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L’Humour et le Handicap : compatibles ?

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« On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui », disait Pierre Desproges, comique français réputé pour son humour noir. C’est d’ailleurs un thème récurrent des dissertations données aux élèves de lycée, en cours de français (ou de philosophie). Mais aujourd’hui, axons l’argumentaire sur le sujet. Peut-on blaguer sur le handicap ? Les humoristes ont-ils le droit de parler des personnes handicapées dans leur sketch ? Tout type d’humour est-il acceptable lorsque l’on traite de la maladie ?

Certains ne se gênent pas, comme Patrick Timsit, Élie Semoun dans son dernier spectacle, ou encore plus récemment à la télévision, Jeremy Ferrari. Et puis nous avons eu le célèbre et incontournable film Intouchables, qui a attiré plus de 20 millions de Français dans les salles, et des milliers d’étrangers dans les cinémas allemands, italiens ou autres pays du monde. Étant donné que ceci est mon essai, je donne mon point de vue. Et je serai de l’avis de Monsieur Desproges. Je pense que l’on peut rire du handicap. Rire d’une personne en fauteuil roulant, ou atteinte de je ne sais quelle déficience, n’est pas un crime. Bien au contraire, cela lui donne de l’importance, la fait exister aux yeux des autres.

Tout d’abord, il faut savoir distinguer l’humour, le rire, de la moquerie. « La moquerie est le langage du mépris, et l’une des manières dont il se fait le mieux entendre : elle attaque l’homme dans son dernier retranchement, qui est l’opinion qu’il a de lui-même », disait Jean de La Bruyère. Il est évident, et donc de bon aloi de rappeler que je parle d’humour, et non de moquerie. 

Prenons un exemple simple : le sketch de l’humoriste Jérémy Ferrari, dans l’émission On ne demande qu’à en rire sur France 2, où il se moque clairement des personnes atteintes de problèmes physiques. Dans ce sketch, qui aurait pu heurter des âmes sensibles, l’humoriste Guillaume Bats, souffrant d’une forme sévère d’ostéogenèse imparfaite, engendrant une petite taille et des malformations, y joue le rôle d’une personne

handicapée, et n’hésite pas à rire publiquement de sa maladie. Preuve une fois de plus que le handicap peut être un sujet abordé avec humour. Pour en revenir au film Intouchables, il est bien évident qu’il a été bénéfique pour l’image des personnes handicapées. Pourtant, il comporte des propos crus, parfois emprunt d’humour noir. Mais cela a fortement contribué à sensibiliser le public valide sur le handicap et à lever les tabous. Rappelez-vous le « Pas de bras, pas de chocolats » que balance Omar Sy à François Cluzet. Imaginez-vous maintenant. Un valide aurait-il osé faire la même chose avant Intouchables ? Je ne pense pas. Le fera-t-il aujourd’hui ? Sans aucune hésitation.

Les personnes handicapées, elles-mêmes, ne sont pas avares d’humour, et ne seraient pas dérangées par des blagues sur leur infirmité. C’est plutôt l’entourage du malade qui est assez hostile à l’humour sur le handicap de leur protégé. En est pour preuve le procès de Patrick Timsit, en 1999, où le père d’un enfant atteint de trisomie avait engagé des poursuites contre l’humoriste, qui, dans un sketch appelé Le Trisomique, avait comparé ces derniers à des crevettes. « Les mongoliens, […] c’est comme les crevettes roses, tout est bon, sauf la tête. »

Au final, la plainte fut retirée. Plus tard, Patrick Timsit avoua dans une interview n’avoir « jamais eu de problème avec les handicapés, les seuls problèmes que j’ai eus c’est avec des valides qui parlaient pour les handicapés ».

Enfin, n’oublions pas que l’humour peut aussi être un moyen de dénoncer, de parler d’un sujet de façon différente, pour faire réagir les consciences. Il est d’ailleurs plus facile de faire passer un message au travers de l’humour d’un film, ou d’un spectacle, car ces derniers sont souvent médiatisés à grande échelle. De plus, même si certains sketches sont polémiques, ils ont au moins le mérite de lancer des débats, de poser certains problèmes sur la table, d’exprimer les non-dits. Humour et handicap peuvent donc s’allier pour faire tomber la barrière des préjugés.

 

Florian Jurdic

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