Portrait : Danielle Michel-Chich, l’écrivain militante
Par Caroline Lhomme. Journaliste spécialisée en société, Danielle Michel-Chich est également essayiste et écrivain, d’une autobiographie et d’un roman. Mariée et mère de 4 enfants, elle est handicapée depuis l’enfance, car amputée d’une jambe suite à un attentat. Militante féministe très engagée, elle a été membre du conseil d’administration de la maison des Femmes de Montreuil de 2006 à 2018. En mai 2019, elle a rejoint le conseil d’administration de l’association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir. Elle en a été nommée co présidente le 18 juin 2019.
Une grave blessure, très jeune
Danielle Michel-Chich est essayiste, journaliste et traductrice. Elle est née et a grandi en Algérie. Enfant, elle est grièvement blessée le 30 septembre 1956, au Milk Bar d’Alger, lors de l’attentat à la bombe perpétré par Zohra Drif, activiste du FLN. Elle en a témoigné dans un « Lettre à Zohra D ».A d’anglais et un DEA de traduction.
Enseignante pendant quelques années et traductrice, elle devient journaliste spécialiste des questions de société (essentiellement éducation et désormais des questions de femmes et de genre). Elle rédige également des biographies à usage privé, par exemple « Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs ».
« La Lettre à Zohra D. » (Flammarion, 2012) a pour destinataire la poseuse de bombe qui a changé le cours de la vie de sa famille et pose la question du terrorisme aveugle.
Riche d’une grande famille
Danielle est en couple depuis 43 ans avec le même homme, Joël, « Oui, je sais : ça fait pièces de musée… » rit-elle. Nous nous sommes connus quand nous étions étudiants, tout bêtement, via un copain commun. Elle a quatre enfants : Alexandre, Clara, Eva et Elie.
Alexandre a trois enfants. Clara fait actuellement des fécondations in vitro. « J’ai eu des grossesses géniales : j’étais très dynamique, raconte Danielle. Des accouchements variés (j’ai connu toute l’échelle de la douleur de 1 à 10, je crois !) Mais mon handicap ne m’a pas gênée. Et le personnel médical a toujours été très respectueux à mon égard. »
Au moment de la rédaction de cet article (début 2020), Danielle est chez sa fille, Eva, aux Etats-Unis pour attendre la naissance d’un nouveau petit-fils, Samuel. Et Eva la fait travailler : « Je suis une rééducation intensive et quotidienne en piscine (ma fille est spécialiste de rééducation fonctionnelle et elle est sans pitié avec moi…). « Oui, je ne cours pas vite avec les jambes mais je cours toujours dans la vie. »
Des loisirs militants
Danielle fait encore quelques piges et collabore à des documentaires. Le reste du temps, elle s’occupe beaucoup : « Je fais du piano, je m’occupe de mes petits-enfants parisiens, je milite pour l’égalité femmes-hommes, je vois mes amis qui tiennent depuis toujours une grande place dans ma vie ».
Un nouveau roman inspiré de son expérience
En 1996, Danielle sort un premier livre inspiré de son expérience de mère : « Viens chez moi, j’habite chez mes enfants ».
« Je suis mère quatre fois. Cela donne des centaines de biberons et autant de câlins ou de crises de larmes, des armées de copains et de copines à surveiller, des dizaines d’enseignants et de bulletins de notes, plusieurs ministres et autant de réformes. J’ai repassé le bac une fois, mais il me reste encore à l’avoir trois fois. J’ai tâté de toutes les activités, de la flûte à bec à la planche à voile. Je revois pour la deuxième fois une méthode complète de violon et je vais me mettre au rap. J’ai fréquenté des orthodontistes, des orthophonistes et même un pédo-nutritionniste. J’ai acheté des dizaines de jeans et des centaines de chaussures. Chacune de mes rides est la marque d’une angoisse. Est-il normal ? Va-t-il réussir ? Ne suis-je pas trop présente ? Trop absente ? En un mot : suis-je une bonne mère ? »
Quant à son livre « Je est une autre », sorti début mars 2020, c’est son premier roman. L’héroïne est une impostrice qui se dit victime d’un attentat alors que son bras handicapé vient d’un accident de voiture qu’elle a eu dans l’enfance avec sa mère et sa soeur.
« Je veux mettre l’accent sur ce regard « glorifiant » que l’on porte sur les victimes d’attentat, qui sont, selon moi, les héros des temps modernes, puisqu’il n’y a pratiquement plus de soldats qui reviennent de la guerre. Regard qui fait « envie » à des victimes d’accidents de la vie plus « banals ». J’ai été gênée par ce regard depuis longtemps, parfois même plus que gênée, au point de dire parfois que j’avais eu un accident de voiture… ». Ce roman est écrit à partir de plusieurs cas d’imposture qui ont eu lieu depuis la seconde guerre mondiale, et bien sûr avec le Bataclan etc.
Danielle ne se sent pas réellement handicapée : « J’ai vécu pour l’essentiel en marge de mon handicap. Bien entendu, avec les années, et les complications inévitables à une amputation si jeune (ça donne un membre très déminéralisé et qui se casse facilement), j’ai perdu beaucoup de mobilité et la voiture est devenue une extension de moi-même… J’y ai toujours un fauteuil roulant dans le coffre et je l’utilise pour les expos et les balades. »
Danielle Michel-Chich, co présidente d’une belle association
« J’ai découvert FDFA en 2003. Je faisais un documentaire pour la 5 sur la situation des handicapés en France. J’ai donc rencontré pas mal de présidents d’associations de personnes handicapées. Et c’était le moment où Maudy organisait son premier colloque à l’Hôtel de Ville, raconte Danielle. Nous avons tout de suite sympathisé mais j’ai toujours résisté à sa demande de m’engager au conseil d’administration de FDFA. Sans doute parce que je ne me suis jamais identifiée comme handicapée. Je me suis contentée d’être toujours « compagne de route » de FDFA en animant les colloques et autres débats, c’est-à-dire ce que je sais faire. Je me suis laissée convaincre au printemps dernier de faire partie de ce triumféminat par égard pour la mémoire de Maudy. J’ai compris que la présidence intérimaire – tenue par une femme valide ndlr – donnait des soucis et risquait de mettre l’association en péril ».
Maudy avait beaucoup d’admiration et d’amitié pour Danielle Michel-Chich. Elle disait souvent à la fin de sa vie qu’elle voyait Danielle comme la Présidente idéale de FDFA. Elle lui en avait parlé, mais Danielle résistait, étant trop occupée par de nombreuses responsabilités associatives. L’astuce trouvée lors de la dernière A.G. lui aurait certainement plu.
Danielle est impatiente de pouvoir donner plus de temps à FDFA. « Pour l’instant, je me sens un peu gênée d’en faire si peu alors que je vois qu’il y a tant à faire. Il y a encore beaucoup de sujets sur lesquels je n’ai pas eu le temps de me mettre au courant car je terminais mon roman. Ce sera différent à mon retour, car c’est le moment où mon livre sortira et je serai plus dispo pour aller passer du temps au local : il n’y a que comme ça que je pourrais vraiment connaître la réalité de l’association. »
Pour en savoir plus sur l’association FDFA : https://fdfa.fr/
En photo : Danielle Michel-Chich © Matthieu Renault