Me Romy Collard-Lafond, avocate associée au cabinet Jehanne Collard et Associés, revient sur les principaux aspects de l’indemnisation d’appareillage, en particulier des prothèses de sport pour les victimes d’une amputation après un accident de la circulation.
Après un accident de la circulation, une personne sportive, victime d’une amputation, peut-elle bénéficier d’une indemnisation d’appareillage afin d’envisager la poursuite d’une activité physique ?
Me Romy Lafond Collard-Lafond : Pour une victime qui a dû subir une amputation après un accident de la circulation, les prothèses des membres amputés sont essentielles. Elles bénéficient d’avancées technologiques continues. Ainsi, il existe des bras, des genoux et pieds prothétiques électroniques dotés de microprocesseurs permettant de pratiquer la course à pied, le ski, le VTT… Les modèles les plus performants en particulier ceux qui permettent le retour à une activité physique en toute autonomie ont un coût très élevé. Ces prothèses ne font l’objet d’aucune prise en charge par les organismes sociaux car elles sortent des critères du protocole défini par la Sécurité sociale (CPAM) et donc non inscrites sur la liste des produits et prestations remboursables (LPP).
Comment font les personnes qui veulent reprendre une activité sportive après leur amputation pour bénéficier de ces prothèses ?
Me Romy Lafond Collard-Lafond : Il faut se battre pour l’obtenir car la victime a le droit pour elle ! Le principe de la réparation est consacré depuis longtemps par la Cour de cassation. Si avant l’accident[1] de la route, la victime pratiquait un sport, elle est bien sûr en droit d’obtenir une indemnisation auprès de l’assureur afin de pouvoir bénéficier des prothèses les plus adaptées pour la poursuite de son activité physique. C’est le rôle de l’avocat qui devra obtenir la prise en charge totale de la prothèse, des changements d’emboîture, etc. Les discussions ont lieu lors des opérations d’expertise médicale. L’évaluation des appareillages est réalisée par le médecin expert ou par l’orthoprothésiste. C’est à ce moment-là, que l’expert va devoir préciser l’ensemble des appareillages nécessaires ainsi que la fréquence de leur renouvellement.
Il est donc primordial que la victime soit bien conseillée et accompagnée à ce moment-là de la procédure ?
Me Romy Lafond Collard-Lafond : Oui. Avant tout, il est très important que la victime exprime tous ses besoins à son avocat. Par exemple, pour une victime amputée d’un membre inférieur, il est essentiel de prévoir l’acquisition et le renouvellement d’une prothèse principale et de secours, d’une prothèse de bain et/ou de sport et des accessoires. S’agissant des victimes qui ont une pratique soutenue en sport ou pour continuer la compétition, l’avocat devra demander des prothèses adaptées.
Nous avons l’expérience de ce type de dossier. Récemment, nous avons défendu un jeune homme de 28 ans, victime d’une amputation après un accident de la route. Il avait une pratique soutenue de plusieurs activités sportives, qu’il a continué dans le cadre Handisport. En supplément des prothèses de marche, nous avons obtenu du juge l’indemnisation totale d’une prothèse pour qu’il puisse continuer sa pratique de l’aviron. Une prothèse de bain, une prothèse pour la course à pied, une prothèse de ski et une prothèse VTT et leur renouvellement.
Comment l’évaluation de l’indemnisation d’appareillage est-elle faite ?
Me Romy Lafond Collard-Lafond : Tout d’abord, il est primordial que l’avocat ait une parfaite maîtrise de l’indemnisation du dommage corporel, qu’il soit attentif à ce que rien ne soit négligé pour que son client puisse bénéficier d’une indemnisation intégrale de l’ensemble de ses préjudices. Lors de l’expertise médicale, la victime devra être assistée par un médecin conseil, indépendant des compagnies d’assurances, expérimenté en matière de dommage corporel et de handicap, connaissant parfaitement les prothèses des membres amputés.
Concrètement, l’indemnisation du poste de préjudice de prothèse se fait sur facture ou devis ?
Me Romy Lafond Collard-Lafond : Un devis est suffisant. La victime peut être indemnisée des dépenses de santé dès lors qu’elle peut justifier d’un besoin validé par l’expert. En face, l’assureur ne peut pas imposer que les dépenses de santé futures soient indemnisées au fil du temps et sur présentation des factures payées. De surcroît, aucun contrôle ne peut être effectué sur l’utilisation des fonds alloués afin que la victime en conserve sa libre disposition (cass., crim., 2 juin 2015, n°14-83.967). A la suite d’un arrêt de la Cours d’appel d’Amiens, qui imposait à la victime d’être indemnisée de ses prothèses qu’après production des factures, notre cabinet a saisi la Cour de cassation qui a annulé la décision, permettant à notre client une indemnisation à partir de devis produits pour les prothèses.
En photo : Maître Romy Collard-Lafond © Grégoire Bernardi
[1] Si une victime est amputée après un accident du travail, une erreur médicale, ou un accident de la vie, les procédures d’indemnisation d’appareillage diffèrent, il est préférable alors pour la victime ou un proche de prendre conseil auprès d’un avocat.