Le point de vue de Cheops le réseau des Cap Emploi est aujourd’hui plus important que jamais. Nous avons demandé à Marlène Cappelle, déléguée générale de Cheops, de répondre en introduction de cet article à une question.
Quel est le ressenti au sein des Cap Emploi et des entreprises face au marché du travail ?
Nous avons réuni récemment tous les directeurs Cap Emploi lors d’un séminaire. Cela nous a permis de reposer les bases et de nous projeter dans l’action, à la suite des constats que nous avions fait au premier semestre, et notamment depuis le mois de mai 2020. L’activité des Cap Emploi a repris « normalement », les conseillers Cap Emploi sont majoritairement revenus à leur poste en présentiel. Les visites en entreprises se font de nouveau à un rythme soutenu, que ce soit pour le maintien dans l’emploi ou pour le recrutement et les PMSMP (période de mise en situation professionnelle de travail). Ils sont beaucoup plus vigilants face aux personnes mises en fragilité par la crise et le confinement. Les Cap Emploi peuvent activer toute la palette d’outils qu’ils avaient l’habitude d’utiliser avant le confinement. Le domaine du recrutement est aussi en reprise, même si nous n’allons pas récupérer ce qui est perdu depuis le début de l’année. À fin juin, nous ne ressentions pas encore l’impact de la crise, ce qui va changer au moment de la présentation de nos données du 3e trimestre, début novembre. C’est début 2021 que nous pourrons mesurer les véritables impacts de la crise.
Cap Emploi maintient le cap !
Pour la seconde partie de cet article, nous avons interviewé un homme de terrain : Georges-Éric Martinaux (en photo), directeur du Cap Emploi des Alpes Maritimes, situé à Nice. C’est aussi un acteur de Cheops le réseau des Cap Emploi, au sein duquel il anime la commission employeur avec pour mission de créer du lien entre les entreprises et les Cap Emploi.
Son témoignage donne un aperçu de ce que vit réellement un Cap Emploi aujourd’hui dans le marasme de la crise. Comment vivent les équipes ? De quelle manière l’accompagnement est-il encore assuré ? Que ressentent les personnes en situation de handicap ? Comment les entreprises agissent-elles face à leur engagement en matière de recrutement ? Voilà les questions auxquelles il apporte son éclairage.
Le handicap est-il écarté par les entreprises, au cœur de cette crise ?
Il est difficile de généraliser, car chaque cas est particulier, et les secteurs d’activités sont plus ou moins touchés en fonction des régions ou des départements. Le cas des Alpes-Maritimes a ceci de particulier que le tourisme, qui représente un important poids économique, rend la situation critique pour beaucoup d’entreprises, et donc leurs salariés. À cela s’ajoute un grand doute sur l’avenir. Dans ce contexte, la personne handicapée est un peu ballotée. Je constate malgré tout que les entreprises avec lesquelles nous travaillons restent bienveillantes vis-à-vis des personnes handicapées. En matière de recrutement, nous arrivons malgré tout à proposer des candidats et à concrétiser des embauches. Il y a bien sûr eu une chute des activités de placements au premier semestre, mais elle ne représente que -20%. C’est important mais nous évitons la catastrophe. Dans le cas du maintien dans l’emploi, les entreprises ont continué à jouer le jeu et nous n’avons quasiment pas de baisse. Lors du premier semestre, nous avons pu facilement travailler à distance avec les entreprises, ce qui explique en partie les résultats. Si sur le premier semestre nous avons réussi à maintenir le cap, sur ce deuxième semestre, la première partie est compliquée car les entreprises n’ont pas de visibilité. Un phénomène aggravé dans certaines villes et métropoles par une forme de confinement qui réduit encore la visibilité et diminue les possibilités de recrutement. Malgré les aides et les mesures mises en place par l’État, les régions et l’Agefiph, les entreprises recherchent en priorité à regonfler leur carnet de commandes plus qu’à recruter.
De fait, la mission handicap est-elle mise entre parenthèse dans les entreprises en difficultés ?
