Dans le réseau Cap emploi, au cœur d’un déconfinement très encadré, la question de l’emploi des personnes en situation de handicap se pose légitiment. Comment, quand et dans quelles conditions les personnes handicapées en recherche d’emploi peuvent-elle poursuivre leurs démarches ? Y a-t-il encore de la place pour ces personnes sur un marché de l’emploi totalement déstructuré ? Que devient le rapprochement de Pôle emploi et des Cap emploi ?
Nous avons posé ces questions à Marlène Cappelle, Déléguée Générale de Cheops, le réseau des Cap emploi.
Où en est-on aujourd’hui du rapprochement du réseau Cap emploi avec Pôle emploi ?
En décembre 2019, nous avions mis en place 19 sites pilotes, soit environ un par région. Ils se sont mis en place au mois de janvier. Mais avec la crise sanitaire et le confinement mi-mars qui a induit la fermeture au public des agences du réseau Cap emploi et Pôle emploi, il n’y avait plus de présence de conseillers dans les agences du réseau Cap emploi et Pôle emploi, mais l’accompagnement à distance dans des personnes s’est maintenu. Cela n’a pas empêché le maintien des travaux de rapprochement et notamment des groupes de travail thématiques dirigés chacun par un binôme Cap emploi et Pôle emploi. Notre objectif reste de travailler avec le terrain, de façon à proposer une offre de service intégrée qui permettra à la personne handicapée qui pousse la porte d’une agence Pôle emploi d’avoir à disposition tout un panel d’offre de services en fonction de ses besoins. Nous restons donc sur une dynamique nationale et grâce aux visioconférences qui se sont généralisées durant le confinement nous avons pu maintenir notre feuille de route.
Ce travail inclut dans certains de ces aspects l’Agefiph, le FIFHFP et la DGEFP. Cela nous amène à travailler sur des sujets tels que la mobilisation des aides et des mesures des deux fonds par le secteur public de l’emploi, et des chantiers importants tels que la coordination autour de l’entreprise. Il s’agit de mettre en synergie le savoir-faire de tous les acteurs en matière d’accompagnement des personnes en situation de handicap dans l’emploi.
Nous avons réussi à réunir tous les sites pilotes en visio-conférence pour faire un point d’étape, et à mesurer l’impact de la crise sanitaire sur le projet.
Un collectif d’associations s’inquiète des conséquences de ce rapprochement pour l’Agefiph, qu’en pensez-vous ?
Des échanges ont eu lieu pour présenter le projet de rapprochement dans le cadre du CNCPH. Aujourd’hui la situation est en stand-by du fait de la crise sanitaire et nous devons la reprendre prochainement pour mieux inclure ces associations dans le rapprochement. Mais ce que nous avons ressenti, c’est plutôt un déficit de communication et d’information qui a généré des craintes. Ce qui est important, c’est de savoir que nous allons tous dans le même sens. Celui qui va faire de ce rapprochement la possibilité de mieux accompagner les personnes handicapées en recherche d’emploi et les employeurs. Tout en sachant qu’en période de crise économique, et notamment celle actuelle, l’impact sur l’emploi des personnes en situation de handicap va être fort mais nous ne l’avons pas encore mesuré aujourd’hui. Il nous faut donc travailler ensemble, que ce soit service public de l’emploi, Agefiph ou FIFPFH, sur la meilleure manière d’accompagner ce public, sans oublier que nous devons aussi accompagner les employeurs. Au cours du confinement, nous avons assuré un accompagnement sur la mise en place du télétravail et la reprise progressive du salarié en présentiel. Nous allons aussi réamorcer la reprise de visites sur sites dans le cadre du maintien dans l’emploi. Durant la période qui va du 16 mars au 18 avril, ce sont plus de 58 000 personnes qui ont pu être accompagnées. Cela nous a permis de faire bouger les lignes en matière d’accompagnement, notamment en repérant les personnes les plus en difficultés avec le numérique. Dans le cadre du plan de déconfinement que nous mettons en œuvre, nous allons donner une priorité aux personnes qui ont été en rupture d’accompagnement.
Avez-vous des échanges avec les entreprises quant aux conséquences de la crise sur l’emploi des personnes en situation de handicap – qui s’annonce comme figé ?
