatoire, une qualité de vie. Concernant mon handicap, il est totalement invisible lorsque je suis habillé. Mais mon bras paralysé me provoque beaucoup de douleurs, de problèmes de dos, de colonne vertébrale, de faiblesse musculaire, et autres. Le fait de pratiquer une activité sportive me permet de garder un niveau de santé acceptable. Cela m’évite d’avoir trop mal, m’aide à garder une bonne condition physique et à pallier mon handicap du bras gauche, car étant plus musclé du bras droit cela me permet de faire pas mal de choses que je ne pourrais pas faire si j’étais moins musclé.
En dehors de cela, le sport est aussi un plaisir et un mieux-vivre.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le sport que vous pratiquez ?
C’est un sport universel pour lequel il n’y a pas besoin de matériel et qui est accessible à tous sans condition d’âge, de handicap ou de quoi que ce soit. On peut le pratiquer de 0 à 99 ans, voire plus, et avec tout type de handicap, y compris des handicaps très lourds avec très peu de mobilité. Je pense que c’est l’un des sports les plus accessibles. C’est un sport doux, que l’on peut pratiquer de manière progressive, avec tout niveau de condition physique, et qui apporte beaucoup de bien-être du fait qu’il se pratique dans l’eau.
Ceci aujourd’hui je ne pratique plus beaucoup la natation, car j’ai déjà beaucoup vu le fond des bassins ! Mais je continue à aller courir, me balader, et à faire de la préparation physique parce que c’est le seul moyen de mobiliser suffisamment mes muscles pour les maintenir au mieux.
Quels vont projets à présent ?
Au niveau sportif, même si j’ai pris ma « retraite », je vais continuer à accompagner les sportifs sur le plan de la préparation mentale et la performance.
Au niveau professionnel, je continue à me former en tant que coach en développement professionnel, avec comme objectif de pouvoir faire évoluer positivement le monde en général.
Charles Rozoy : « Pratiquer une activité sportive c’est s’offrir une meilleure qualité de vie »
Notre dossier est consacré au thème sport et handicap. Souhaitez-vous dire quelque chose en particulier par rapport à ce thème ?
Je souhaite dire qu’il y a beaucoup à faire en la matière et que tout le monde peut s’investir à son niveau. L’important c’est d’oser s’investir, sauter le pas et prendre des initiatives pour permettre aux personnes en situation de handicap de faire du sport. Ce n’est le pré carré de personne et il faut que l’on puisse développer au maximum les possibilités pour chacun. C’est d’autant plus important qu’au-delà même du plaisir que l’on peut prendre à faire du sport, pratiquer une activité sportive c’est s’offrir une meilleure qualité de vie. C’est le cas pour tout le monde, et encore plus pour des personnes qui sont en situation de handicap, notamment lorsque cela permet de pallier au handicap ou de le compenser, et donc de mieux vivre.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Il ne faut pas oublier que l’important c’est avant tout de trouver une activité qui nous rend heureux, et que pour cela on peut aussi être aidé psychologiquement par des coachs et des personnes formées (psychologues, médecins…) et se faire conseiller en allant rechercher des informations auprès des clubs.
En photo principale : Charles Rozoy, aux Jeux paralympiques de Londres en 2012.