Ce que je constate au sein de notre Cap emploi, c’est que l’activité ne désemplit pas, même si la médecine du travail et les entreprises nous sollicitent un peu moins. Tous les dossiers en cours sont traités avec l’objectif d’une issue positive. Je n’ai pas d’exemple d’entreprises qui en profitent pour licencier des salariés en situation de handicap. Les dispositifs de l’État restent intéressants pour les entreprises comme pour les publics en difficultés. La prise en considération du travail à distance nous permet d’intervenir sur des aménagements de poste de travail à domicile en fonction du handicap. Si l’entreprise est soutenue dans ce cadre par les acteurs de l’emploi, il y a peu de risque que le salarié en situation de handicap soit vu comme un problème, et c’est sans doute le contraire.
Les entreprises nous sollicitent beaucoup sur les transitions professionnelles et les évolutions de carrière, ce qui peut aussi cacher une anticipation vers de futurs mouvements de personnels. Cette aide aux personnes handicapées, à l’adaptabilité des nouvelles conditions de travail, est un rôle crucial que nous jouons aujourd’hui de manière quotidienne.
Cela ne détourne pas l’entreprise de ses priorités actuelles orientées sur la fidélisation des clients, la conquête de nouveaux clients ou l’adaptation de sa ligne de production à une demande en mutation. Elle est acculée à rechercher des moyens pour survivre, c’est sa réalité.
Comment réagissent les personnes handicapées en recherche d’emploi ?
Nous sommes dans une période anxiogène, tant pour les salariés et les personnes en recherche d’emploi que pour les employeurs. La Covid fait peur et ce d’autant plus dans les régions touchées par le couvre-feu. Les personnes qui ont un emploi sont inquiètes pour le devenir de leur emploi et celles qui n’en n’ont pas se demandent quand elles pourront en retrouver un qui leur convienne. Tout le monde a conscience de la situation et nourrit une grande motivation pour se sortir de celle-ci. Tout le travail que nous continuons à faire avec le public des Cap Emploi, soit en présentiel, soit en visioconférence ou par téléphone, nous montre une véritable motivation à sortir de cette trappe et à avancer de la manière la plus positive possible.
Les équipes de Cap Emploi sont aussi très engagées et très motivées. Dès le début du confinement nous nous sommes mis en position de travail à distance et le nombre d’accompagnements n’a d’ailleurs baissé que de 3% au premier semestre. Les équipes ont pu maintenir le lien avec les personnes, suivre l’évolution des dossiers et maintenir chez les candidats cette motivation de recherche d’emploi. Je peux dire que les Cap Emploi ont été et sont exemplaires. Mais cela ne suffit pas s’il n’y a pas de sollicitation de la part des entreprises pour recruter.
Qu’en est-il du secteur de la formation ?
Les organismes de formation ont aussi dû s’arrêter de mars à juin, et faire en sorte de s’organiser pour recevoir à nouveau des personnes, tout en respectant les gestes barrières et les contraintes sanitaires. Heureusement, les sessions ont pu reprendre assez rapidement et les chiffres que nous avons sur l’utilisation du CPF (Compte Personnel de Formation) ou les entrées en formation qualifiante, n’ont pas montré de véritable baisse. L’offre de formation s’est largement relancée. Le frein constaté est davantage en lien avec la réforme administrative de ce secteur qu’avec la volonté d’accueillir des personnes handicapées ou la possibilité de pouvoir financer des formations. Des moyens importants ont été mis sur la formation et je pense que nous allons en 2020 être sur un bon niveau d’entrées en formation.
Point d’étape sur le rapprochement Cap emploi et Pôle Emploi !