Il faut savoir que 50% des entreprises avec lesquelles nous travaillons sont des TPE-PME qui ne sont pas soumises à l’obligation d’emploi. Ces entreprises auront aussi besoin d’un accompagnement à la reprise d’activité et au recrutement. Si nous pensons au secteur hôtellerie-restauration, cela semble difficile d’envisager des recrutements dans les mois qui suivent, mais des secteurs comme la grande distribution et le transport nous ont sollicité pour du recrutement durant le confinement. Nous avons eu plus de 1000 contrats conclus, soit dans le cadre d’un renouvellement de contrat, soit pour des recrutements en CDD ou d’intérim. Nous avons su répondre à des besoins de main d’œuvre assez urgents.
Nous n’avons cependant pas aujourd’hui de visibilité sur l’éventuel gel des recrutements dû aux conséquences de la crise. Certaines entreprises ont malgré tout poursuivi le signalement des maintiens dans l’emploi, bien que nous n’ayons pas eu la possibilité de les rencontrer. Cela ne nous a pas empêchés de maintenir le contact avec les employeurs puisque nous affichons plus de 20 000 contacts au cours de la période confinement. Nous devrons dans tous les cas être très attentifs, au sortir de cette crise, à ce qu’il n’y ait pas de discrimination au retour à l’emploi des personnes en situation de handicap. La priorité reste au télétravail et le critère sur lequel doit se focaliser l’employeur c’est l’état de santé du salarié et non pas son handicap. Il faut déconnecter la problématique handicap et santé. Nous devrons lever les craintes que certains employeurs pourraient avoir à faire revenir en présentiel certains salariés handicapés lorsque tout cela sera terminé. Cela relève de notre expertise. Nous travaillons aussi bien sur le moyen que le long terme dans la perspective de reprise de l’économie pour que les employeurs maintiennent leurs engagements de recrutements de personnes handicapées.
Que pensez-vous des mesures mises en œuvre par l’Agefiph pour venir en aide aux entreprises comme aux salariés en situation de handicap ?
Pour nous, ces mesures sont bien ciblées, notamment avec l’aide aux travailleurs indépendants en situation de handicap très fragilisés par cette crise. Le ciblage lié à la fracture du numérique répond aussi à ce que nous avons constaté sur le terrain. L’accompagnement psychologique est aussi une mesure qui s’imposait dans de nombreuses situations. Les moyens ont été mis en face, ce qui est indispensable.
Pensez-vous que la situation actuelle pourrait mener le gouvernent à repousser certains aspects de la réforme de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ?
Cela me semble un peu compliqué et je ne peux pas parler à la place des cabinets ministériels. Nous n’avons en tout cas pas eu d’échanges sur ce sujet avec la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées ou la ministre du travail. Il faudra avant tout tirer un bilan financier sur les entreprises et l’évolution des conséquences. Il y avait des points très positifs dans cette réforme et notamment le fait d’avoir un regard sur l’emploi des personnes en situation de handicap au sein des TPE-PME non soumises à l’obligation d’emploi et dont on sait qu’elles sont un véritable vecteur d’emploi pour les personnes handicapées.
Pensez-vous que cette crise puisse remettre en question l’emploi des personnes handicapées dans certains secteurs ?
Sur les TPE et PME déjà accompagnées par le réseau Cap emploi non, ce questionnement n’existe pas. Elles ne ressentent pas le fait d’avoir un salarié handicapé durant cette période comme une situation complexe. Celles qui sont en contact avec le réseau Cap emploi affichent le désir de continuer à faire appel à leurs services dans le cadre de recrutements.
Quel message pouvez-vous faire passer aux personnes handicapées en recherche d’emploi ?
Il ne faut pas qu’elles hésitent à prendre contact avec le réseau Cap emploi et Pôle emploi pour bénéficier d’un accompagnement de qualité et faire part de leur situation. Malgré la fermeture provisoire des agences il faut solliciter les services publics de l’emploi par téléphone ou par mail. S’il n’y a pas d’offres aujourd’hui correspondant à leurs profils ou recherches d’emploi, cela ne nous empêche pas d’engager un travail préparatoire ou de remise à niveau.
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