Emploi accompagné : Le Service d’ Emploi Accompagné Lyon Métropole ouvre ses portes !
Le Service d’ emploi accompagné Lyon Métropole a ouvert ses portes le 3 octobre 2016. Nous sommes allés à la rencontre de Matthieu Lebleu, son directeur.
Pouvez-vous vous présenter et nous raconter votre parcours professionnel ?
Je suis directeur d’un établissement de service d’aide par le travail, l’ESAT Jacques Chavent, depuis 2013, et directeur du Service d’ emploi accompagné Lyon Métropole (SEA) depuis sa création fin 2016. Mon parcours professionnel en amont c’est une formation d’ingénieur et des postes de responsable de production dans l’industrie agroalimentaire. J’ai démarré ma vie dans le médico-social par une formation en master spécialisé qui s’appelle « Management de secours social » chez Euromed à Marseille (désormais KEDGE), associée à un poste de directeur adjoint dans un petit ESAT du Vaucluse, puisque j’habitais alors à Avignon. Mon premier poste, je l’ai pris à Lyon, à l’ESAT Jacques Chavent situé à Lyon-Gerland.
Qu’est-ce qui vous a mené à l’emploi accompagné ?
Je travaille au sein de l’ESAT Jacques Chavent depuis trois ans et demi à peu près, et c’est vrai que je suis toujours un peu chagriné que cette notion de tremplin vers le milieu ordinaire n’existe pas réellement. Je n’ai vu personne passer du milieu protégé au milieu ordinaire, jusqu’à ce que Jérôme Gallois, vienne évoquer le sujet de l’emploi accompagné. Aujourd’hui j’ai bien le sentiment que les personnes qui se sentiraient le courage d’intégrer le milieu ordinaire, passent d’un milieu relativement coucounant qu’est celui de l’ESAT à, d’un coup, un lâcher sans filet dans le milieu ordinaire. Cela veut dire que ces gens-là, finalement, reviennent souvent vers l’ESAT parce qu’ils ont été cabossés par le milieu ordinaire, faute d’avoir pu bénéficier d’un bon accompagnement.
Ce constat a été mon premier ressort vers l’emploi accompagné et quand l’ADAPEI m’a dit : « Jérôme Gallois vient parler d’emploi accompagné », un concept dont je ne connaissais pas le principe, je me suis dit que cela pouvait être très intéressant. Même si le public auquel s’adresse l’emploi accompagné reste assez minoritaire, cela signifie tout de même des solutions nouvelles pour l’insertion professionnelle. C’est déjà un tremplin.
Pouvez-vous nous présenter le SEA Lyon métropole ?
Le Service d’ emploi accompagné Lyon Métropole est opérationnel depuis le 3 octobre 2016. Dans un premier temps l’objectif était de le faire connaître pour marquer notre singularité au milieu de tous les acteurs du handicap sur la métropole, aller les voir en leur expliquant en quoi consiste notre service et sa valeur ajoutée. Après on a été pris un peu entre deux chaises puisqu’à la fois, d’un point de vue expérimental nous pouvions prendre des initiatives, et en même temps nous devions tenter de décrire la méthode et le champ d’application du concept d’emploi accompagné. Car la loi qui instaure l’emploi accompagné a été votée au mois de juillet 2016, et les décrets sont sortis le 26 décembre 2016.
Parlez-nous du concept d’emploi accompagné.
L’emploi accompagné n’est pas un service de l’ESAT. C’est un service à part entière destiné aux personnes avec une RQTH ayant des souhaits d’intégrer le milieu ordinaire, et ayant besoin d’un accompagnement par rapport à leur fragilité, plutôt dans la relation. Par exemple une personne en fauteuil roulant qui dispose de l’ensemble de ses capacités intellectuelles n’a pas forcément besoin de notre service. L’emploi accompagné s’adresse davantage à un public en situation de handicap mental ou psychique, de déficience intellectuelle, ou avec des problèmes de relations, de maturité, de manque d’autonomie ou de confiance en soi par rapport à la reprise d’un travail. Il va s’agir souvent de personnes qui sont à mi-chemin entre l’ESAT et le milieu ordinaire : parce qu’elles font des allers-retours entre les deux, ou parce qu’on leur propose une orientation en ESAT mais qu’elles ne souhaitent pas y aller, préférant être autonomes et aller directement en milieu ordinaire. Ou il peut s’agir tout simplement des personnes qui souhaitent quitter le milieu protégé et ont besoin d’être accompagnées pour que ce soit durable.
Quelles sont les différentes manières d’entrer en contact avec le SEA Lyon Métropole ?
Nous sommes là pour les employeurs qui accueillent déjà une personne en situation de handicap et qui ont besoin de notre aide pour pérenniser cette démarche. Par exemple s’ils rencontrent des difficultés ou si le projet se dégrade malgré eux. Ils peuvent également faire appel à nous s’ils ont des projets d’embauches susceptibles également de s’inscrire dans le concept de l’emploi accompagné.
Pour le reste, nous allons quotidiennement à la rencontre des différents acteurs de l’emploi et du handicap (grandes entreprises, TPE-PME, MEDEF, CGPME, FIPHFP…) afin de les sensibiliser et de les informer, notamment à travers des conférences.
