Rencontre avec Florence Delaunay, adjointe aux personnes en situation de handicap de la ville de Lyon
La nouvelle équipe municipale a pris ses quartiers en juin dernier. Nous allons pouvoir vous faire découvrir les grandes lignes et la philosophie de la politique handicap qui sera menée par la ville de Lyon ces prochaines années. Florence Delaunay, adjointe en charge de cette mission, gère également les thématiques droits et égalités, mémoire, culte et spiritualité, égalité femmes-hommes, droits des citoyens, et anciens combattants. Elle répond à nos questions. Les différents domaines de son champ d’action se recoupent selon une logique établie par le maire, M. Grégory Doucet, dont la philosophie est de ne plus travailler en silo comme ce fut le cas précédemment.
Comment avez-vous abordé le champ du handicap et quelle importance revêt-il à vos yeux ?
Pour commencer je tiens à dire que je ne suis pas concernée à titre personnel par un handicap. J’ai par contre, au cours de ma carrière de professeur de lettre et de culture générale, été confrontée à l’accueil d’étudiants en situation de handicap. Cela qui m’a incitée très tôt à faire évoluer mes pratiques pédagogiques pour répondre aux besoins de handicaps tels que l’autisme ou les troubles dys. Si le handicap se trouve au milieu des autres missions que je dois mener, il n’y a pas de caractère hiérarchique entre elles. Les droits des citoyens les relient toutes, mais lorsqu’il s’agira d’être en relation avec les associations, nous conserverons naturellement leurs particularités. La volonté de Grégory Doucet est cependant de ne pas segmenter les handicaps, car ils sont le fruit d’une déficience et c’est face à une inadaptation environnementale et sociétale qu’ils se révèlent. C’est dans cet environnement sociétal que nous allons pouvoir développer des politiques d’inclusion et non pas des politiques d’assistance. Toutes ces missions d’une grande importance ouvrent la porte à de nombreuses transversalités comme des convergences très riches. Après six mois de fonction, je constate que je peux compter sur la richesse du tissu associatif lyonnais, et sur la fécondité qui ressort des liens que j’entretiens avec toutes ces associations, c’est très dynamisant. Je suis ravie d’être en contact avec les responsables de ces associations qui portent un engagement citoyen et une approche souvent très positive de la société.
Avez-vous été familiarisée avec le handicap lors de votre prise de fonction ?
Oui tout à fait, car Thérèse Rabatel qui occupait cette fonction avant moi a eu à cœur de passer du temps avec moi. Elle m’a transmis les dossiers et m’a expliqué les éléments de sa politique. Je l’en remercie encore chaudement car c’est un exemple rare de transition politique. Il y a donc eu une continuité politique et une continuité des services très favorable à ma prise de fonction. Ce qui m’a aussi aidée dans mon approche du handicap, c’est le fait d’avoir été longtemps présidente d’une association de cyclistes. Lors des réunions de concertation avec la ville de Lyon, j’étais autour de la table avec des représentants de personnes à mobilité réduite. Je me suis rendu compte que les personnes en situation de handicap étaient trop souvent reléguées à la portion congrue dès lors qu’il s’agissait d’aménagements de la voirie. Cela m’amène aujourd’hui à être très attentive aux personnes à mobilité réduite, car elles ne peuvent pas s’affranchir de leur handicap dans leur vie quotidienne et à fortiori dans leurs déplacements.
Quel regard portez-vous sur la notion de ville inclusive ?
L’inclusion entre dans un cadre légal, celui de la loi de 2005, il faut le repréciser. Pour moi une ville inclusive est une ville où l’on pense les aménagements dès leur conception pour répondre aux attentes de tous les habitants, et cela concerne aussi l’accès au logement, les ERP et les IOP. La riche histoire de Lyon est une difficulté car il y a de fait de beaucoup de bâti ancien qui constitue un patrimoine contraignant, et surveillé par les architectes des bâtiments de France qui ne laissent rien passer. C’est un vrai combat quotidien que de faire répondre la ville à tous les besoins. Bien qu’il y ait eu une volonté de mise en accessibilité du patrimoine, nous sommes encore en retard sur l’accessibilité des ERP de catégorie 5 (les plus petits).
Quelles sont les lignes directrices et les grands chantiers de votre délégation ?
L’un de nos chantiers prioritaires se porte sur l’accessibilité numérique, nous devons rendre accessibles tous les sites web de la ville et ce n’est pas simple, car il faut que leurs contenus soient conçus dès le départ de manière à permettre cette accessibilité. C’est une révolution copernicienne que nous menons en coopération avec la Métropole de Lyon. Nous mettons en place dans ce cadre un audit pour déterminer le niveau des besoins. Je désire aussi que la thématique du handicap soit mise en valeur dans la communication institutionnelle de Lyon, avec l’objectif de changer le regard. Je pense que c’est aussi de notre responsabilité de faire naître des regards inclusifs. L’autre grand chantier c’est l’AD’AP (l’agenda d’accessibilité programmé), un dispositif que j’ai découvert en arrivant, avec ses tranches, ses diagnostics, et les budgets qui ont été décidés lors de la précédente mandature. Ce qui nous constatons, c’est un gros retard. Il n’y a que 11% des ERP et IOP de la ville de Lyon qui sont totalement accessibles. Notre objectif à 2026 c’est d’arriver à 43%. Pour atteindre ce taux, nous allons viser prioritairement les établissements qui ne sont qu’à quelques pourcents de l’objectif. Pour les autres, nous allons travailler par bassins de vie en fixant des priorités dans chacun d’eux. Il n’est concrètement pas possible de passer de 11% à 100% d’ici aux prochaines élections, ce que nous regrettons. Nous allons pour cela travailler main dans la main avec le CARPA qui fédère les associations locales sur le sujet de l’accessibilité.
