Handicap et agriculture : Peu connu des candidats, ce secteur est pourtant le terreau de nombreux emplois
Dans le cadre du Mondial des métiers 2019, qui aura lieu du 7 au 10 février, nous vous présentons le secteur de l’agriculture et ce qu’il prévoit pour les personnes en situation de handicap. Le monde agricole est vaste et varié dans ses opportunités, c’est le terreau de nombreux emplois, y compris pour les personnes handicapées. Il est soumis aux mêmes obligations d’embauches de travailleurs handicapés que tout autre secteur professionnel. Handicap et agriculture peuvent ainsi faire bon ménage.
Dans la perspective du prochain Mondial des Métiers de Lyon*, nous avons rencontré Dominique Romagnoli, coordinatrice régionale mission apprentissage/handicap pour la Chambre régionale d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes. Avec les centres de formation et les professionnels du monde agricole, elle anime et accompagne l’apprentissage et la formation de jeunes handicapés qui ont fait le choix du monde rural.
L’apprentissage permet-il aux personnes en situation de handicap d’accéder aux métiers de l’agriculture ?
« En préambule, je précise que la mission apprentissage handicap est en activité depuis 2014, dans le cadre d’une convention entre la Chambre régionale d’agriculture et l’Agefiph** Auvergne-Rhône-Alpes. Elle consiste à développer l’accès à l’emploi des personnes handicapées par l’apprentissage. Dans les faits, les opportunités professionnelles en apprentissage qu’offre le milieu agricole s’adressent essentiellement à un public jeune (sorti de 3ème), en situation de handicap « invisible » de type cognitif ou psychique. Cependant, quelques candidats de plus de 25 ans ont accès chaque année à des formations agricoles en apprentissage car il n’y a plus de limite d’âge lorsque la personne est en situation de handicap.
Sur l’ancienne région Rhône-Alpes, cela représente un peu plus de 50 contrats d’apprentissage par an avec des personnes en situation de handicap. Ces apprentis présentent pour 72% des troubles « dys » (dysléxie, dysorthographie, dyspraxie…) et sont principalement embauchés dans le secteur des travaux paysagers (entre 60 et 70 % des contrats).
Un autre secteur d’activité est une source d’emploi en progression, celui de la production agricole, qu’elle soit liée à l’élevage (bovin, ovin, caprin, petits animaux, pisciculture…) ou au végétal (travaux forestiers, maraîchage, horticulture, pépinières…), elle se situe entre 20 et 29 % des contrats. D’autres secteurs comme l’agroéquipement, la transformation agroalimentaire, les organismes agricoles, proposent quelques contrats chaque année.
En effet, les Chambres d’agriculture enregistrent les contrats d’apprentissage de toutes les entreprises affiliées à la Mutualité Sociale Agricole, ce qui explique cette variété de milieux professionnels terreau d’emplois.
Une fois l’apprentissage effectué quels sont les débouchés ?
« On peut dire qu’à l’issue de la période d’apprentissage, l’insertion professionnelle est facilitée, certains apprentis en situation de handicap poursuivent leurs études sur un diplôme équivalent ou supérieur parfois chez le même employeur. Un ou deux par an sont embauchés par leur maître d’apprentissage.
Comment ces jeunes handicapés en arrivent-ils à suivre ce type de filière ?
« La plupart connaissent soit un agriculteur, soit un secteur de l’agriculture comme l’élevage, le paysage car ils sont issus du milieu agricole, directement ou indirectement. Certains passent par des stages découvertes et se passionnent pour ce milieu (jeunes en 3ème ou en ITEP***). D’autres arrivent par les opérations « portes ouvertes » des centres de formations d’apprentis agricoles, ce sont aussi parfois des élèves qui sortent de dispositif ULIS, (Unité Locale d’Inclusion Scolaire, de l’Education nationale), très peu finalement arrivent via les missions locales.
Pour la mission apprentissage handicap, le repérage de ces jeunes provient essentiellement des référents H+ des centres de formation qui ont signé la charte H+ Région/Agefiph en Auvergne Rhône-Alpes. J’ai un lien très fort avec tous ces référents H+. Les services d’apprentissage des Chambres d’agriculture départementales sont aussi amenés à repérer des jeunes si la mention « déclare bénéficier de la reconnaissance travailleur handicapé » est cochée sur le contrat, tout comme les Centres d’aide à la décision des Chambres de métiers qui peuvent les accueillir en amont pour des bilans de positionnement avant entrée en apprentissage.
