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Le chansigne, un art qui rapproche sourds et entendants autour de la musique

Le chansigne, c'est un art à part entière qui concilie la danse et la langue des signes. Laëty et Adamo font partie des artistes qui le font vivre en France aujourd'hui.

Le chansigne, un art qui rapproche sourds et entendants autour de la musique
Branly – Spot 2 – PC
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Le chansigne, c’est une discipline artistique qui mélange la danse avec la langue des signes. Plus que ça, cette forme d’art consiste à représenter visuellement une chanson afin d’en partager le rythme, la poésie, les instruments et les paroles. Tout ceci est possible grâce à une adaptation des paroles en langue des signes, combinée avec une forme de danse et d’expression du visage. Parmi ses porte-paroles, il y a Laëty et Adamo, deux chansigneurs. Tous deux sont des passionnés, lui est sourd, elle est entendante. Rencontre.

Bonjour Laëty, bonjour Adamo, pouvez-vous présenter votre parcours ?

Laëty – J’ai commencé la langue des signes à l’âge de 15 ans, et après je suis partie à la rencontre des personnes sourdes, d’abord dans mon village, puis dans la grande ville dans laquelle j’habitais, au travers d’associations et d’évènements organisés par des personnes sourdes. J’ai eu la chance de rencontrer des artistes sourds et entendants, des interprètes et à un moment donné, on a monté une association, avec toute une équipe de personnes qui avaient comme passion l’amour de la langue des signes et sa poésie. C’est comme ça que j’ai eu l’envie de mélanger la langue des signes et la musique et que j’ai commencé le chansigne.

Adamo – Je suis un danseur professionnel depuis 1992. J’ai appris les bases avec un groupe canadien, quand j’étais en Allemagne à l’époque. On m’a montré qu’un sourd était aussi capable de danser. Ils m’ont poussé à être moins timide, et je suis devenu danseur de hip-hop. J’ai fait beaucoup de rencontres, des artistes, des chansigneurs, des artistes qui font du hip-hop en langue des signes. J’ai découvert plein plein de choses, j’ai toujours été très curieux, et ça m’a mené où j’en suis aujourd’hui.





Comment définiriez-vous le chansigne ?

Laëty – Très vulgairement, le chansigne c’est de la musique et de la langue des signes. Mais c’est un peu plus complexe que ça, dans le sens où l’objectif c’est de faire le pont entre le monde de la langue musicale et le monde de la langue des signes. Si vous voulez, en 1995, on a commencé à faire des recherches sur le chansigne, mais la forme on est encore en train de la créer. Elle évolue comme toute forme d’art finalement. Mais en tout cas, c’est important d’ajouter du visuel dans la musique, pour qu’elle soit accessible à tout le monde.

Adamo – Beaucoup de gens pensent que c’est simple de traduire la musique, mais il faut d’abord l’entendre, la comprendre, la traduire, y rajouter de la poésie, une direction qui est propre à une utilisation de la langue des signes, donc ce n’est pas évident à mettre en place. La base du chansigne, c’est la poésie qui peut exister à l’intérieur de la langue des signes. Alors quand on fait du chansigne, on essaye de représenter des émotions, de transmettre des images fortes. On a tout ce jeu avec le corps pour représenter des œuvres sans utiliser notre voix. Les entendants, eux, vont travailler sur leur voix justement, tandis que nous on va plutôt travailler sur nos mains, sur nos expressions. Le chansigne c’est assez naturel en fait.

D’après vous, quelle est la place du chansigne aujourd’hui dans la société ? Comment le chansigne peut contribuer à rapprocher les communautés sourdes et valides ?

Adamo – À l’époque, il y avait beaucoup de critiques qui émanaient, notamment de la communauté sourde, des gens qui disaient « oui c’est pour les entendants, ce n’est pas intéressant ». Je pense qu’il y avait une méconnaissance, un manque d’éducation. Ça m’a beaucoup posé question, je ne comprenais pas trop d’où venaient ces critiques, pourquoi des gens me reprochaient ça. J’ai continué, et je suis content aujourd’hui parce que le chansigne s’est développé, les gens arrivent à voir la beauté de la langue des signes, et moi-même ça me procure de l’émotion. J’ai l’impression que maintenant les sourds commencent à comprendre la valeur du chansigne.





Laëty – En pratiquant depuis de nombreuses années, j’ai effectivement constaté qu’il y a une acceptation de la part du public sourd. Alors oui, ça évolue, notamment parce que la langue des signes est de plus en plus acceptée, que les enfants sourds ont de plus en plus accès à beaucoup de choses. Je constate qu’en 20 ans, on est passé de deux chansigneurs à le faire de manière professionnelle, à aujourd’hui, je pense, une quinzaine.

En tant que chansigneur, quelles sont vos activités ?

Laëty – Depuis 20 ans, j’ai eu un parcours en intégration avec différents groupes de musique, avec différents artistes et différents concerts. Là la volonté c’est que ça soit biculturel, bilingue, que tout le monde puisse profiter du même concert, de la même accessibilité. Et à côté, il y a tout un travail de recherche, sur ce qu’est le chansigne de création. La langue des signes est libre et riche et on se pose beaucoup de questions : qu’est-ce que la musique, comment la partager, est-ce qu’on en a tous un ressenti, est-ce qu’on peut la traduire visuellement ? Évidemment, on s’interroge aussi sur ce qu’est le chansigne, dans sa structure rythmique, dans l’approche qu’on en a. Après, en tant que chansigneur, on est toujours dans un travail de sensibilisation. Nous, on est militant, on a décidé de plonger dedans, mais ce travail il est très long. C’est pour ça qu’on propose des stages, des ateliers…On réfléchit aussi à de nouveaux concepts, pourquoi pas des concerts uniquement en langue des signes !

Est-ce qu’on peut vivre du chansigne aujourd’hui ?

Laëty – C’est un métier à temps plein, mais est-ce qu’on peut en vivre aujourd’hui? Non, c’est très difficile,. Aujourd’hui, on est encore dans de la sensibilisation, ça reste très méconnu. Par contre, je trouve ça très passionnant, je suis dans le métier depuis très longtemps et j’en suis très heureuse. Beaucoup d’artistes vont avoir plusieurs casquettes en plus de chansigneur, comme danseur, comédien…

Adamo – Oui, c’est pareil pour moi, c’est un combat constant. En France, on est en retard sur la reconnaissance du chansigne et sur l’accessibilité, comparé avec d’autres pays. Au-delà du chansigne, sur la question de cette accessibilité, on a besoin de beaucoup plus. Il y a quelques efforts, mais on a vraiment besoin de faire mieux.

Retrouvez notre podcast sur le chansigne, complémentaire à cette interview sur notre chaîne YouTube !

Propos recueillis par Loris Castaing, avec la participation de Théo Gauliard, interprète

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