La démarche pourra être différente suivant que l’on prépare une intégration dans une grande entreprise ou une TPE. Dans une TPE, quand le chef a décidé d’investir ce champ de l’inclusion des personnes handicapées, il est décideur mais c’est aussi lui qui au quotidien va l’assumer. Par exemple, s’il s’agit d’un artisan qui emploie un unique salarié. Dans une grande entreprise, il peut y avoir une décision prise en conseil d’administration et en conseil de gestion des ressources humaines, mais quand le salarié recruté va arriver dans l’entrepôt logistique, il ne sera pas forcément face à des personnes qui ont participé à la décision d’entrer dans une démarche d’emploi accompagné. C’est pour cela qu’il faut pour nous rester attentifs au fait d’être en lien à la fois avec l’administration et avec les opérationnels, car eux n’ont pas forcément décidé. Ce rôle de conciliation et d’intermédiaire entre tous les participants fait partie des missions du SEA.
Les différents acteurs de l’aide à l’insertion professionnelle (Cap emploi, missions locales…) peuvent-ils également vous contacter ?
Oui, tout à fait. Les missions locales, Cap emploi, et aussi Pôle emploi car parfois les gens (même s’ils ont une RQTH) ne veulent pas aller chez Cap emploi, pour ne pas être considérés comme des « personnes handicapées ».
Par ailleurs, nous pouvons également agir avec les centres de formation des apprentis. L’inclusion a d’abord démarré en France par l’école, avec des CLIS. Aujourd’hui il y a des personnes handicapées incluses dans le milieu scolaire ordinaire. Et comme cela fait une dizaine d’années que ce système est actif, ces personnes commencent à sortir de l’école… En sortant de l’inclusion scolaire, on rêve d’inclusion professionnelle. En sortie de CFA spécialisé, le Service d’ emploi accompagné Lyon Métropole peut ainsi accompagner les apprentis dans leur projet d’inclusion professionnelle.
Le SEA va-t-il être complémentaire aux autres organismes ?
Effectivement. Même si Cap emploi remplit déjà un rôle d’accompagnement, cet organisme a un portefeuille extrêmement important de personnes à suivre, et n’a pas le temps et les moyens de mettre en place un accompagnement de proximité, sur-mesure, aussi conséquent que celui du Service d’ emploi accompagné Lyon Métropole. Cet accompagnement approfondi nécessite des équipes dédiées qui peuvent être mobilisées aussi souvent que nécessaire. Je prends l’exemple de la bipolarité : quand tout va bien, nous intervenons une fois par mois de manière récurrente, mais quand les choses vont moins bien nous pouvons intervenir deux ou trois par semaine si c’est nécessaire, pour pouvoir reposer les choses et travailler sur la situation.
J’ai été assez sensible à l’argument que j’ai entendu, selon lequel finalement nos populations en situation de handicap mental sont aussi des gens qui ont objectivement une capacité à endosser la souffrance assez importante. C’est-à-dire qu’en général, lorsque ces personnes se retrouvent en milieu ordinaire et lèvent un jour la main pour dire « Je n’en peux plus », c’est trop tard, elles sont déjà en difficulté. Cela signifie que nous n’avons pas été en capacité de relever les signaux faibles qui montrent que la personne commence à décrocher ou que des choses ne vont pas dans l’équipe.
C’est pourquoi l’emploi accompagné repose vraiment un système tripartite qui comprend l’équipe d’employeurs, la personne handicapée, et notre service. Et donc libre à nos équipes de venir sur le terrain pour voir comment ça se passe et échanger avec chacun.
Le Service d’ emploi accompagné Lyon Métropole est aussi là pour sensibiliser et donner des codes aux personnes qui ne connaissent pas le handicap. Selon le type de handicap, il pourra y avoir des choses problématiques ou juste étonnantes, il s’agira de faire le tri ensemble pour que chacun comprenne et réagisse au mieux.
La vocation de ce service c’est, à côté de ce qui existe déjà en termes de préparation, d’insertion et de recherche d’emploi, d’accompagner des personnes dans leur insertion sur une durée indéterminée, et de faire la relation entre l’employeur et l’employé. Le SEA s’occupe autant de la personne handicapée que du service qui l’accueille. C’est cela qui est nouveau.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
On a créé il y a quelques années des SAVS (service d’aide à la vie sociale) pour des personnes par exemple embauchées en ESAT et qui vivent de manière autonome en appartement. Ce système consiste à suivre ces personnes pour vérifier qu’elles s’en sortent au niveau administratif et qu’elles tiennent une bonne hygiène personnelle de leur appartement… de manière à ce que cette vie en autonomie puisse fonctionner durablement. Le Service d’ emploi accompagné Lyon Métropole c’est en quelque sorte le SAVP : le service d’aide à la vie professionnelle. Des personnes en situation de fragilité sont embauchées pour travailler en autonomie et nous suivons leur parcours de manière récurrente pour nous assurer que cette situation est durable.
Photo : Matthieu Lebleu, directeur du Service d’ emploi accompagné Lyon Métropole ouvert le 3 octobre 2016.
Pour en savoir plus sur l’emploi accompagné : www.emploi-accompagne.fr