Il s’agit bien d’un rapprochement et non pas d’une fusion comme nous avons pu l’entendre. Nous sommes bien dans une recherche ou 1+1=3. C’est-à-dire que nos valeurs ajoutées additionnées doivent apporter quelque chose de plus et de différent pour mieux servir la personne. Tout le monde est convaincu de cette nécessité de rendre un meilleur service auprès de la personne, de mieux comprendre ses attentes, de faire émerger ses capacités malgré les contraintes de son handicap, et de trouver avec elle des solutions. Aujourd’hui, des Cap Emploi sont d’ores et déjà en phase d’expérimentation avec Pôle Emploi et font remonter des situations, des avis. Ils confrontent leurs pratiques et leurs procédures avec les agences de Pôle Emploi et tout cela va générer une offre de service partagée où le Cap Emploi va surtout apporter son expertise. Elle est bien sûr plus ou moins nécessaire en fonction des situations et il appartiendra aux agents de Pole emploi et des Chargés de mission de Cap emploi de juger au cas par cas de la nécessité de la solliciter ou pas. C’est vrai pour la relation à la personne comme pour la relation avec l’entreprise. C’est à mon sens une véritable avancée, même s’il y a des décalages de méthodologie et de pratiques professionnelles. Mais au final, chacun va améliorer ses pratiques et tout le monde sera gagnant. Le travail d’adéquation est aujourd’hui suivi par des commissions et, début 2021, dans les départements où il y a des sites pilotes, c’est l’ensemble du département qui deviendra site pilote. À partir du deuxième semestre, ce seront tous les Cap Emploi qui adopteront une nouvelle offre de service, associés à Pôle Emploi. Tout cela va optimiser l’accompagnement que nous pouvons faire auprès des personnes.
Le service Cap emploi se poursuit
Aujourd’hui à l’heure du second confinement, en tant qu’acteur du service public de l’emploi, les Cap emploi assurent une continuité de service et accueillent des bénéficiaires sur RDV dans les locaux. Les visites en entreprises sont maintenues sous réserve du respect des gestes barrières. Cap emploi maintient en parallèle de l’ouverture des locaux au public, une offre de services à distance à destination des personnes et des employeurs.
Les Chiffres de Cheops le réseau des Cap emploi au 3ème trimestre 2020
– 179 473 personnes toujours en accompagnement vers l’emploi à la fin septembre
(vs 2019 : t3 : -1%, t2 : 0%, t1: -3%)
– 34 611 salariés, agents de la fonction publique et travailleurs indépendants accompagnés pour un maintien dans l’emploi
(vs 2019 t3 : -1%, t2 : -16%, t1: +4%)
– 144 806 employeurs ayant mobilisé au moins un service Cap emploi
(vs 2019 t3 : -4%, t2 : -8%, t1: -1%)
Analyse de la situation
Les placements en baisse
Dans un contexte difficile, les entreprises ont continué à faire appel aux Cap emploi, ce qui n’a pas empêcher un recul sur les placements En matière de recrutement, les Cap emploi ont cependant été en mesure de proposer des candidats et de concrétiser des embauches. La chute des activités de placements au premier semestre fut -45%, mais une chute enrayée au troisième trimestre – 12 %
L’apprentissage tire son épingle du jeu + 18 %, soit 882 contrats d’apprentissage mis en place sur les trois premiers trimestres.
Les formations en baisse
La crise de la COVID 19 a eu un impact fort sur les formations et immersions en entreprise. Les formations qualifiantes, diplômantes et certifiantes mises en œuvre ont chuté de – 47 % au second trimestre, plus amorti au troisième trimestre – 20 % lié à la réouverture des organismes de formation.
Les PMSMP souffrent fortement du contexte actuel – 43 % au 3ème trimestre, il est difficile pour les employeurs d’accueillir des stagiaires avec du personnel restreint sur site et des équipes souvent en télétravail.
Une action pro-active, avec le soutien de l’Agefiph, a été initiée dès l’été afin de s’assurer auprès des personnes en situation de handicap et des employeurs, que les conditions de travail étaient toujours adaptées et ainsi repérer les situations qui nécessiteraient une intervention du Cap emploi pour éviter toute rupture de parcours.
50 650 placements ont été réalisés (tout type de contrat)
(vs 2019 : t3 : -12%, t2 : -45%, t1: -2%)
Les réseau des Cap Emploi intervient aussi pour conseiller les entreprises dans le suivi de l’évolution professionnelle des personnes en situation de handicap. Et ce ne sont pas moins de 105 248 Conseils en Evolution Professionnelle qui ont été délivrés soit une progression de 15% par rapport à 2019
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