Pour les apprentis qui souhaitent bénéficier d’adaptations pédagogiques (soutien scolaire, remédiation cognitive….) au Centre de formation, il est aujourd’hui fortement recommandé de passer par une demande RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de son département de résidence. Ces adaptations sont réalisées par les Centres d’aide à la décision des Chambres de métiers en lien avec les Centres de formation d’apprentis et financées par l’AGEFIPH. La RQTH permet aussi de déclencher des aides financières attribuées par l’AGEFIPH telles que l’aide au parcours vers l’emploi de la personne handicapée pour l’apprenti mais aussi les aides à l’embauche, à l’accueil et intégration professionnelle dans l’entreprise pour l’employeur ; dans ce domaine c’est moi qui interviens pour l’agriculture auprès des familles et des entreprises pour leur présenter ces aides et mettre en place les dispositifs.
À notre échelle nous représentons souvent le premier niveau d’information des familles dont l’un des enfants a choisi de s’orienter dans le milieu agricole. Nous leur expliquons ce qu’une RQTH peut leur apporter notamment cet appui au niveau scolaire afin de donner toutes les chances à leur enfant de réussir son diplôme. Nous faisons ensuite le lien entre la famille, le centre de formation, la Chambre d’agriculture départementale, la Chambre de métiers et l’employeur et maintenons un contact tout le long du contrat».
Est-ce que les employeurs du milieu agricole sont ouverts à l’emploi de personnes handicapées ? Handicap et agriculture sont-ils compatibles ?
« Oui car dans le cas de l’apprentissage nous sommes dans du handicap « léger ». Je suis même étonnée de leur besoin de transmettre leur savoir à ces jeunes. Ils mettent tout en œuvre pour les accompagner vers le diplôme. Mais avant cela nous les avons sensibilisés aux particularités du handicap de leur apprenti afin que ne surviennent pas des incompréhensions au cours de l’apprentissage liées à ces handicaps « invisibles » (cognitif et psychique). C’est d’autant plus important dans les cas de handicaps cognitifs ou psychiques, car ces derniers peuvent êtres invisibles au premier abord. C’est fondamental de créer les bases de bonnes conditions pour l’apprentissage. Les employeurs avec qui j’ai des contacts sont de toute manière très engagés pour faire réussir ces jeunes même si quelquefois il y a des ruptures de contrat. Les jeunes sont aussi très suivis par le centre de formation et quelquefois par des éducateurs qui peuvent être sollicités pour un point en cours de formation ou intervenir sur le lieu de travail ».
Quel est le niveau de diplôme proposé ?
« Tous les niveaux de diplôme, du CAP à Ingénieur, sont accessibles par l’apprentissage ; cependant nous constatons que les niveaux V sont dominants, 70% de CAP, contre 20 % de niveau IV (BAC), 2 à 5 % de niveau III (BTS). Certains jeunes poursuivent leurs études après le CAP vers un brevet professionnel de niveau BAC plus technique».
Comment s’organise l’espace agricole sur le mondial de métiers ?
« Nous aurons un grand espace qui s’appelle « Animaux, végétaux, agro-alimentaire, services où il y aura toutes les composantes de l’enseignement agricole qui relèvent du Ministère de l’agriculture. Plusieurs types de centres de formation seront présents : les lycées publics agricoles comprenant aussi la partie formation pour adultes, les lycées privés agricoles et enfin les maisons familiales et rurales. La Chambre régionale d’agriculture comme d’autres services du monde agricole seront représentés. Il y aura bien sûr, des démonstrations et des animations sur de nombreux métiers. En ce qui me concerne je ferai une permanence le samedi 9 février pour présenter les dispositifs dédiés aux personnes handicapées. Les visiteurs trouveront toutes les informations sur l’orientation et les débouchés. Il faut savoir que dans l’agriculture il y a environ 120 centres de formation sur la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pour s’y retrouver des guides seront distribués sur place ».
Handicap et agriculture : Tous les acteurs de l’emploi et de l’enseignement jouent un rôle…
« Oui, pour conclure je précise que la mission apprentissage handicap a aussi un rôle de relais avec les services publics de l’emploi, Pôle-Emploi, Cap-Emploi, Missions Locales et l’Éducation Nationale en plus des structures déjà évoquées…
Une plateforme a été mise en place par l’Académie de Grenoble sur laquelle on trouve tous les partenaires du handicap qui œuvrent à l’orientation et l’insertion des jeunes handicapés : www.handicap.ac-grenoble.fr. J’interviens également auprès des collèges pour informer sur nos métiers et aussi pour faire passer le message aux familles qui connaissent mal le contexte d’une formation en milieu professionnel hors Éducation nationale ».
En photo : Légende : Dominique Romagnoli, coordinatrice régionale mission apprentissage/handicap
* Le Mondial des Métiers se déroulera du 7 au 10 février 2019 à EUREXPO Lyon.
**Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées
***Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique