Le réalisateur autrichien Michael Haneke a remporté hier la Palme d’or du 62e Festival de Cannes avec « Le ruban blanc ». Déjà récompensé deux fois à Cannes, en 2001 d’abord , pour « La pianiste », adapté d’un roman d’Elfriede Jelinek (Grand Prix et deux prix d’interprétation pour Benoît Magimel et Isabelle Huppert) puis en 2005, quand il avait reçu le Prix de la mise en scène pour « Caché », film dans lequel il explorait les ressorts pervers d’une relation mère-fille.
Un enfant se prétend aveugle
Né le 23 mars 1942 à Munich en pleine Seconde guerre mondiale, ce fils d’une actrice allemande catholique et d’un metteur en scène protestant a grandi en Autriche, lieu géographique du nazisme, et fait partie d’une génération marquée par la question du mal. Diplômé de philosophie et de psychologie, cet admirateur d’Abbas Kiarostami et Jean-Luc Godard, est venu relativement tard derrière la caméra, puisqu’il a d’abord été critique de cinéma et metteur en scène de théâtre. A partir de 1970 et jusqu’à la fin des années 1980, il est scénariste et réalisateur indépendant pour la télévision autrichienne. Il s’affirme ensuite comme l’un des réalisateurs les plus singuliers et les plus forts du continent européen, invité par la Quinzaine des réalisateurs, avec « Septième continent » en 1989, où un enfant se prétend aveugle et s’enferme dans une prison volontaire, puis avec « Benny’s Video » trois ans plus tard.
Exil et incommunicabilité
Dans « Le ruban blanc », Haneke met en scène un adolescent fasciné jusqu’au meurtre par les images, avant de prendre pour héros un étudiant qui tire dans la foule avec « 71 fragments d’une chronologie du hasard », en 1994. Au Festival de Cannes, il avait déjà brigué la Palme à quatre reprises avant cette année, présentant notamment « Code inconnu » en 2000, un film-puzzle sur l’immigration, l’exil et l’incommunicabilité tourné en partie en France et trois ans plus tôt « Funny Games ». Ce dernier, l’histoire d’une famille séquestrée par des adolescents sadiques, avait choqué. Il en a réalisé en 2008 un remake, en anglais, avec Naomi Watts et Tim Roth, « Funny Games U.S. » Film puissant à l’extraordinaire photographie en noir et blanc, « Le ruban blanc » dissèque les méfaits de l’éducation ultra-répressive en vogue en Europe au début du XXe siècle, et s’interroge sur les origines du mal. « Dans presque tous mes films, il y a des enfants », a déclaré le cinéaste à l’AFP , « mais le drame, c’est que ceux qui les maltraitent n’ont pas conscience d’abuser ou d’humilier leurs enfants. C’est cela qui est terrifiant, on peut être inhumain en croyant faire le meilleur pour ses enfants ». Ce film n’est pas que le portrait d’une génération qui 20 ans plus tard embrassera le nazisme, estime Haneke pour qui « Le ruban blanc » décortique « les racines de n’importe quel terrorisme, politique, ou religieux ».