Selon que l’on est paraplégique, hémiplégique, tétraplégique, porteur de SEP ou de spina bifida ou blessé médulaire, les troubles de la sensibilité génitale seront différents : selon le niveau d’atteinte de la moelle épinière, la sensibilité des organes génitaux sera émoussée ou absente en partie ou en totalité, empêchant souvent érection, sécrétions vaginales, orgasme et éjaculation. Le Docteur Bernadette Soulier (notre photo) aborde avec nous toutes ces questions, avec franchise et sans langue de bois.
Chez la femme
Il convient de prévoir de compenser le déficit de lubrification par des gelées spermicides, qui ont en plus un rôle protecteur contre les infections, ou un lubrifiant à l’eau. Heureusement, même dans les lésions hautes avec anesthésie complète des organes génitaux externes et internes, la femme peut éprouver des sensations orgasmiques à la pénétration profonde grâce à une innervation du fond du vagin par le nerf vague venant de très haut non touché par le traumatisme. Les femmes décrivent des bouffées de plaisir, sorte de fourmillement qui remonte dans les seins et le cou et donne une sensation de plénitude.
Chez l’homme
Les hommes veulent à tout prix retrouver une érection pour revivre un rapport sexuel. On doit systématiquement les informer des différents moyens techniques permettant une érection : élastique garrot, vibromasseur pour homme, érecteur à dépression, médicaments comme le Viagra, le Sidélnafil (80% d’efficacité), le Prostaglandines (PGE1) en Injections Intra Caverneuses Edex (95% d’efficacité) ou le Moxisylyte Icavex (40% d’efficacité). Attention, les molécules d’action cérébrale sont inefficaces.
A savoir :
– pendant le rapport, l’homme évitera d’être dessus pour ne pas porter son corps avec ses bras et perdre son érection. La verge peut être lubrifiée pour éviter la perte de l’érection au moindre frottement.
L’orgasme a souvent lieu sans éjaculation, ce qui est mal vécu. On explique au couple que le plaisir n’en est pas modifié et qu’il n’est pas seul dans ce cas. Les asiatiques, soit environ le tiers de la population mondiale, s’appliquent à dissocier orgasme et éjaculation dans un but d’élévation spirituelle. Quand les hommes apprennent ça, ils s’en trouvent apaisés.
Après l’orgasme, il existe une nette sédation des contractures et des douleurs sous-lésionnelle durant quelques heures. Grâce à ces moyens, le coït devient possible. Mais le traitement ne restaure pas la sensibilité génitale quand elle est absente. Désenchantés, les hommes abandonnent progressivement ces aides médicales.
C’est pourquoi, une fois informés des techniques médicales, puisque c’est la demande initiale, on les informe aussi, avec leur conjoint quand ils en ont un, sur la façon d’obtenir eux-mêmes du plaisir et d’en donner à leur partenaire, puisque la peur d’être quittés s’ils ne peuvent pénétrer leur femme est omniprésente.
Il faut aussi rassurer les hommes sur le fait qu’une femme peut atteindre l’orgasme et être épanouie sans coït, leur indiquer comment donner « autrement » du plaisir à l’autre, par le biais du clitoris, des rapports buccogénitaux ou par l’utilisation des doigts ou d’un godemiché.
Quelque soit le niveau d’atteinte lésionnelle, il s’agit de développer les fantasmes et créer de nouvelles voies de plaisir (stimulation mécanique par le toucher, stimulation psychique par les fantasmes).
Il convient aussi de les inciter à développer leurs autres sens (toucher, vue, audition, goût) et dépasser la peur de l’échec et se concentrer sur le changement de rythme de la respiration, l’apparition de sueur, de frisson. Progressivement, la stimulation des mamelons, lèvres, bouche, nuque, haut du dos vont provoquer un « para-orgasme » qui apporte détente et bien-être. Si les partenaires sont bien l’un avec l’autre, à l’écoute de leur corps et de leurs sensations, le plaisir est au rendez-vous. C’est un long et difficile parcours de confiance, de découverte de l’autre et d’amour.
Spina-bifida
L’immaturité affective des adolescents est assez caractéristique. Ils découvrent tardivement la sexualité en raison d’une surprotection parentale, d’hospitalisations longues et fréquentes durant l’enfance, de leurs problèmes d’urines et de selles qui les monopolisent, de l’insensibilité des organes génitaux. Mais cela ne les empêche pas de ressentir des émois sexuels comme tous les jeunes.
Contrairement aux paraplégies accidentelles, ils n’ont pas de référence à un passé sexuel, à une vie de couple antérieure. On aidera le jeune à découvrir ses propres sensations érotiques, que ce soit dans les zones sexuelles ou sur d’autres parties du corps.