Qu’en est-il des domaines de la culture, du tourisme, de l’école… ?
Tout cela rejoint la logique de la transversalité des projets qui est au cœur du fonctionnement de nos politiques. L’attention au handicap portée par l’adjointe à l’éducation, l’adjoint à la voirie, à la culture… fait partie de la feuille de route de toutes les délégations. Le porteur d’un projet devra indiquer dans sa présentation les différents adjoints avec lesquels il va travailler. Quand j’aborde l’égalité des droits hommes-femmes, c’est une préoccupation portée par toutes les délégations, il en est de même pour le handicap. Quand on conçoit une ville attentive aux enfants, aux plus âgés, attentive à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, elle est naturellement attentive aux questions du handicap, tout est lié. Ce qui n’exclut pas l’aspect budgétaire que personne ne peut ignorer. Pour procéder à des transformations urbaines et architecturales, il faut de l’argent et si celui-ci n’est pas disponible il faut faire des choix. Dans les futurs grands projets, nous mettrons le bon sens en priorité avant le côté marketing et attractif de la ville. Nous souhaitons une ville rayonnante par sa qualité de vie, plus que par la taille et le prestige de ses projets. Le geste architectural ne doit plus passer avant la qualité d’usage et pour cela la parole des riverains et des lyonnais doit être entendue et prise en compte.
Envisagez-vous une amélioration du dispositif de transport Optibus qui présente de sérieuses limites d’utilisation pour les bénéficiaires en situation de handicap à Lyon ?
Je connais effectivement la situation en rapport avec un dossier que j’ai dû fournir pour les besoins de ma propre maman. Mais aujourd’hui c’est un sujet sur lequel je n’ai pas encore assez avancé pour vous donner une réponse concrète. Nous travaillons cependant en étroite collaboration avec le Sytral pour rendre les transports en communs toujours plus accessibles.
Quels sont, d’après-vous, les points forts, les particularités et les points à améliorer au niveau de la ville de Lyon dans ce domaine ?
Le premier point fort auquel je pense, c’est la récompense européenne reçue en 2018 des Access City Awards et qui a désigné Lyon comme un exemple d’accessibilité. L’autre point fort que j’ai pu constater par moi-même, c’est la qualité des relations avec les associations. La transversalité entre les services est aussi une force que nous devons ancrer. Dans les points d’amélioration, je pense que nous devons aller beaucoup plus loin dans notre communication sur la réalité de la vie des personnes handicapées. Nos deux chantiers prioritaires sont l’Ad’AP et l’accessibilité numérique. Nous avons d’ailleurs réussi à mettre une place une commission communale d’accessibilité en visioconférence accessible à toutes les formes de handicap, ce qui prouve que les services de la ville sont déjà très sensibilisés. À l’avenir, nous allons offrir aux membres de cette commission la possibilité de bénéficier de cette solution quand le déplacement est trop compliqué.
Que conservez-vous de la précédente délégation aux personnes handicapées ?
Il y a beaucoup de chose à conserver de la mandature de Thérèse Rabatel. C’est le cas de la commission communale d’accessibilité qui possède une excellente qualité de dialogue. Depuis mon arrivée, j’ai d’ailleurs fait entrer dans cette commission des associations de cyclistes. Nous avons la volonté de participer à la vie associative et nous ouvrir toujours plus au secteur associatif. La ville de Lyon a longtemps été en avance sur l’accueil des enfants en situation de handicap dans les crèches, dans les écoles et dans le périscolaire, ce que nous allons encore renforcer avec le dispositif différence et petite enfance. Le guide de l’offre accessible est un outil qui a très bien fonctionné et que nous allons aussi faire évoluer. Il y a encore beaucoup de choses tout aussi qualitatives que je n’évoque pas.
La Ville et la Métropole vont-elles marcher main dans la main sur le sujet du handicap à Lyon ?
Oui tout à fait, le nouveau vice-président Pascal Blanchard est de la même formation politique, ce qui simplifie les choses. Aujourd’hui nous attendons encore que soit nommée une personne à la présidence de la commission métropolitaine d’accessibilité. Nous allons, au cours de cette mandature, mettre en oeuvre une véritable cohérence entre la ville et la Métropole sur les grands projets, ce qui n’était pas forcément le cas précédemment. Mon souhait, c’est d’aller vers plus d’interactions entre nos deux collectivités pour éviter l’exemple du réaménagement du Vieux Lyon qui, avec les pavés utilisés dans les rues en ont fait l’un des espaces les moins accessibles d’Europe. Avec le même projet aujourd’hui nous ferions une zone accessible à tous.
Le Maire de Lyon est issu de Handicap International et sa première Adjointe Audrey Hénocque est elle-même en situation de handicap, cela représente-t-il un plus pour la ville et vos missions ?
Oui, c’est véritable avantage dans la politique inclusion. L’oreille du Maire, comme celle de la première adjointe, est grande ouverte quand il s’agit de handicap. Lorsqu’il y a des arbitrages à faire en termes de budget et que la question du handicap est sur le dossier, je sais que cela pèsera de manière très favorable.
En photo : Florence Delaunay, adjointe au maire de Lyon en charge des personnes en situation de handicap.
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