Une prise en charge psychothérapeutique systématique des jeunes semble nécessaire pour pallier leur immaturité affective, restaurer le narcissisme, améliorer l’image de soi, favoriser l’expression des émotions et traiter les très fréquentes dépressions associées.
D’un point de vue sexologique, la prise en charge rejoint celle des paraplégiques. On conseille des préservatifs sans latex, car l’allergie à cette matière est fréquente.
Sclérose en plaque (SEP)
Neuf ans en moyenne s’écoulent avant l’apparition de troubles sexuels et de troubles sphinctériens. Une diminution ou une perte de la sensibilité génitale, une asthénie intense, des troubles psychologiques, tels que la dépression, surviennent progressivement. Tous les degrés de troubles sexuels existent. On note souvent une augmentation des androgènes et de la prolactine chez la femme et une chute de testostérone chez les hommes ayant un déficit érectile.
La dépression sera traitée et un psychothérapeute aidera le couple.
On conseille de programmer les rapports sexuels en fonction de la fatigue.
Le reste de la rééducation ressemble à celle de la paraplégie.
Infirmité Motrice Cérébrale (IMC) et mouvements involontaires
La masturbation est pratiquement toujours possible en étant positionné de façon adaptée.
Une séance de relaxation quotidienne permet de diminuer les contractures.
Malgré les contractures et les mouvements involontaires, dans le bien-être de l’enlacement, le corps se détend, permettant les caresses réciproques ainsi que la pénétration. On conseille de prendre le temps lors de l’acte sexuel, de s’installer confortablement en s’aidant de coussins si besoin.
L’émotion augmente l’athétose, donc on conseille de flirter un temps pour se connaître avant l’acte sexuel.
Si la femme présente des contractures telles qu’elles empêchent l’écartement des cuisses, l’homme peut s’allonger derrière la femme, tous les deux sur le côté. Une fragilisation chirurgicale ou une alcoolisation pour allonger l’adducteur de la cuisse peuvent être réalisées pour faciliter tous les gestes intimes de la vie quotidienne.
Maladies neuromusculaires, myopathies
Peu de maladies neuromusculaires altèrent la fonction sexuelle. Faiblesse et rétractions musculaires touchent fréquemment les muscles des membres supérieurs, rendant la masturbation difficile mais possible, en général à plat ventre ,ou calé avec des coussins.
Une insuffisance respiratoire associée est fréquente. On conseille de diffuser dans l’air ambiant de l’oxygène ou de laisser en place la sonde nasale à oxygène pendant le rapport sexuel ou la masturbation.
Une atteinte cardiaque sous traitement permet en principe les rapports.
Dans le cas de la myasthénie, une altération des muscles striés volontaires autour du vagin et à la base du pénis peut diminuer la force de l’orgasme et de l’éjaculation.
Ostéogenèse imparfaite ou maladie des os de verres
L’extrême fragilité osseuse qui caractérise cette pathologie s’améliore à la puberté et les os ne se fracturent plus à l’âge adulte. Les rapports sexuels peuvent avoir lieu sans peur de se briser.
Les massages peuvent transformer ce corps médicalisé couvert de cicatrices en un corps qui peut ressentir du plaisir.
Ce type de traumatisme peut provoquer une hyper ou une hypo sexualité, le passage de l’une à l’autre pouvant exister.
Soit on a une hyper sexualité avec levée de l’inhibition (syndrome frontal), la personne est toujours prête à solliciter l’autre pour un acte sexuel ou à se masturber. Lors d’hyperactivité sexuelle le couple peut planifier ensemble sur un calendrier les rapports sexuels. Si le contrat n’est pas respecté, le couple fera chambre à part.
Soit l’apathie prédomine avec une indifférence pour la sexualité, un trouble érectile, des troubles du désir ou de l’orgasme. La perte du désir et « l’oubli » de la façon de se servir de son corps peuvent disparaître en un ou deux ans après l’accident.
La thérapie individuelle et de couple permettra d’aider le conjoint dont l’amour bien souvent s’effrite. Il souffre terriblement de se retrouver avec un « inconnu », qui parfois ne le reconnaît pas, qui oublie tout, qui n’a pas de souvenir de leur passé, qui n’a plus le même corps, qui a du mal à articuler les mots etc. On aidera à retrouver les souvenirs de vie (photos, récits, lieux) pour reconstruire des souvenirs heureux.
Des exercices corporels adaptés au déficit physique associé aideront à se redécouvrir corporellement. La participation à des activités et une bonne insertion sociale améliorent les possibilités cérébrales, la vie affective et la vie sexuelle des personnes en situation de handicap.
Les parents essayeront d’éviter d’être trop intrusifs dans leur intimité, bien que leur aide ait été bienvenu au début.
Dr Bernadette Soulier